jeudi 2 janvier 2014

QUELQUES EXPOS PARISIENNES


Noël à Paris, ce furent, bien sûr, des agapes et réjouissances diverses, mais aussi quelques expositions qui vont se terminer bientôt !! Parmi elles : 

A la Pinacothèque : les peintres témoins de leur temps, une exposition en trois volets


Pinacothèque jusqu'au 10 mars 2014

Goya, on le sait, est cruel et caustique. L'exposition, qui égrène sans concession, les désastres de la Guerre, les subtilités parfois barbares de la tauromachie, la famine, la pauvreté, l'hypocrisie de la société à travers la série des Caprices, est, de fait ingrate.


Des séries et des séries de gravures, virtuoses certes, mais totalement déprimantes, la violence mise à nu, la religion démystifiée, des choix esthétiques toujours au scalpel, c'est drôlement difficile à visiter. Et ce ne sont pas les portraits, certes pénétrants mais ô combien lucides et sans concession qui entrecoupent de quelques touches colorées ce parcours héroïques, qui parviennent à vous remonter le moral. Vous sortez de là un peu sonné, admiratif, forcément, mais avec l'impression d'avoir partagé un instant toute la misère du monde.


Pinacothèque jusqu'au 10 mars 2014

Je vous ai déjà longuement parlé de cette exposition lors de notre visite romaine. Celle de Paris comporte à peu près les mêmes œuvres mais m'a semblé de moindre importance, le déroulement du propos étant moins structuré qu'à Rome. Le Cloître de Bramante insistait plus explicitement sur le caractère familial de l'atelier, sur les influences et originalités de chacun des peintres de la dynastie Brueghel et développait bien plus clairement l'évolution dans le temps des oeuvres de cette famille flamande qui nous fascinent encore. Une exposition qui mérite cependant largement la visite car elle est très riche en chefs d'oeuvre incontournables.



Pinacothèque jusqu'au 10 mars 2014

Le choix de ce troisième artiste, aussi abstrait que les deux autres sont descriptifs, pour compléter la trilogie des peintres témoins de leur temps, peut sembler a priori, un peu tiré par les cheveux. C'est sans doute Lumière au delà des fléaux (ci-dessus) une réinterprétation en atelier de la perception de son ressenti de la Guerre du Golfe qui a valu à l'artiste d'être ainsi distingué.


Cela nous vaut une exposition lumineuse, qui a le mérite de nous offrir une superbe rétrospective de l'oeuvre de ce vieux monsieur de 93 ans, pas assez connu en France. Mais la vision résolument optimiste de cette peinture, hymne à la nature, aux saisons, aux paysages et à la vie, n'en fait qu'imparfaitement un témoin de notre époque, plutôt portée sur le marasme et la mélancolie, voire le défaitisme le plus sombre. Son pinceau est en harmonie secrète avec la plénitude de la vie et traduit, dans un mouvement éblouissant, un sens étonnant de la liberté.


Musée Maillol jusqu'au 9 février 2014

Comme souvent au musée Maillol, l'exposition est passionnante et fort bien conçue. De loin nettement plus convaincante que ne le fut Giacometti et les Etrusques à la Pinacothèque en 2011. Elle est organisée pour proposer une découverte du mode de vie des Étrusques à travers l’évolution de leur habitat : des cabanes primitives du IXe siècle avant J.-C. aux demeures patriciennes aux intérieurs raffinés. L’art, l’économie, les us et coutumes et les manifestations du sacré sont évoqués à travers une sélection d’objets, d’œuvres d’art et de pièces d’architecture qui retracent la longue histoire de l’Étrurie antique. On y admire des bijoux raffinés en or et en argent ayant appartenu aux aristocrates étrusques, des vases en bronze richement décorés, des céramiques peintes, et nombre d'objets nous éclairant sur le dynamisme remarquable de cette civilisation. On y suit les échanges commerciaux en Méditerranée, échanges qui firent la richesse de ce peuple de marins et de marchands, émules et rivaux des grecs.


On y évoque la pratique du banquet mixte ou symposion, dont le déroulement luxueux, supposé orgiaque, a inspiré aux romains des doutes quant à la moralité des femmes étrusques. Le sport, l'amour, et bien sûr l'écriture sont largement illustrés grâce à des œuvres de première importance.

