Ce n'est pas tout à fait vrai, et ma faconde méridionale me joue encore des tours... mais, en ajoutant un petit "presque" à toujours, l'affaire est souvent vérifiée sur notre belle Côte Atlantique. Depuis notre retour de Rome, après une belle journée de soleil tout à fait latine, la saison a décidé de poser ses bagages et il fait ce qu'il est de bon ton d'appeler "un temps de saison".
Et de me réjouir, avec l'impudique mauvaise foi de celle qui vient de bénéficier dans la capitale italienne de 10 jours d'un été tardif mais intense - 30 degrés tous les après-midi -, du passage des saisons et de ces intempéries qui, finalement, nous ramènent à la dimension fondamentale du temps qui passe. Trop vite certes, mais justement cette sensation d'écoulement inexorable est à la fois accentuée et atténuée par le rythme des saisons. Des jours qui rallongent ou raccourcissent, de la végétation qui se recroqueville ou s'épanouit, des cieux qui s'assombrissent ou s'illuminent, rien de tel pour vous remettre une horloge dans la tête. Ainsi que le disait l'ami Michel de Lyon, citant pour ce faire, Tardieu :
J'aime mieux le temps s'il se montre
que s'il passe en nous sans bruit
comme un voleur dans la nuit.
Les variations climatiques de notre planète gravitant autour du soleil, d'autant plus marquées que nous avons la chance d'être dans une zone tempérée, nous imposent la notion très salutaire de trimestrialité... un tempo tout à fait à mesure de notre petite cervelle d'oiseau ! Trois mois pour voir surgir les pousses et les bourgeons, trois mois pour griller sur la plage (??!! que ceux qui savent que je ne mets JAMAIS les pieds à la plage se fassent discrets au fond de la salle, pas la peine de rire bêtement !), trois mois pour s'extasier sur les teintes mordorées de la nature déclinante et trois mois enfin pour se calfeutrer en soufflant sur les bûches.Alors ce retour en fanfare - car le vent, ici, non content de souffler de l'ouest, fait un raffut de tous les diables - a quelque chose d'apaisant : une normalité qui rassure et nous prépare à attendre le printemps avec impatience. C'est merveilleux l'impatience pour qui s'inquiète de voir passer le temps trop vite ! Ça rallonge les journées, ça étire les heures, et la contemplation du feu de cheminée qu'imposent les intempéries pousse à la méditation et à l'introspection, deux activités très salutaires en nos temps d'hyper-activisme.
D'ailleurs, la perception des manifestations saisonnières par nos semblables est une belle leçon de psychologie, très révélatrice de leur tempérament. C'est ainsi que les locaux déclarent, dès qu'une belle journée s'annonce "ah mais, on va le payer"... alors que les bretons, à la vue d'une pluie persistante, prévoient inéluctablement le soleil qui suivra, fut-ce dans une semaine ! Pas étonnant que les seconds réussissent mieux et aient développé un tissu économique largement plus prospère que chez nous. Je me rappelle avec amusement le jour où la jeune chambre économique de Saintes avait organisé un symposium auquel elle avait invité des chefs d'entreprise vendéens et bretons, chargés de nous confier le secret de leur réussite, avec des éléments climatiques et environnementaux quasi équivalents aux nôtres (1)
Donc, en attendant, "o buffe encore sérieusement asteure"(2) et ce fichu vent démasque l'affreux pilier électrique qui gâche la vue depuis mon évier de cuisine. La douce ville de Meschers a enterré tous les réseaux ... sauf dans notre quartier ! Alors quand j'ai décidé de supprimer le rideau qui cachait ma cuisine aux regards des touristes curieux au motif que j'avais là une jolie petite peinture de paysage, sur le vif, j'ai planté devant cet atroce verrue un cyprès, qui remplit fort honorablement son office. Sauf les jours de grand vent. Mais le vent souffle où il veut(3) et déjà il apporte quelques traits de lumière, tout à fait bons pour le moral ! J'avais oublié de vous le dire, mais en plus, ce sont de grosses marées, encore un indice passionnant qui ryhtme le temps non plus en trimestres, mais en quinzaine. Et ici, forcément, les marées on vit avec leur horaire sous le coude ! Que croyez-vous que fit Madeleine, hier, après avoir acheté des saucisses de cagouilles (délicieux, je vous l'acertaine (4)) ? Elle est allée voir "sauter la mer" !!!
Dédié à Michel de Lyon, à Madeleine et,
accessoirement, à GF, à cause du vocabulaire de Montaigne !!
accessoirement, à GF, à cause du vocabulaire de Montaigne !!
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(1) Pensée émue au passage pour les entreprises bretonnes qui, actuellement, se battent pour leur survie.
