Jour après jour, avec une régularité de plus en plus surprenante, on se heurte à une engeance qui prétend tout régenter, celle des "donneurs de leçons". Cette tribu, qui fait florès et se multiplie comme les bactéries d'une boîte de Pétri, prend de l'assurance et, forte de son bon droit, ne cesse de harceler ses semblables, s'ingérant dans leur quotidien, critiquant, réprouvant, tranchant à qui mieux mieux pour donner son avis, et, souvent, blâmer, remontrer, censurer, voire condamner. Sans appel.
Ce billet, d'abord intitulé "Supplique aux donneurs de leçons" fut, vous comprendrez pourquoi en le lisant, soumis au "comité de lecture" avant sa publication. Et Alter, peu habitué à des propos aussi radicaux, l'a trouvé très "vif" et a émis quelques réserves dont j'ai taché de tenir compte, en en changeant le titre (ce qui m'a incitée à changer la conclusion) et, en rajoutant une anecdote pour que ceux qui le lisent ne se sentent pas visés. Car Alter m'a déclaré tout de go, en le parcourant "c'est une leçon aux donneurs de leçons". En effet : je m'insurge, je prends position, je tranche. Alors, pour démontrer que le travers que je dénonce n'est pas le fait "des autres" mais bien le fait de tous, je commence par une petite histoire qui m'est advenue et qui pourrait être le point de départ de cette réflexion. Faisant cours dans une salle qui ne m'était pas habituelle (aurais-je réagi avec tant de véhémence s'il s'était agi de MA salle et des MES étudiants, je crois bien que non), je trouvai en arrivant un mot, assez long et outré, laissé sur le bureau par un agent de service qui avait nettoyé la salle le matin même. "Mesdames et Messieurs les professeurs..." et le signataire de ce message (1) de s'indigner car il venait de trouver, à 7h du matin, "au fond de la salle, une serviette hygiénique usagée, dans une poche, heureusement fermée" et se plaignait bien sûr de ce manque absolu de respect humain dont il se sentait la victime. Il nous priait par ailleurs de bien vouloir intervenir auprès des suspects afin de dénoncer cette bavure, et surtout d'éviter qu'elle se reproduise. Mon sang n'a fait qu'un tour, et, le cours terminé (mes étudiants ne pouvant être mis en cause, je n'en ai pas parlé en classe) je me suis fendue à la récréation suivante, auprès de mes collègues, de quelques remarques acerbes sur le manque d'éducation de nos jeunes, sur leur absence totale de respect du personnel de service, sur leur négligence coupable, voire sur leur malveillance. Ce faisant, j'exprimais haut et fort à qui voulait l'entendre mon "opinion", basée sur des décennies d'observations atterrées du comportement des jeunes à l'égard des personnes qui nettoient les salles. Et, furieuse de cet incident qui, dans l'instant me semblait totalement inadmissible, j'en tirais quelques conclusions définitives sur l'avenir de tout ce petit monde. J'étais sûre de mon fait, et n'y suis pas allée de main morte dans le catastrophisme. Or, il m'est apparu après coup que cet incident n'était peut-être pas volontaire, un sachet tombant d'un sac à main cela peut arriver, et ce n'est pas nécessairement désobligeant. Fort heureusement, ce coup de colère aux accents définitifs - personne n'a osé me contredire - se passait dans le huis clos d'une petite salle des profs où nous étions ... 2. La portée de cette opinion était donc fort restreinte et les dégâts qu'elle aurait pu causer en émettant sur la jeunesse quelques poncifs déplacés sont restés très limités. Pour autant, j'y ai bel et bien joué mon "père la morale", et les propos qui suivent m'incluent dans la réflexion sur ce travers contemporain, et surtout sur les raisons qui en expliquent, je le crois, le développement exponentiel.