Le portrait de famille qui ouvre l'exposition : le peintre, jeune et portant beau, tient négligemment dans sa main gauche une mandoline tandis que, de la main droite, il s'appuis sur le dossier d'un siège à la tapisserie luxueuse. A gauche, sa jeune épouse, sobrement mais élégamment vêtue entoure de son bars la filette à l'oeil coquin qui sourit vers le spectateur. Pour accentuer l'impression d'aisance de la toile, enrichie de symboles variés (un perroquet dans l'ombre, un chien sous la chaise, un putto en faut à gauche) le couple pose en présence de la servante au large chapeau de paille qui porte, d'un air un peu emprunté, une corbeille de raisins aux nuances délicates.

Jordaens la gloire d'Anvers
Petit Palais jusqu'au 19 janvier 2014

Grâce à sa scénographie savante et nullement pédante, l'exposition du Petit Palais permet de mieux apprécier ce peintre flamand que l'on connait surtout pour la grâce plantureuse de ses modèles féminins et pour la truculence de ses toiles anecdotiques. L’exposition s’ouvre par l’évocation de la ville d’Anvers, où Jordaens vécut tout au long de sa vie : meubles flamands du XVIIe siècle, portraits de famille et autoportraits permettent de dresser le décor. Puis on passe dans une vaste salle aux allures de nef d'église où s'égennent les toiles religieuses, parfois fort inspirées, de l'artiste. Plus loin, deux salles évoquent l’ambiance des maisons bourgeoises et des ateliers de peinture de l’Anvers du XVIIe siècle.

Une Sainte Famille aux accents intimistes, d'autant plus réussie que la Vierge y prend les traits de Catharina van Noort, l'épouse de Jordaens et de leur fille aînée, Elisabeth, qui "joue" ici le rôle de l'enfant Jésus. Le rouge chaud de la robe de la mère se reflète en délicats échos sur les jours des personnages réunis avec un naturel plein de spontanéité.

L'art du maître est multiple : du portraitiste au décorateur de fêtes, du grand peintre religieux des églises de la Contre-Réforme au chef d'un atelier prospère qui doit s'entourer de collaborateurs pour faire face à la demande, du cartonnier pour les manufactures de tapisseries de Bruxelles au peintre génial de "proverbes" dont on peut ici comparer les versions de Le Roi boit ! ou de Comme les vieux ont chanté, ainsi les jeunes jouent de la flûte, toutes les facettes de l'artiste sont évoquées, développées et superbement illustrées par cette exposition qui s'est fixé pour objectif de réhabiliter l'anversois. Objectif atteint !


Musée d'Orsay jusqu'au 12 janvier

Une exposition transversale qui m'a tellement peu marquée que je l'avais oubliée dans ma liste. Non qu'elle ne soit richement dotée et plutôt intelligemment organisée. Le projet se veut ludique, ce qui, déjà, me donne des boutons (le jeunisme à toutes les sauces, ça me hérisse) et porte sur plusieurs siècles, ce qui, en soit, est une bonne idée mais se résume, dans la pratique, à un excès de XIXème de qualité moyenne et de XXème pas toujours remarquable. L'idée de présenter l'homme nu dans l'art est, a priori, intéressante car elle vient battre en brèche une idée reçue selon laquelle seul le nu féminin aurait eu la faveur des artistes. On réalise qu'il n'en est rien et que même, au XIXème seule la nudité masculine, traitée avec des égards, était considérée comme décente. Le XXème siècle, quant à lui, l'a exaltée pour diverses raisons, célébration du corps, homosexualité, apologie du sport ...


Le parcours est complet, presque trop long, ce qui est un compliment, les œuvres sont nombreuses et parfois de fort belle qualité et la présentation aérée. Les thèmes abordés sont finement choisis : l'idéal classique, le nu héroïque, dur d'être un héros, les dieux du stade, nuda veritas, sans complaisance, im natur, dans la douleur, le corps glorieux, la tentation du mâle, l'objet du désir. Autant dire que les façons d'aborder le nu masculin sont variées et, souvent, pertinentes. On y admire quelques toiles superbes, comme le triptyque de Bacon, qui, à lui seul, mérite le détour.