(2)Asteure, nous l'avez compris, signifie maintenant et le mot, quoique régional, n'a rien d'impropre, Montaigne lui-même l'utilise souvent, à preuve : « La mort se mêle et confond partout à notre vie : le déclin préoccupe son heure, et s’ingère au cours de notre avancement même. J’ai des portraits de ma forme de vingt et cinq, et de trente-cinq ans : je les compare avec celui d’asteure : combien de fois, ce n’est plus moi : combien est mon image présente plus éloignée de celles-là, que de celle de mon trépas » (1718, Livre III Chapitre XIII).
(3) Ce sont les paroles d'un "cantique" de Michel Scouarnec "Le vent souffle où il veut et toi tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient, et tu ne sais pas où il va, le vent". Oui, je sais, les cantiques c'est DÉMODÉ mais bon, au moins la mélodie est simple et le texte plein de bon sens.
(4) Acertainer est encore une expression locale, comme o buffe qui, j'ai oublié de vous le dire, signifie "ça souffle". Acertainer signifie affirmer, assurer quelque chose, et je ne suis pas allée vérifier si Montaigne l'utilise mais cela ne déparerait pas dans ses Essais !
A ç't-eûre comme on écrit chez nous depuis que notre langue régionale a sa grammaire...mais j'ai longtemps écrit "asteûr' ( à cette heure soit maintenant comme tu le dis) , j' te l' acèrtine ! Le verbe s'employant chez nous aussi...et sans doute "ètou" chez Montaigne.. :-)))
RépondreSupprimerChez nous une" ouféye "c'est justement une bouffée....souvent de plaisir,c 'est mieux!
Courage, chez nous aussi il vente et il pleut...
Remarque oufèye ou buffe, ça souffle ferme quand on le dit !! j'ai souvenance d'un voisin qu'on appelait (il était d'origine charentaise et alors j'habitais bordeaux, donc c'était hyper exotique) "buffe la soupe" car il était sans cesser en train de râler, de rognonner, de rouscailler !!!
SupprimerLe vent a dû apprécier mon article car aujourd'hui il se déchaine
Le Godefroy , lexique de l'ancien français donne boufler pour souffler....et "bouffis" souffles de vent...mes filles me parleraient de bouffer...;-))) et c'est vrai qu'en " bouffant" on devient vite "bouffi" du verbe bouffir ....on en causerait longtemps...et ma mère confectionnait des robes avec des manches bouffantes lorsque j'étais gamine , et elle n'oubliait pas de faire "bouffer "le "riquet" qu'elle me juchait sur le crâne afin d'améliorer mon apparence...ce qui fait bien rire ma descendance...toujours prête àse moquer de l'ancien temps! ici, plus de vent mais un déluge..même le chat est au coin du radiateur.
SupprimerMontaigne n'emploie pas acertainer, mais il emploie une seule fois buffe dans le sens de soufflet. Je m'interroge : est-ce de ce buffe que viendrait notre baffe? Montaigne : 'Je conseille qu'on donne plustost une buffe à la joue de son valet, un peu hors de saison, que de geiner sa fantasie pour representer cette sage contenance; et aymerois mieux produire mes passions que de les couver à mes despens: elles s'alanguissent en s'esvantant et en s'exprimant; il vaut mieux que leur poincte" C'est en tout cas l'éloge de la paire de claque et je me demande ce que phrase inspire à notre professeure!!!
RépondreSupprimerLa buffe dans le sens d'un soufflet, d'une gifle, pourquoi non ?? mais comme je le disais à Danielle buffer implique de faire "pfff" en le disant, donc de souffler !!
SupprimerLe Asteure par contre, se trouve plusieurs fois dans les Essais... je n'ai pas fait le compte et choisi l'extrait qui allait le mieux avec le billet !!
Quant à mon avis sur la buffe sur la joue du valet, bah, je ne suis spécialiste de Montaigne moi môsieur !! le chef, en la matière, c'est toi, incontestablement....
Et bien moi j'ai fait le compte, asteure apparaît 5 fois dans les Essais. Bon, je n'ai pas beaucoup de mérite, je n'ai pas relu in extenso ce soir les 113 chapitres pour claironner ma modeste science sur ton blog, j'ai juste consulter le Montaigne Project! Et comme je suis très partageur, je te mets un lien vers cet outil formidable (qui te donnera qui sais des idées...), tu peux retrouver un mot, une expression, dans les 1103 pages des Essais sans te donner la peine de les relire toutes! Bonne consultation!
Supprimerhttp://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/montaigne/index.html
Eh eh merci !! je me contentais de faire une recherche sur le document epub ou mobi, ou pdf selon les cas, mais c'est nettement plus long !!