Ce qui est le plus frappant chez le "donneur de leçon", c'est l’inébranlable certitude d'avoir raison qui l'anime. Il ne semble ni douter, ni conjecturer, il vous assène son point de vue et le tient pour commun et unanimement reconnu. Dès lors, l'opinion en question, incontestable, devient truisme, évidence, généralité qui s'impose à tous. D'où lui vient cette assurance qui le transforme bien souvent, sans qu'il perçoive le ridicule de sa situation, en moralisateur aux accents dictatoriaux ?? Il me semble qu'autrefois, les gens qui n'étaient ni spécialistes ni revêtus d'une quelconque patente attestant de leurs compétences, restaient modestes et n'osaient pas trancher sur ce qu'ils connaissaient peu ou mal. Il me semble aussi qu'on maniait une vertu sociale, appelée le "savoir-vivre", qui préconisait de ne pas contredire quelqu'un abruptement, fut-il dans l'erreur manifeste, ou tout au moins de le faire en ménageant sa susceptibilité.
Or voilà que tout le monde sait tout sur tout, et s'arroge le droit de tout redresser, de mettre son grain de sel partout et de le faire de la façon la plus impérative possible. Et il me semble, peut-être impunément - on a toujours tendance à grossir certains phénomènes quand ils sont nouveaux - qu'Internet est en partie la cause de cette évolution d'une "guerre de tous contre tous" qui dégénère doucettement vers un chaos informatif où plus personne ne retrouve ses repères. Internet qui fournit à chacun matière à croire qu'il sait, qu'il est bien informé et qu'il détient les clés d'un pouvoir critique en béton. Internet qui autorise chacun à donner son avis, voire même le sollicite, créant un immense champ de bataille où tous les coups sont permis. Il n'est qu'à voir la façon dont les gens qui vendent, pensent, servent, jouent, bref tous ceux qui sont en contact avec le public, tremblent à l'évocation de possibles commentaires négatifs. Un système aujourd'hui totalement entré dans les mœurs, qui ravit les consommateurs mais terrorise tous les acteurs du secteur tertiaire. Un système, au passage, qui exerce une énorme pression, un vrai terrorisme sur les salariés, pistés, jugés, notés par des clients parfois atrabilaires, et dont "on" attend qu'ils n'obtiennent QUE le maximum. Un simple "satisfait" vaut critique, le client ne peut et en doit qu'être "TRÈS satisfait". Avec primes et sanctions à la clé, en espèce sonnantes et trébuchantes. Un challenge qui, au vu du nombre de râleurs qui pullulent sur la toile, est quasiment une gageure. Donc tous ont à cœur de faire plus, de faire mieux pour éviter les râleurs, les censeurs et autres bousilleurs de réputation. D'e-réputation ! Que d'aucuns se proposent même de nettoyer, de rendre vierge ou au moins plus blanche quand des fâcheux l'ont, avec ou sans intentions malveillantes, salie.
On commente donc, péremptoire, et l'on n'hésite pas à casser ! Avez-vous lu certains avis, sur des restaurants, des hôtels, des lieux à visiter, des commerces, des spectacles... (tout se juge maintenant, absolument tout) qui, en deux mots assassins, vous descendent sans pitié un malheureux qui a déplu ? Les explications sont souvent pauvres, l'argumentaire minimaliste, mais les coups efficaces. D'autant plus que ceux qui les lisent vont vite, et ont un tel choix qu'ils préfèrent ne pas s'attarder à démêler le vrai du faux : c'est toujours plus simple de chercher un autre fournisseur que de tenter de comprendre le pourquoi de commentaires assassins. Internet est donc à la fois la cause (puisqu'il permet aux ignorants de croire tout savoir) et le vecteur de cette propension à tout mettre en coupe réglée. A grand renfort de pouces en l'air ou vers le bas, de sourires ou de grimaces, d'étoiles, de notes... Ah les notes ! Qu'on prétend interdire aux professeurs pour éviter de traumatiser les enfants, et qu'on multiplie en en faisant attribuer à tous par tous, sans critères communs, sans grille de notation, un peu au feeling, à l'humeur ou à la tête du client. Le problème essentiel de la notation est, justement, sa lisibilité immédiate : or, si l'on ne connaît pas les règles du jeu, la jauge utilisée, les points de référence, voire l'éthique qui préside à sa mise en place, une note, cela ne vaut rien. Que penser d'un étudiant qui obtient un 13 sur 20 si l'on ignore que ceux qui l'ont noté ont reçu l'instruction d'obtenir une moyenne de 15 ??
