dimanche 1 juin 2014

OPTIMISME


Il est des traits de caractère qui, parfois, passent pour des vertus : ainsi en est-il de l'optimisme, propension s'il en est dont on n'est pas vraiment maître, et qui aurait, selon d'autres, un caractère irritant, voire néfaste. Il est d'usage, chez les Alter-Michelaise, de prétendre que l'un est d'un naturel pessimiste, et l'autre fondamentalement optimiste. Et les deux cohabitent, avec, on s'en doute, parfois quelques heurts, mais surtout, de la part de l'optimiste, un éternel étonnement et une réelle incompréhension des arguments négatifs de l'autre. Pourtant, cet autre est, il faut bien l'admettre à l'aune d'une statistique informelle, du genre "chanceux", disons que sa tartine beurrée tombe toujours du bon côté par terre, que sa voiture tombe en panne d'essence à 50 mètres d'une station service et que la plupart de ses problèmes trouvent une solution rapide, aisée et, le plus souvent, satisfaisante. Non que la malchance s'obstine contre l'optimiste : disons, en ce qui le concerne, qu'il bénéficie de la part du sort d'une bienfaisante neutralité qui, étant donné son caractère, lui paraît une forme atténuée mais efficace de la chance.


Quand j'évoque ici l'optimisme, je ne pense pas à l'état d'esprit, momentané et souvent fugace, qui est le nôtre quand nous recevons une bonne nouvelle ou que la journée nous a donné satisfaction. Je pense plutôt à celui qu'on peut nommer "trait de caractère" et qui repose sur la capacité d’imaginer facilement une issue favorable à ce qui va advenir, et l'aptitude à attribuer aux événements de la vie des raisons plus positives que négatives. Ce que Winston Churchill résumait ainsi : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté ». Etant donné notre dualité de caractère, la connaissance et la confrontation de ces deux aspects de la perception du monde nous est familière. J'ai donc été "accrochée" l'autre matin par l'interview de D'Alain Braconnier qui vient de publier chez Odile Jacob L'optimisme intelligent.

Il semble que, contrairement à ce qu'on pourrait croire au premier abord, pessimisne et optimisme ne reposent pas sur la possession ou l'absence d'un "gêne du bonheur" : même si l'on a prouvé qu'un tel gêne existe (mettant en jeu la neurotransmission de la sérotonine), il n'entrerait que pour environ 20% dans l'aptitude de chacun à voir les choses en rose ou en noir, avec une constance que rien ne modère réellement durant toute sa vie. L'optimisme serait plutôt, dans un premier temps, question de milieu familial. Selon l'épanouissement, la vie harmonieuse et riante de votre entourage, vous naissez avec un potentiel de bonheur plus ou moins grand, que des hormones positives permettront d'exploiter au mieux ensuite. Avec le paradoxe suivant : aux messages pessimistes de certains parents, certains évoueront dans le même sens, alors que d'autres réagiront par un optimiste exacerbé.


En gros, l'optimisme dépend d'abord de la psychologie et de la culture, mais il est favorisé par un outil physiologique, et plus précisément, hormonal. Il est aussi, les découvertes récentes tendent à le prouver, lié à une plus grande activité de certaines zones profondes du cerveau, en lien avec le cortex préfrontal. Mais ce ne sont pas les faceteurs physilogiques qui sont déterminenants : l'enfant qui a bénéficié d'un environnement sécurisant, aura naturellement une vision plutôt agréable de ce qui se passe autour de lui. Si son éducation a développé en lui l’estime de soi, le sens des responsabilités et le plaisir de vivre, il développera un meilleur rapport au monde, l'impression rassurante qu'il peut le contrôler ou au moins le modifer, et, donc, une anticipation plus positive de l'avenir.


