Une exposition dont nous attendions beaucoup (nous avions, au printemps dernier, eu envie de faire le voyage à Florence pour la voir, avant de découvrir qu'elle viendrait à nous et d'aller plutôt en Vénétie !!), : elle est fort bien menée, exceptionnellement riche en œuvres de premier rang, et pourtant, paradoxalement, elle nous a un peu laissés sur notre faim.
Pourtant pour des amoureux de la Florence républicaine du début du XVe siècle, une telle accumulation de chefs d'oeuvre de Ghiberti, Luca della Robbia, Michelozzo, Desiderio da Settignano ou Mino da Fiesole, c'était pain béni !
Le parti-pris des commissaires de l'exposition était , en insistant sur la culture humaniste du Quattrocento, de
montrer comment Florence a été la première à exprimer dans les arts figuratifs, principalement dans la sculpture, la volonté de se réapproprier l’héritage antique. Et, de façon très convaincante, l'exposition proposait, en parallèle aux œuvres du XVe siècles, de nombreux exemples du précédent classique dont les artistes de la première Renaissance se sont inspirés.
Par exemple, il était montré comment, lors du concours de 1401 destiné à choisir l’artiste qui devait exécuter les secondes portes du baptistère San Giovanni, Brunelleschi choisit d'intégrer dans son Sacrifice d'Isaac un berger tireur d'épine inspiré du célèbre Spinario romain (celui de l'exposition était l'exemplaire en marbre du 1er siècle avant J.-C. de la Galerie Estense de Modène) ....
... et comment Ghiberti fit d'Isaac un vrai athlète romain aux épaules carrés et au torse puissant, tout à fait proche du torse de centaure en marbre rouge du 1er siècle J.-C. qu'on admire aujourd'hui au Metropolitan de New York.
Nombre d'autres comparaisons emportaient l'adhésion : les spiritelli de la cantoria de Santa Maria del Fiore scultpés par Donatello mis en parallèle avec des putti d'un marbre romain actuellement à Venise ...
... la tête de prophète du même Donatello, actuellement au Bargello, présentée à côté de l'admirable pseudo Sénèque du Musée Archéologique de Naples, un bronze impressionnant du 1er sicèle après J.-C.
L'inoubliable buste de Niccolo da Uzzano, réalisé vers 1450 par Désidério da Settignano supportait fort judicieusement la comparaison avec la tête d'homme romaine du 1er siècle avant J.-C., du Kunsthistorisches Museum à Vienne....
Autre sujet repris de l’Antiquité classique, le monument équestre, dont le Gattamelata de Padoue fut le premier exemple à la période moderne (impossible à déplacer au Louvre, bien sûr!). Ce genre aristocratique était, forcément, banni de la Florence républicaine, mais l'exposition proposait l'imposant Protomé Carafa de Donatello, placé en regard de la Tête de cheval hellénistique dite Protomé-Médicis, du musée archéologique de Florence.
D'autres thèmes, liés à la nouvelle vision de l’homme dans son rapport à l’univers et à l’histoire, étaient développés dans l'exposition. C'est ainsi qu'une section détaillait les débuts de l’utilisation de la perspective mathématique par les artistes toscans. La grande « révolution » de la perspective qui s’accomplit pendant la première Renaissance à la suite de Brunelleschi était présentée par des panneaux en bas-relief, voire par quelques exemples picturaux. Saint Georges et le dragon, prédelle en marbre de Donatello provenant du tabernacle abritant à Orsanmichele la statue de saint Georges, le célèbre relief du Le Festin d’Hérode, et bien d'autres, montraient comment la sculpture a intégré les nouvelles lois de construction de l’espace perspectif, participant à leur mise au point et même, anticipant parfois leur évolution, dans l'art pictural.
Le Christ délivrant un possédé et la trahison de Judas, peint vers 1425-1426 par Francesco d’Antonio (Philadelphia Museum of Art, collection John G. Johnson) montrait comment les figures prennent place, dès lors, dans un espace rationnel, bien marqué par le raccourci de la succession d’arcades, avec un point de fuite mathématique unique et la perspective atmosphérique qui donne le sentiment d’un espace ouvert, représentée par les éléments naturels.
La notion de beauté, telle que la concevait ce milieu artistique foisonnant, était définie grâce à une superbe collection de Vierge à l'Enfant, déclinant à l'envi les modèles créés en marbre et en terre cuite par les plus grands artistes florentins comme Lorenzo Ghiberti ou Luca della Robbia. Ces oeuvres, destinées à la dévotion privée d’une grande partie de la population florentine, diffusaient par capillarité, dans de larges cercles de la société, les canons et les prototypes de l’art nouveau, les rendant accessibles au plus grand nombre.
La Madonna Pazzi et ses nombreuses répliques, les sublimes vierges de Della Robbia et diverses variantes d’autres Vierges célèbres, prouvaient la diffusion de cet idéal féminin de douceur et de tendresse maternelle à l’intérieur des maisons florentines.