Mais à part Internet, il y a, à cet accroissement du nombre des "donneurs de leçons", une autre raison : nous vivons une époque de véritable sacralisation de l'opinion. L'opinion, un mot plutôt péjoratif puisqu'il présuppose une assertion qui, loin d'être certaine, n'est souvent que l'expression d'un sentiment individuel, pas nécessairement éclairé, est devenue l'objet de toutes les vénérations. On la sollicite à tout propos, on la flatte, on la quémande, on la met en statistiques, et, en prime, on lui fait dire un peu ce qu'on veut, en n'usant pas toujours de la rigueur nécessaire pour lire ou dire les chiffres obtenus. Ainsi chaque matin, on nous abreuve de pourcentages sortis de leur contexte, de valeurs dénuées de sens mais assez fortes pour frapper, et qu'on nous présente comme vérités d'Évangile. Munis de notre viatique de cotes de popularité, de normes de comportements et de majorités diverses, il ne nous reste plus qu'à aborder la journée, bardés de nouvelles certitudes qui, surtout si nous nous situons dans la "bonne" partie de l'échantillonnage, nous confirment dans nos convictions jusqu'alors hésitantes. Les plus discrets deviennent tonitruants et les plus modestes osent tout. C'est ainsi qu'on voit gagner le populisme, le racisme, l'intransigeance, l’outrecuidance et autres plaies provoquées par l'affirmation de l'opinion de ceux qui peuvent d'autant mieux affirmer de telles iniquités, qu'ils le font en large compagnie.
Du coup, cette opinion déclarée toute-puissante devient passe-partout, normalisée, standardisée, et surtout, est la seule qui soit jugée correcte. En avons-vous du "...ment correct" à nous mettre sous la dent, ou mieux, à nous entendre asséner par les défenseurs du sens commun !!! Et cette opinion, dès lors qu'elle est qualifiée de "publique" devient la terreur des puissants, la gourmandise des médias et la référence incontournable qui permet, soi-disant, de tout comprendre et de tout expliquer. Au mépris de la conscience individuelle qui, emportée par la peur que fait régner cette expression commune, n'ose plus s'exprimer, et encore moins se dévoiler.
On commente donc, péremptoire, et l'on n'hésite pas à casser ! Avez-vous lu certains avis, sur des restaurants, des hôtels, des lieux à visiter, des commerces, des spectacles... (tout se juge maintenant, absolument tout) qui, en deux mots assassins, vous descendent sans pitié un malheureux qui a déplu ? Les explications sont souvent pauvres, l'argumentaire minimaliste, mais les coups efficaces. D'autant plus que ceux qui les lisent vont vite, et ont un tel choix qu'ils préfèrent ne pas s'attarder à démêler le vrai du faux : c'est toujours plus simple de chercher un autre fournisseur que de tenter de comprendre le pourquoi de commentaires assassins. Internet est donc à la fois la cause (puisqu'il permet aux ignorants de croire tout savoir) et le vecteur de cette propension à tout mettre en coupe réglée. A grand renfort de pouces en l'air ou vers le bas, de sourires ou de grimaces, d'étoiles, de notes... Ah les notes ! Qu'on prétend interdire aux professeurs pour éviter de traumatiser les enfants, et qu'on multiplie en en faisant attribuer à tous par tous, sans critères communs, sans grille de notation, un peu au feeling, à l'humeur ou à la tête du client. Le problème essentiel de la notation est, justement, sa lisibilité immédiate : or, si l'on ne connaît pas les règles du jeu, la jauge utilisée, les points de référence, voire l'éthique qui préside à sa mise en place, une note, cela ne vaut rien. Que penser d'un étudiant qui obtient un 13 sur 20 si l'on ignore que ceux qui l'ont noté ont reçu l'instruction d'obtenir une moyenne de 15 ??