SupprimerUne dédicace ! À mon endroit ! Alors que je ne tiens pas de blog pour vous renvoyer l’ascenseur. Ce que vous me gênez Michelaise… ce que vous me gênez… Enfin, bref, vous ne pouvez pas voir si je suis tout rouge. C’est déjà une certitude. On a ses pudeurs ! J’aime bien votre divagation sur le temps et vous m’avez d’abord fait penser à ces amis, rentrés d’une longue carrière d’enseignants à l’étranger dans divers pays et qui annoncent avec force qu’en France il n’y a que deux saisons : le mois d’août et l’hiver. C’est dire si votre trimestrialité n’est pas perçue par tout le monde. Moi, elle me va bien. Chaque âge a ses plaisirs et chaque saison ses agréments.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne ‘buffe’ : G.F. en donne un emploi dans Montaigne ; un érudit linguiste nous rattacherait sans doute ce mot à une racine commune (inconnue de moi) à nos divers parlers régionaux. Pensez à ‘boufadou’ en Provence qui est cette façon de canne qui permet de porter le souffle au plus profond des braises pour les activer, à ‘bouffant’ qu’on dit pour un tissu ou un beau papier. Il est toujours question d’apporter de l’air (ou un déplacement d’air sur une joue –baffe- !). Dans notre parler Lyonnais ne resterait que ‘bouffaret’ employé exclusivement en tant qu’adjectif pour signifier ‘joufflu’ et très restrictivement pour qualifier le visage de petits anges et nous avons aussi ‘bouffer’ au sens de ‘souffler, attiser’ (le vent bouffe ce soir) ou bien au sens de ‘gonfler, enfler’ (une vieille lyonnaise dira à sa tailleuse – tâchez voir moyen de bien faire bouffer mon postiche-). Mais ma source (Nizier du Puitspelu) n’est pas essentiellement Lyonnaise et son dictionnaire est controversé même si on rattache notre parler au franco-provençal.
Et puis, éprise de peinture, je m’aperçois qu’il faut cliquer sur vos photos pour les regarder en grand format. Parce que, si mes nouvelles lunettes sont bonnes, votre image de fenêtre de cuisine est traitée en manière d’aquarelle non ? Le cyprès et ce qui me parait un être olivier ont des contours humides qui n’ont rien à voir avec de l’eau sur la vitre. On joue avec Photoshop à Meschers aussi ! Cela vous fait de quoi occuper vos journées lorsque l’angle de votre terrasse ressemble à une proue de bateau dans la tempête.
Belle journée si votre baromètre est beaucoup (beaucoup) plus haut que le-nôtre.
Alors nous voilà avec un vrai dictionnaire savant et vivant du parler de nos régions !! et entre le boufadou et le bouffaret, tout cela en effet se rejoint et appelle des joues bien gonflées pour le dire !!
SupprimerPauvre Michel, j'ai répondu en plaisantant que vos vers de Jean Tardieu m'inspireraient un billet, mais je ne croyais pas si bien dire, il a fallu bien peu de temps pour qu'il m'en vint l'inspiration...
Quant à Photoshop, je n'en abuse guère, mais ayant toujours trouvé que la fenêtre sans rideau de ma cuisine faisait "peinture", je ne pouvais faire moins, même si cette petite transformation n'a rien de bien enthousiasmant, il aurait fallu un jour de soleil pour en faire, vraiment, un joli encadrement. Surtout histoire d’avouer que je déteste les rideaux derrières lesquels on se cache !! Ils attisent, à mon sens la curiosité, alors qu'ici, les gens détournent pudiquement les yeux en passant ! pensez, Michelaise les mains dans la vaisselle (mais non, c'est Alter qui la fait !!) !!!
Quant à ma vue depuis le bureau où j'écris, vous avez parfaitement saisi la situation : une proue de bateau dans la tempête... les grands marées nous font l'air vif et la mer agitée, très agitée !! Bonne journée à vous aussi cher dédicataire !!!
Voir "sauter" la mer, à Germaine de la falaise? Où on a intérêt à ne pas s'approcher du bord si on ne veut pas prendre la douche...
RépondreSupprimerAmitiés.
Au tournant de "guette l'ami"... dixit Madeleine
SupprimerQuand à la douche, cela m'est arrivé une fois vers le phare à St Georges, et je t'assure la vague était "lourde d'eau glaciale" !!
Très belles photos et belle lecture bises
RépondreSupprimerEt il pleut toujours, asteure !!!
SupprimerAsteure, le vent d'ouest re-re-souffle t'ch'nous !!!!
RépondreSupprimerIl y a aussi le patois normand...
Belle soirée peut-être sans vent fripon!
Prends garde à ton jupon Martine !!!
SupprimerAsteure, la pluie et le vent se sont arrêtées à Athènes. Mais la matinée a été vraiment très très arrosée. Je suis "dépitée". C'était bien la peine de venir en Grèce pour avoir le même temps qu'en France! Heureusement que j'avais d'autres motivations!
RépondreSupprimerA Toulouse aussi on dit "aujourd'hui ça buffe" pour dire que le vent souffle...
Bises et bonne soirée.
J'avoue qu'il y a de quoi être dépitée !! Mais forcément que tu auras un plus bel hiver que nous Marie-Paule, rassure-toi, on te racontera d'autres intempéries !!!
SupprimerAsteure, locution souvent employée par les acadiens! lire Antonine Maillet!
RépondreSupprimerVu le succès de Asteure, je sens qu'il va connaitre un regain d'usage, finalement, ça dit bien ce que ça veut dire !!
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