Alors, me direz-vous, pourquoi ce manque d'enthousiasme ? Simplement parce que l'effet global est, justement, celui que vise le caractère ludique annoncé : il n'en reste pas grand chose. On voit l'exposition, on s'y promène, on y passe un moment agréable, et, à peine sorti, on a presque tout oublié. C'est le SMS d'une amie partie à Paris et venant de visiter l'exposition qui m'a fait réaliser que je l'avais tout simplement omise dans la liste de nos visites !!!  De plus, le thème était trop vaste, on le voit à la liste des thème abordés : il me semble qu'il aurait fallu la sérier d'un peu plus près : par exemple en se limitant à l'expression des sentiments par le nu masculin. Mais surtout, le caractère franchement revendicatif de l'argumentaire qui affirme, en a priori "défier la paresse bien commode des monographies d’artistes", et se targue de choquer le bourgeois, n'est pas à mon sens suffisant pour convaincre. Une exposition contre n'est pas une base constructive, et le challenge qui consiste à admirer, dans le même créneau horaire, David et Lucian Freud est irréaliste. Si l'on est, en effet susceptible d'apprécier, séparément l'un et l'autre, il est quasi impossible de passer de l'un à l'autre autrement qu'en musant. Alors, en tant qu'exposition "curieuse", pourquoi pas, mais sans prétendre être "une interrogation évolutive à travers les âges" !



Photos extraites des sites des expositions (voir liens en haut de chaque paragraphe) et, pour le nu masculin d'ici (visite très détaillée). 


8 commentaires:

  1. Belle bûche ; est-elle faite maison?
    Je note pour les étrusques, y avait-il beaucoup de monde? Je crains la fatigue de la foule...

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    1. Oh que non, elle vient de chez ??? oups j'ai oublié mais d'après les enfants c'est une bonne adresse !!!
      Les étrusques pour nous c'était calme je n'ai pas l'impression que ce soit trop la foule ... toutes ces expos étaient d'ailleurs calmes. Quel confort !

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  2. C'est la bûche "Best of Paris" de Mr Jean-Paul Hévin, et tu as dû te régaler.
    Si tu as l'occasion de goûter ses galettes des rois, fonce elle sont divines !
    Pour les expos, je ne pense pas me rendre sur Paris avant le mois de mai (c'est un peu corvée pour moi) voir mon vieux tonton.
    Donc celles-ci seront terminées mais d'ici là tu nous feras bien quelques billets sur celles qui se préparent!
    Bises Michelaise.
    Belle soirée.

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    1. Oh Mireille, tu dois avoir raison, à ma grande honte je n'ai pas retenu l'info !!! Il y aura, tu as raison, d'autres expos à Paris en mai, dont certaines que nous avons sans doute déjà vues à Rome, car maintenant, la grande tendance est l'exposition qui voyage, pour notre plus grand plaisir. Ainsi il y aura Auguste au Grand Palais que nous avons vue aux Scuderie
      Auguste et Cléopâtre
      et, il me semble que Cléopâtre est aussi prévu quelque part, mais je ne sais plus trop où (orangerie ??? pinacothèque ????)
      Il y aura aussi San Gennaro et les trésors de Naples, à Maillol, expo que nous avons ratée à un jour près, elle ouvrait le lendemain de notre départ de Rome !!! On se rattrapera à Maillol !!!
      Expo San Gennaro à Maillol
      .... et sans doute bien d'autres choses !!!

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  3. Que me réservera la fin mars?
    Belle belle semaine
    Mamina

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    1. Un peu les mêmes choses que ce que je signale à Mireille au-dessus !!!

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  4. La peinture de Chu Teh-Chun m'enthousiasme !
    A la remarque que vous faites au sujet de l'exposition "La dynastie Brueghel", j'ajouterais cette observation : j'ai constaté maintes fois la différence entre les présentations italiennes, anglaises et françaises. Les Français versent trop souvent dans la pédagogie, prennent les visiteurs pour des ignorants et insistent pour les guider dans une direction privilégiée, d'où des expositions ennuyeuses pour ceux qui suivent les recommandations des organisateurs. Au contraire, les Italiens et les Anglais font preuve d'une grande sensibilité et savent avec discrétion, respect, amour des oeuvres, laisser vivre celles-ci afin qu'elles suscitent en nous émotion et réflexion.
    Bon weekend, Michelaise !

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    1. Cette exposition était l'occasion de mieux le connaitre, car les oeuvres rassemblées étaient nombreuses et récentes. Je ne partage pas vos réserves sur les expositions françaises Anne, qui, à mon sens, se sont drôlement améliorées ces dernières années. Pourtant, c'est vrai, Brueghel était mieux présenté à Rome, ou alors j'étais plus réceptive car je la voyais pour la première fois ? ou enfin, ayant défloré le sujet, j'étais moins indulgente ?

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