Mais à part Internet, il y a, à cet accroissement du nombre des "donneurs de leçons", une autre raison : nous vivons une époque de véritable sacralisation de l'opinion. L'opinion, un mot plutôt péjoratif puisqu'il présuppose une assertion qui, loin d'être certaine, n'est souvent que l'expression d'un sentiment individuel, pas nécessairement éclairé, est devenue l'objet de toutes les vénérations. On la sollicite à tout propos, on la flatte, on la quémande, on la met en statistiques, et, en prime, on lui fait dire un peu ce qu'on veut, en n'usant pas toujours de la rigueur nécessaire pour lire ou dire les chiffres obtenus. Ainsi chaque matin, on nous abreuve de pourcentages sortis de leur contexte, de valeurs dénuées de sens mais assez fortes pour frapper, et qu'on nous présente comme vérités d'Évangile. Munis de notre viatique de cotes de popularité, de normes de comportements et de majorités diverses, il ne nous reste plus qu'à aborder la journée, bardés de nouvelles certitudes qui, surtout si nous nous situons dans la "bonne" partie de l'échantillonnage, nous confirment dans nos convictions jusqu'alors hésitantes. Les plus discrets deviennent tonitruants et les plus modestes osent tout. C'est ainsi qu'on voit gagner le populisme, le racisme, l'intransigeance, l’outrecuidance et autres plaies provoquées par l'affirmation de l'opinion de ceux qui peuvent d'autant mieux affirmer de telles iniquités, qu'ils le font en large compagnie.
Du coup, cette opinion déclarée toute-puissante devient passe-partout, normalisée, standardisée, et surtout, est la seule qui soit jugée correcte. En avons-vous du "...ment correct" à nous mettre sous la dent, ou mieux, à nous entendre asséner par les défenseurs du sens commun !!! Et cette opinion, dès lors qu'elle est qualifiée de "publique" devient la terreur des puissants, la gourmandise des médias et la référence incontournable qui permet, soi-disant, de tout comprendre et de tout expliquer. Au mépris de la conscience individuelle qui, emportée par la peur que fait régner cette expression commune, n'ose plus s'exprimer, et encore moins se dévoiler.
Car c'est au nom de cette peur commune, de cette angoisse qui se développe à qui mieux – peur de n'être pas dans la norme, mais aussi peur des OGM, de la grippe aviaire, de l'alcool, des délocalisations, de l'effet de serre, des téléphones portables, de la mondialisation, de la désertification des campagnes, de l'Europe, du Moyen Orient et tant d'autres encore – que les donneurs de leçons s'arrogent le droit à la parole. Haute et forte ! Et, contrairement à ce que nous enseignaient les anciens, plus question de tenter de vaincre ces peurs, de les transcender, ni même de les apprivoiser pour vivre libre et serein. Non, on s'y vautre en invoquant tour à tour l'État providence qui devrait nous en délivrer, ou la haine qui nous permettrait de mieux la supporter.
Une haine qu'il est si facile d'exprimer, caché derrière l'anonymat des pseudonymes et autres identités secrètes, et que chacun se hâte de graver dans le marbre, oublieux que nous sommes qu'Internet conserve très longtemps la trace de nos coups de gueule et de nos coups de griffe. Telle chambre était sale, tel film totalement nul, tel hôtelier mal luné, tel produit mal ficelé, telle exposition sans intérêt. Tel écrivain est sans talent, tel homme politique incompétent, tel patron esclavagiste... Et de traiter au passage les uns de voleurs, les autres d'inaptes et les troisièmes de zéros. Tout cela avec la plus parfaite bonne conscience puisque notre objectif est le plus grand bien-être de tous. J'étais mécontent donc je dois le faire savoir, pour éviter à d'autres des déconvenues. On juge, on proclame sans complexe ses propres convictions, mouvement d'humeur ou critiques acerbes, persuadé d'agir pour le bien commun au motif que "le bon sens (serait) la chose du monde la mieux partagée" (2). Parce que bon sens serait synonyme de raison, nous serions tous pourvu de la capacité de distinguer le vrai du faux, de séparer le bien du mal. Internet nous permettant de nous exprimer sans contrainte, pourquoi alors se priver de proclamer nos opinions sur tout ? Et pourtant, nous en avons tous fait l'expérience, les mécontents ont le verbe plus haut que les autres, la plume plus acerbe ... quand ils ne sont pas payés par un concurrent pour vous descendre, ce qui est d'une facilité déconcertante !