Les fils conducteurs de l'exposition étaient cohérents et admirablement développés... le nombre de sculptures déplacées pour l'occasion, impressionnant... enfin la scénographie était parfaite, aérée, mettant les oeuvres en valeur et permettant des points de vue multiples sur les comparaisons jamais gratuites et toujours judicieuses. Alors, me direz-vous, après un article aussi convaincant sur les qualités de ce somptueux rassemblement d'œuvres magistrales, pourquoi la réserve du début ? Peut-être tout simplement parce que le parti pris de l'exposition, démontrer que la sculpture a été le ferment du renouveau artistique impulsé par le XVème toscan, ne nous a pas forcément convaincus. Les commissaires de l'exposition entendaient prouver que les sculpteurs florentins ont "inventé" la Renaissance. Certes, parmi les arts, la sculpture fut une remarquable interprète du nouveau style. Mais l'art toscan est un tout, un idéal formel, moral et esthétique, et appuyer ainsi sur la sculpture est très restrictif.
De plus, nous connaissions déjà, pour les avoir contemplées souvent, la plupart des œuvres exposées : l'effet surprise, propre à la réussite de nombreuses découvertes, n'a donc pas fonctionné ! Mais surtout, nous avons commis l'erreur de "garder pour la fin" cette exposition-phare, et sans doute, avec une dizaine d'autres expos dans la tête et quelques agapes un peu trop riches, n'étions-nous plus de toute première fraîcheur ! Notre réceptivité, amoindrie, ne nous a pas permis d'apprécier à sa juste valeur ce remarquable événement ! Pourtant si l'exposition ne fermait pas demain, je ne saurais trop vous recommander d'aller visiter cette exposition incontournable ! Pour les parisiens, il vous reste 24 h !!!
Les photos illustrant cet article sont toutes en provenance du web, du musée du Louvre, du site de l'exposition, de Wikipédia, des sites des musées hébergeant habituellement ces oeuvres et la photo du duomo de nuit vient d'ici (merci !!)
Pourtant pour des amoureux de la Florence républicaine du début du XVe siècle, une telle accumulation de chefs d'oeuvre de Ghiberti, Luca della Robbia, Michelozzo, Desiderio da Settignano ou Mino da Fiesole, c'était pain béni !
Le parti-pris des commissaires de l'exposition était , en insistant sur la culture humaniste du Quattrocento, de
montrer comment Florence a été la première à exprimer dans les arts figuratifs, principalement dans la sculpture, la volonté de se réapproprier l’héritage antique. Et, de façon très convaincante, l'exposition proposait, en parallèle aux œuvres du XVe siècles, de nombreux exemples du précédent classique dont les artistes de la première Renaissance se sont inspirés.
Par exemple, il était montré comment, lors du concours de 1401 destiné à choisir l’artiste qui devait exécuter les secondes portes du baptistère San Giovanni, Brunelleschi choisit d'intégrer dans son Sacrifice d'Isaac un berger tireur d'épine inspiré du célèbre Spinario romain (celui de l'exposition était l'exemplaire en marbre du 1er siècle avant J.-C. de la Galerie Estense de Modène) ....
... et comment Ghiberti fit d'Isaac un vrai athlète romain aux épaules carrés et au torse puissant, tout à fait proche du torse de centaure en marbre rouge du 1er siècle J.-C. qu'on admire aujourd'hui au Metropolitan de New York.
Nombre d'autres comparaisons emportaient l'adhésion : les spiritelli de la cantoria de Santa Maria del Fiore scultpés par Donatello mis en parallèle avec des putti d'un marbre romain actuellement à Venise ...
... la tête de prophète du même Donatello, actuellement au Bargello, présentée à côté de l'admirable pseudo Sénèque du Musée Archéologique de Naples, un bronze impressionnant du 1er sicèle après J.-C.
L'inoubliable buste de Niccolo da Uzzano, réalisé vers 1450 par Désidério da Settignano supportait fort judicieusement la comparaison avec la tête d'homme romaine du 1er siècle avant J.-C., du Kunsthistorisches Museum à Vienne....
Autre sujet repris de l’Antiquité classique, le monument équestre, dont le Gattamelata de Padoue fut le premier exemple à la période moderne (impossible à déplacer au Louvre, bien sûr!). Ce genre aristocratique était, forcément, banni de la Florence républicaine, mais l'exposition proposait l'imposant Protomé Carafa de Donatello, placé en regard de la Tête de cheval hellénistique dite Protomé-Médicis, du musée archéologique de Florence.
