jeudi 29 mai 2014

TO THE POINT À BRUXELLES : l'école belge


Alors que l'école française a utilisé le point pour réaliser des portraits "effigie", assez rigides, très posés et parfois assez froids, les artistes belges notamment Henry Van de Velde, Georges Lemmen, George Morren, Théo Van Rysselberghe et William Jelley jouent du divisionnisme pour donner aux modèles une vie bien plus intense que leurs collègues parisiens, plus à l'aise dans le paysage. Le mouvement néo-impressioniste est, nous l'avons vu, né à Paris. Mais il s'est développé de manière singulière et vraiment originale dans l'art du portrait à Bruxelles. Les peintres belges, loin de céder à une mode et de pratiquer le petit point pour le petit point, cherchent à utiliser à fond les possibilités chromatiques de la peinture et fond tourbillonner la lumière.


Georges Lemmen - Les soeurs Serruys - 1894
Indianapolis Museum of Art


Georges Lemmen peint les soeurs Serruys en 1894. Les fillettes arborent la même robe rouge sombre, plissée et ornée d'une dentelle au col. Posant devant un mur d'un bleu profond, elles se découpent en "haut relief", et l'aînée pose sa main sur une nappe colorée dont l'imprimé reprend les teintes dominantes du tableau. Un bouquet de monnaie du pape planté dans un vase du cuivre s'échappe de cette composition parfaitement cadrée.



Henry Van de Welde - Le père Biart lisant au jardin - 1890
Indianapolis Museun of Art


Henry Van de Welde y réussit aussi admirablement. Et pourtant, la technique le contraint et lui pèse "Je sens bien que je suis incapable de travailler, malgré l'obstination que j'y mets, tout ce que puis faire sera informe et me désespère d'autant plus que j'expérimente que le procédé néo-impressionniste me nuit. Cette tension [...] me fait mal et le fait de devoir fixer ces milles points fixés sur une toile me donne le vertige..." Son Père Biart est pourtant très enlevé, et le soleil qui scintille sur son le chapeau de l'homme en train de lire est une bonne utilisation de ce que le divisionnisme apporte à la lumière.


Théodore Van Rysselgerhe, lui, s'épanouit dans le divisionnisme. Il réalise nombre de ses plus belles toiles grâce à cette méthode. Dès qu'il découvre Seurat, il se jette dans la technique avec ardeur. Les trois portraits des filles Sèthe que l'exposition rapprochait fort opportunément, permettent de voir l'évolution de ses procédés de compositions.

Théo Van Rysselberghe - Mademoiselle Alice Sèthe - 1888
Musée départemental Maurice Denis à Saint Germain en Laye

Le premier, Portrait d'Alice Sèthe date de 1888 et Van Rysselberhe nous y présente son modèle dans une pose qui pourrait paraître formelle, sans grande analyse psychologique du sujet. Il s'agit presque d'un exercice de style pour décrire le plus somptueusement possible le fond et la robe aux plissés très travaillés. La nuque de la jeune femme qui se reflète dans le miroir Louis XV apporte une profondeur intéressante au portrait.

Theo van Rysselberghe - Maria Sèthe à l'harmonium -
Koninklijk Museum voor Schone Kunsten à Anvers

Dans le second qui date de 1891, Maria Sèthe à l'harmonium, l'artiste a pris de l'aisance, le velours de la robe, le lourd rideau frangé sur la droite, le fond sont parfaits, sans effort ! Le peintre peut mettre l'accent sur son modèle : idéalement cadrée dans son environnement, l'espace autour de son visage est lumineux, sa chevelure d'une grand légèreté est traitée avec une infinie finesse. Cet effet vaporeux qui contraste avec esprit avec la robustesse des volumes des meubles, donne au tableau un rayonnement de lumière qui semble correspondre à l'aura qui émanerait de Maria !