Mais, après avoir souligné que la raison donne à l'humaine condition sa dignité et sa supériorité, Descartes souligne avec malice que les hommes, si sujets à se plaindre de tout, ne se plaignent jamais de leur propre jugement, dont ils sont, eux pourtant si difficiles à satisfaire en toutes choses, d'ordinaire très contents ! Et d'ajouter qu'il ne suffit pas de disposer de la raison, encore faut-il en faire bon usage, et selon lui, si les hommes sont égaux dans le fait d'être aptes à raisonner, ils ne le sont plus dans la manière dont ils exercent cette capacité.
Mais, après avoir souligné que la raison donne à l'humaine condition sa dignité et sa supériorité, Descartes souligne avec malice que les hommes, si sujets à se plaindre de tout, ne se plaignent jamais de leur propre jugement, dont ils sont, eux pourtant si difficiles à satisfaire en toutes choses, d'ordinaire très contents ! Et d'ajouter qu'il ne suffit pas de disposer de la raison, encore faut-il en faire bon usage, et selon lui, si les hommes sont égaux dans le fait d'être aptes à raisonner, ils ne le sont plus dans la manière dont ils exercent cette capacité.
Or, l'expression de l'opinion de tout un chacun, accorde à tous les mêmes droits, et, au nom d'une pratique démocratique sans garde-fou, confine trop souvent à l'abus de pouvoir, voire à une forme non déguisée de tyrannie de la majorité, enfin d'une certaine majorité.
Alors, à ceux qui savent tout sur tout et surtout mieux que nous, à ceux qui sont dotés d’une arrogance telle qu'on pourrait les croire meilleurs et plus sages que nous, je me permets d'adresser une supplique. Qu'ils cessent de prendre un malin plaisir à tout régenter, à rabaisser les autres, et qu'ils essaient, avant de se lancer dans le conseil à tout va, de se mettre en paix avec eux-mêmes. Si pour se sentir bien dans leur peau, ils ont besoin d'un faux air supérieur de sagesse, peut-être est-ce que cela masque quelque faiblesse ou quelque jalousie, une angoisse ou une peur mal surmontées, car tout critiquer est une échappatoire facile mais qui blesse et ne résout pas leur propre mal-être. Tournons donc sept fois la langue dans notre bouche avant de nous poser en donneurs de leçons, et réalisons que ceux-là même qui les proclament, sont souvent les premiers à enfreindre les principes qu'ils prônent, et ce, d'autant plus vite, que leur prêche est bruyant !! Renonçons, s'il le faut, au rare privilège de donner notre opinion dès lors que nous la savons peu informée ou impulsée par une quelconque humeur mal maîtrisée.
EUPHÉMIE (3)
...Toujours prête à me rendre à vos justes raisons,
...Toujours prête à me rendre à vos justes raisons,
Je vous donne un conseil et non pas de leçon.
C'est mon cœur qui vous parle, et mon expérience
Fait que ce cœur, pour vous, se trouble par avance.
C'est mon cœur qui vous parle, et mon expérience
Fait que ce cœur, pour vous, se trouble par avance.
Depuis deux mois ou plus vous êtes sur la toile,
Vous savez mal encore ses coutumes tribales.
Sur un nouveau venu le chroniqueur perfide
Avec malignité jette un regard avide,
Pénètre ses défauts, et dès le premier jour,
Sans pitié le condamne, et même sans retour.
...
Connaissez donc le monde et songez qu'aujourd'hui
Il faut que vous viviez pour vous moins que pour lui.
DAMIS
Je ne sais où peut tendre un si long préambule.
EUPHÉMIE
Je vois qu'il vous paraît injuste et ridicule.
....