D'autres thèmes, liés à la nouvelle vision de l’homme dans son rapport à l’univers et à l’histoire, étaient développés dans l'exposition. C'est ainsi qu'une section détaillait les débuts de l’utilisation de la perspective mathématique par les artistes toscans. La grande « révolution » de la perspective qui s’accomplit pendant la première Renaissance à la suite de Brunelleschi était présentée par des panneaux en bas-relief, voire par quelques exemples picturaux. Saint Georges et le dragon, prédelle en marbre de Donatello provenant du tabernacle abritant à Orsanmichele la statue de saint Georges, le célèbre relief du Le Festin d’Hérode, et bien d'autres, montraient comment la sculpture a intégré les nouvelles lois de construction de l’espace perspectif, participant à leur mise au point et même, anticipant parfois leur évolution, dans l'art pictural.
Le Christ délivrant un possédé et la trahison de Judas, peint vers 1425-1426 par Francesco d’Antonio (Philadelphia Museum of Art, collection John G. Johnson) montrait comment les figures prennent place, dès lors, dans un espace rationnel, bien marqué par le raccourci de la succession d’arcades, avec un point de fuite mathématique unique et la perspective atmosphérique qui donne le sentiment d’un espace ouvert, représentée par les éléments naturels.
La notion de beauté, telle que la concevait ce milieu artistique foisonnant, était définie grâce à une superbe collection de Vierge à l'Enfant, déclinant à l'envi les modèles créés en marbre et en terre cuite par les plus grands artistes florentins comme Lorenzo Ghiberti ou Luca della Robbia. Ces oeuvres, destinées à la dévotion privée d’une grande partie de la population florentine, diffusaient par capillarité, dans de larges cercles de la société, les canons et les prototypes de l’art nouveau, les rendant accessibles au plus grand nombre.
La Madonna Pazzi et ses nombreuses répliques, les sublimes vierges de Della Robbia et diverses variantes d’autres Vierges célèbres, prouvaient la diffusion de cet idéal féminin de douceur et de tendresse maternelle à l’intérieur des maisons florentines.
Les fils conducteurs de l'exposition étaient cohérents et admirablement développés... le nombre de sculptures déplacées pour l'occasion, impressionnant... enfin la scénographie était parfaite, aérée, mettant les oeuvres en valeur et permettant des points de vue multiples sur les comparaisons jamais gratuites et toujours judicieuses. Alors, me direz-vous, après un article aussi convaincant sur les qualités de ce somptueux rassemblement d'œuvres magistrales, pourquoi la réserve du début ? Peut-être tout simplement parce que le parti pris de l'exposition, démontrer que la sculpture a été le ferment du renouveau artistique impulsé par le XVème toscan, ne nous a pas forcément convaincus. Les commissaires de l'exposition entendaient prouver que les sculpteurs florentins ont "inventé" la Renaissance. Certes, parmi les arts, la sculpture fut une remarquable interprète du nouveau style. Mais l'art toscan est un tout, un idéal formel, moral et esthétique, et appuyer ainsi sur la sculpture est très restrictif.
De plus, nous connaissions déjà, pour les avoir contemplées souvent, la plupart des œuvres exposées : l'effet surprise, propre à la réussite de nombreuses découvertes, n'a donc pas fonctionné ! Mais surtout, nous avons commis l'erreur de "garder pour la fin" cette exposition-phare, et sans doute, avec une dizaine d'autres expos dans la tête et quelques agapes un peu trop riches, n'étions-nous plus de toute première fraîcheur ! Notre réceptivité, amoindrie, ne nous a pas permis d'apprécier à sa juste valeur ce remarquable événement ! Pourtant si l'exposition ne fermait pas demain, je ne saurais trop vous recommander d'aller visiter cette exposition incontournable ! Pour les parisiens, il vous reste 24 h !!!
Les photos illustrant cet article sont toutes en provenance du web, du musée du Louvre, du site de l'exposition, de Wikipédia, des sites des musées hébergeant habituellement ces oeuvres et la photo du duomo de nuit vient d'ici (merci !!)
Votre publication montre aussi qu'à cette époque on ne se posait pas la question contemporaine de la limite pas toujours nettement définie entre l'hommage, la référence, le plagiat et la réappropriation. Bon weekend !
RépondreSupprimerFort judicieuse remarque Anne : je pense que notre époque n'y a pas gagné avec ce purisme de mauvais aloi !!! Bon week-end à vous aussi
Supprimerune expo qui m'aurait bien tentée, mais pas de séjour à Paris pendant sa durée, merci pour ce compte-rendu!
RépondreSupprimerUne exposition de grande qualité en effet eimelle, mais sauf à avoir le temps de "faire un saut à paris" une journée et à condition de trouver des billets à un prix supportable, on ne peut pas voir tout ce qu'on voudrait voir ! Merci de ta lecture
SupprimerMagnifiques images, si tridimensionels que j'ose à peine croire (et description intéressants à côté) merci merci merci!
RépondreSupprimerouf !!! carrément trois merci !! comme c'est gentil Julie...
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