L'optimisme est, du moins si l'on en croit Diderot, communicatif : « Il est de la nature de tout enthousiasme de se communiquer et de s’accroître par le nombre des enthousiastes. ». Mieux, il semble avéré qu'il puisse, aussi, résulter d'un apprentissage... genre méthode Coué !! Reposant sur la confiance, en soi bien sûr mais aussi et surtout en l'autre, dont on n'attend, dans un premier temps, que le meilleur, l'optimisme est un puissant moteur d'action, d'ouverture et d'acceptation des responsabilités. Il permet de surmonter les peurs et d'éviter de remplacer le rêve par l'action, et la résignation, par la volonté de progresser. Il est aussi en corrélation naturelle avec notre besoin d'espérer, qui lui, est fondamental.

Surtout — Voltaire fut sans doute le premier à l'énoncer hardiment  J’ai choisi d’être heureux parce que c'est bon pour la santé — cette disposition d'âme dont les bienfaits ne sont plus à prouver est, en plus, favorable à une meilleure santé . On découvre depuis une trentaine d’années que l’optimisme n’est pas bénéfique seulement sur le plan social et mental, mais aussi pour la santé (1). Facteur de résilience au stress, aux troubles de l’adaptation, à la dépression, il permet des effets positifs sur la vie affective, sociale, professionnelle, ainsi que sur les risques auxquels est exposée notre santé physique et mentale… C’est une vraie force !


Et pourtant, selon les sondages du réseau BVA-Gallup les français sont et restent les champions du monde du pessimsme : le résultat reste obstinémnt le même depuis 30 ans. Ce n'est donc pas lié à une crise économique, une morosité temporaire, ou un sentiment de déclin. C'est franchement culturel.

Certes, avoir une vision positive de l’avenir, passé le doux âge de l’enfance, suppose une petite dose de folie, voire d'inconscience, ou pour le moins une certaine capacité d’illusion. L’optimiste reste toujours convaincu de l'existence d’un ailleurs meilleur possible ou d’un futur source d’espoir. Les dîners en ville (auxquels nous n'assistons guère dans notre trou perdu) sont souvent l'occasion rêvée de se livrer, avec une certaine jouissace, au listage sinon exhaustif mais le plus complet possible de toutes les catastrophes qui nous attendent dans les décennies à venir. Une façon sans doute d'exorciser les angoises, de conjurer les peurs, de se préparer à affronter l'avenir. Et je puis vous assurer que l'élément "pessimiste" du couple Alter-Michelaise, ne participe guère au défaitisme général et en ressort accablé par l'inutilité de l'exercice. Peut-être, finalement, l'optimisme est-il contagieux ??



(1) En résumé, selon diverses études citées par Philippe Gabilliet dans « Eloge de l’optimisme, quand les enthousiastes font bouger le monde », il semblerait prouvé que :
- ont moins de jours d’arrêt-maladie que les autres,
- présentent une immunité renforcée face aux infections de toutes sortes,
- courent moins de risques d’être victimes d’un accident vasculaire cérébral,
- présentent moins de risques d’être atteints de certaines formes psychosomatiques d’asthme ou d’allergie,
- sont plus résistants au stress et aux épisodes dépressifs,
- ont un taux de survie supérieur aux autres après un infarctus,
- récupèrent plus rapidement après des chimiothérapies et ont des rémissions plus longues,
- vieillissent mieux, à la fois physiologiquement et psychologiquement, etc.

(2) Pour l’économiste Claudia Senik, qui a longuement étudié ce mystérieux « French paradox », il serait lié, en partie du moins, à l’éducation. Quand les petits Français rentrent de l’école, on regarde leurs mauvaises notes plutôt que les bonnes : le système scolaire français, sélectif et élitiste, se fonde sur un jugement systématique par hiérarchie de compétences, ce qui ne favorise ni la confiance ni l’estime de soi.

11 commentaires:

  1. "Un pessimiste, c'est un optimiste qui a des informations"...

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  2. Un optimiste ne prend en compte que sur quoi il peut agir, il ne s'égare pas dans les dédales incontrôlables...