Vous avez des talents, de l'esprit est du cœur ;
Mais croyez qu'en ce lieu tout rempli d'injustices
Il n'est point de vertu qui rachètent les vices.
Qu'on cite nos défauts en toutes occasions,
Que le pire de tous est l'indiscrétion.
Sur internet, mon fils, l'art le plus nécessaire
Sur un nouveau venu le chroniqueur perfide
Avec malignité jette un regard avide,
Pénètre ses défauts, et dès le premier jour,
Sans pitié le condamne, et même sans retour.
...
Connaissez donc le monde et songez qu'aujourd'hui
Il faut que vous viviez pour vous moins que pour lui.
DAMIS
Je ne sais où peut tendre un si long préambule.
EUPHÉMIE
Je vois qu'il vous paraît injuste et ridicule.
....
Vous avez des talents, de l'esprit est du cœur ;
Mais croyez qu'en ce lieu tout rempli d'injustices
Il n'est point de vertu qui rachètent les vices.
Qu'on cite nos défauts en toutes occasions,
Que le pire de tous est l'indiscrétion.
Sur internet, mon fils, l'art le plus nécessaire
n'est pas de bien parler mais de savoir se taire.
...
Le plus souvent ici l'on parle sans rien dire
Et les plus ennuyeux savent s'y mieux conduire.
....
DAMIS
...
Je suis de votre avis : je hais le caractère
De quiconque n'a pas le pouvoir de se taire.
....
DAMIS
...
Je suis de votre avis : je hais le caractère
De quiconque n'a pas le pouvoir de se taire.
Vous apprécierez, je l'espère, le paradoxe de prôner le silence après un billet aussi bavard, qui, Alter avait raison, n'est qu'une leçon de plus sur l'immense chantier de la toile assassine !
-------------------------------
(1) ... auteur que vous connaissez pour l'avoir déjà rencontré dans un article précédent !!
(2) « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, le principal est de l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus; et ceux qui ne marchent que fort lentement, peuvent avancer beaucoup davantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent.
Pour moi, je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun; même j’ai souvent souhaité d’avoir la pensée aussi prompte, ou l’imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample, ou aussi présente, que quelques autres. Et je ne sache point de qualités que celles-ci, qui servent à la perfection de l’esprit : car pour la raison, ou le sens, d’autant qu’elle est la seule chose qui nous rend hommes, et nous distingue des bêtes je veux croire qu’elle est tout entière en un chacun, et suivre en ceci l’opinion commune des philosophes, qui disent qu’il n’y a du plus et du moins qu’entre les accidents, et non point entre les formes ou natures des individus d’une même espèce.
Mais je ne craindrai pas de dire que je pense avoir eu beaucoup d’heur de m’être rencontré dès ma jeunesse en certains chemins, qui m’ont conduit à des considérations et des maximes, dont j’ai formé une méthode, par laquelle il me semble que j’ai moyen d’augmenter par degrés ma connaissance, et de l’élever peu à peu au plus haut point auquel la médiocrité de mon esprit et la courte durée de ma vie lui pourront permettre d’atteindre. Car j’en ai déjà recueilli de tels fruits qu’encore qu’aux jugements que je fais de moi-même, je tâche toujours de pencher vers le côté de la défiance, plutôt que vers celui de la présomption ; et que, regardant d’un œil de philosophe les diverses actions et entreprises de tous les hommes, il n’y en ait quasi aucune qui ne me semble vaine et inutile, je ne laisse pas de recevoir une extrême satisfaction du progrès que je pense avoir déjà fait en la recherche de la vérité, et de concevoir de telles espérances pour l’avenir que si, entre les occupations des hommes purement hommes, il y en a quelqu’une qui soit solidement bonne et importante, j’ose croire que c’est celle que j’ai choisie ».
Descartes. Discours de la méthode. Première partie.1637.
(3) Libre adaptation (les mots changés sont en italiques) de la scène 1 de l'art 1 de L'Indiscret de Voltaire. Et, de même que le mot "pudeur" dans le titre doit être pris au sens de retenue, de discrétion, l'indiscrétion dans les vers de Voltaire doit entendue comme d'indélicatesse, goujaterie, opinion péremptoire.