Théo Van Rysselberghe - Portrait de la violoniste Irène Sèthe - 1894
Musée du Petit Palais à Genève

La troisième soeur, Irène Sèthe au violon, est peinte en 1894 : la jeune fille joue debout pour une auditrice cachée. Vêtue d'une ample robe d'un rose raffiné qui nacre sa chaire de blonde, elle attaque une mélodie d'un geste souple et gracieux. L'intérêt de l'artiste est ici plus concentré sur les effets de lumière que sur le modèle lui-même. Son ami Verhaeren écrit à propos de ce portrait d'Irène "Le portrait de Mlle Sèthe est tout charme. L'oeuvre plait, mais, à notre sens, manque de caractère. On ne sent nullement la virtuose  ; l'allule n'est vivante ni active. Ce n'est point une artiste [...] c'est tout simplement une jolie femme qui tient un violon en main".

Théo Van Rysselberhe - Emile Verhaeren dans son cabinet de travail, rue du Moulin - 
Bruxelles - 1892
Bibliothèque Royale de Belgique - Bruxelles

Van Rysselberghe utilisera avec bonheur le divisionnisme durant une bonne douzaine d'année et si, plus tard, sa touche s'élargit quelque peu, il lui restera de cette façon de traiter la couleur et la lumière une manière personnelle qui en fait un des meilleurs défenseurs. Alors que chez de nombreux pointillistes le point introduit un effet monotone et mécanique, Van Rysselberghe réussit à lui donner une sorte d'effervescence, il les fait tourbillonner, accrocher la lumière, en un mot ses points sont porteurs de vibrations colorées. Le sévère portrait de son ami Emile Verhaeren en acquiert une présence tout à fait singulière.

Théo Van Rysselberghe - Portrait de Madame Van de Velde avec ses enfants - 1903
Musée du Petit Palais à genève

Le délicat portrait de madame Van de Velde (il s'agit en fait de Maria Sèthes 13 ans plus tard, après qu'elle ait épousé l'architecte Van de Velde) est un hymne à la tendresse maternelle. Le caractère de chacune des fillettes est rendu avec exactitude et la blondinette de gauche regarde le peintre d'un oeil éveillé, avec des allures de petite infante.


Pour rendre le blond très clair des cheveux de la petite fille, le peintre pose à côté du jaune les couleurs les plus contrastées, rouge et vert, de manière à ce que, à distance, le jaune ressorte et chante au maximum. De la même façon, pour exalter le rouge du ruban qui orne sa coiffure, il souligne ce dernier d'un trait vert qui, opposé au rouge, le fait ressortir encore plus.


Dans une gamme chromatique très lumineuse, très féminine (désolée cela ne se voit guère sur la reproduction entière qui rend très mal les couleurs) la toile montre une parfaite maîtrise de la technique par le peintre. Ce qui est très intéressant dans son approche est que les points juxtaposés reconstituent non seulement la couleur mais aussi l'image proprement dite. Technique que nous connaissons bien puisque c'est celle qui nous permet de regarder les images numériques, constituées de pixels en RVB (rouge, vert, bleu). L'exposition, sans doute pour rendre son sujet plus attractif, se terminait par une présentation "Du point au pixel", qui voulait établir un lien entre divisionnisme et technique de l'image numérique mais qui ne nous a pas apporté grand chose !


Les reproductions de l'article proviennent essentiellement de captures d'écran des deux émissions consacrées par Télé Bruxelles à l'exposition. D'autres proviennent du site de l'exposition (vidéo et photos)

4 commentaires:

  1. Comme je comprends Henri Van de Welde, quel ennui, quelle rigueur obsessionnelle il fallait avoir pour peindre comme ça ! La raideur est à l'intérieur du procédé, la règle détruit toute la grâce, la surprise que peut créer la liberté du geste.

    Gros bisous Michelaise.

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  2. Longue vie au PEtitRe qui devient bien grand : 100 membreś excusez du peu!

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    1. Mazette, je n'avais même pas remarqué... bienvenue surtout au 100ème membre

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  3. merci pour ce petit récapitulatif sur le divisionnisme en Belgique....j'aime beaucoup les portraits des soeurs Sèthe, je trouve que Rysselbergh est le seul divisionnisme à savoir faire de beaux portraits....;

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