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  3. Michel de Lyon2 juin 2014 à 10:25

    Ben dites-donc ! Vous vous exercez pour passer (re-passer sûrement) un bac de philosophie. C'est un véritable traitement de sujet de bachot... Ou alors vous donnez des éléments à vos élèves sur un sujet qui tombera bientôt (une fuite en quelque sorte...). Je vais lire l'article que vous citez, mais je n'aime pas trop cette histoire d'authentification de gène de l'optimisme même avec une activité limitée à 20%. Cela me rappelle d'autres histoires de gènes (de la violence, de l'homosexualité de l'hyperactivité enfantine et autres conduites jugées déviantes). Je me pose la question de l'industrie qui à ses molécules à fourguer et de l'influence du DSM5 sur la prescription insensée de molécules pour faire des enfants sages dans certains pays évolués. Alors pourquoi pas une future molécule, suite à ces découvertes, pour transformer les pessimistes en optimistes béats ! J'aime trop la définition fournie par totirakapon... Voilà la sagesse (le savoir)... Heureusement que nous aurons bientôt des vacances pour nous remettre de ce haut niveau de réflexion ! Y'a ben des fois où vous nous bouliguez bien les neurones et les scissures !
    Reposez-vous, vivez ce sentiment d'élation devant vos lointains océaniques, et passez une belle semaine. Vous méritez bien tout ça après un tel effort !

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  4. Moi je serais plutôt tendance : Totikapon

    Être optimiste ou pessimiste ? Sont-ce vraiment des question qu'il faut se poser pour ajuster ses vues sur le monde ?

    Moi je suis optimiste, quand je peux mesurer avec réalisme les chances de réussite, pessimiste, quand je soupçonne les causes probable de l'échec...

    Souvent je voyage à l'intérieur de ces deux mouvances, sans pouvoir vraiment me déterminer... Quant à la génétique... Je reste plutôt de la tendance Michel de Lyon :-))

    Non, non, je reste de de la tendance Toutikapon...

    Merci Michelaise pour ce remue méninges.

    Bises du jour.



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  5. Vous êtes tous vraiment super adorables de jouer ainsi le jeu avec moi.... je vous livre, depuis Ferrare où je coule quelques jours paisibles, la participation d'alter ... ’un français est un italien de mauvaise humeur’... autant dire que ces jours - ci je me sens l'âme latine !!

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  6. Vive l'optimisme! Je suis persuadée en effet que voir le bon côté des choses aide à avancer... avec le sourire.... alors oublions tout ce qui va mal et regardons tout ce qui fait du bien.
    Pourvu que le système scolaire change et que l'on regarde avec optimisme les efforts des enfants... C'est tellement plus encourageant...
    Bonne fin de semaine à toi Michelaise. Je suis sûre qu'au milieu de notre ciel gris normand il y aura quelques culottes de gendarme, autrement dit quelques coins de ciel bleu ;-)

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  7. Didon, tu as vu que tes pays optimistes sont souvent ceux dans lesquels on se passe de l'avis des filles... Sérotonine et féminin ? Hein ? Certains de ces pays sécrètent, en plus, deux hormones très puissantes : le soleil et le foot !
    Sinon, mais c'est sans doute ton coté optimiste, tu minimises un peu le rôle de l'école, qui est une machine à broyer du noir à la première difficulté. L'optimiste y est à rude école et le petit sécréteur de sérotonine y déprime grave !
    Moi je suis une optimiste enthousiaste mais petite porteuse de sérotonine et je vois bien la différence avec les gros sécréteurs de mon entourage, qui ne sont pas forcément les plus optimistes.

    Bises.
    PS : Gardons le moral ça s'arrange avec l'âge.

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  8. Je suis une incorrigible optimiste depuis ma naissance et même dans les séries de tuiles, je continue à positiver.
    Simple d'esprit, béate, inconsciente ? Appelons ça comme l'on veut mais j'assume.
    Je vais citer Mr Georges Bernanos :
    "La seule différence entre un optimiste et un pessimiste c'est que le premier est un imbécile heureux et que le deuxième est un imbécile triste"

    Puis évidemment il y a le réalisme !!!!
    Même si je n'écris pas souvent, je passe te voir à chaque fois.
    Bises et belle journée.

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  9. Allez disons que je suis "quand même optimiste" mais... Ah si on pouvait supprimer le mais !!!!

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    1. Veuillez prouver que vous n'êtes pas un robot
      voila de quoi couper tout optimisme allez je vais encore essayer de prouver !!!

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