Bonsoir Michelaise
RépondreSupprimerbillet bavard peut être mais si intéressant!
Merci de ton indulgence Josette !!
SupprimerTout y passe.... jusqu'à la psychanalyse finale du donneur de leçon... J'ai le sentiment que vos étudiants ne doivent pas trop s'ennuyer si vous les traitez de la sorte et que probablement, aussi, ils vont se souvenir de leur prof(e)... Ce doit être ça l'éternité... Laisser une trace dans les esprits !
RépondreSupprimerPour avoir pratiqué une sorte d'artisanat (le savoir, la main, la rectitude du geste) pendant une dizaine d'années puis tout autre chose dans une multinationale, je me rends compte que j'ai vécu en appliquant ce vieux dicton : Ben faire et laisser braire. Car ceux qui donnent des leçons ne sont généralement pas ceux qui agissent et ceux qui braient un peu trop forts à nos oreilles ne sont qu'ânes sans bâts. Ceci étant dit sans intention pédagogique (l'être suprême m'en préserve) et comme simple constat qu'on peut fermer ses oreilles aux bruits importuns avec le sourire et vivre sa vie assez positivement ! Vous n'allez pas vous (nous !) ennuyer lorsque le temps de la retraite sera venu. Vous avez de bons éditeurs dans votre région pour votre prochain livre....
Bonne fin de semaine
Mon prochain livre, cher Michel, c'est à vous que je le dédie : vous êtes un lecteur tellement agréable que j'écrirais (si je ne craignais de lasser, et finalement, de pontifier) des billets de cet acabit tous les jours rien que pour le plaisir de vos commentaires !
SupprimerMes étudiants, que nenni, ils ne m'oublient pas, et ce d'autant plus que je continue à leur asséner écoute et conseils (mais oui !) de nombreuses années après leur départ ! Je ne les "lâche" pas, et suis toujours fière d’eux quand ils réussissent un mariage, un bébé ou une promotion !!
J'aime beaucoup votre définition de l'artisanat : le savoir, la main, la rectitude du geste... c'est un programme qui me remplit de béatitude !!
Quant à Bien faire et laisser braire, c'est un autre programme, d'une sagesse évidente mais dont on se lasse, car il est très démotivant (parole de future retraitée !!)
L'être suprême vous tienne en joie Michel, et bonne fin de week-end à vous !
Dans un autre registre : votre première photo ne montre-t-elle pas une oeuvre sculptée par Giuseppe Sanmartino, dans la chapelle Sansevero, à Naples ? Bon weekend !
RépondreSupprimerIl s'agit de la statue de la Pudeur d'Antonio Corradini, un sculpteur vénitien célèbre pour ses statues de femmes recouvertes d'un voile de pierre diaphane (XVIII° siècle). Il a travaillé, en effet, travaillé également à Naples... et "fait" dans le même style que Sanmartino.
Supprimervoir article sur Corradini
Mais comment se fait-il que votre avatar soit un sens interdit Anne ??!!
SupprimerJ'ai voulu actualiser la photo de mon profil, comme je le fais chaque année, j'ai stupidement supprimé mon ancienne photo pour insérer la nouvelle, et voilà ce que j'ai obtenu. Picasa bloque toutes mes photos depuis plusieurs semaines. Je ne peux plus en publier correctement sur mon blog. J'ignore la raison de ce problème et j'en suis désolée, mais je ne sais pas quoi faire, car je suis nulle en informatique et toutes mes tentatives de réparation ont échoué. J'espère que vous voudrez bien m'excuser et accepter mes commentaires avec ce vilain sens interdit grisâtre. Bonne journée, Michelaise.
SupprimerJ'ose dire que ton billet m'enthousiasme deux phrases lues dans des livres différents mais d'un même auteur me reviennent en mémoire : "Je ne suis sur que de mes doutes" et" il n'est d'enfers que ceux que l'on se crée "
RépondreSupprimerMerci Robert de ta lecture indulgente !! Et de tes citations, fort à propos...
Supprimer