Un petit "saut" à Marseille pour célébrer dignement l'anniversaire d'un cousin nouvellement octogénaire, nous a permis de visiter la superbe exposition que le MUCEM accueille jusqu'au 25 août : Splendeurs de Volubilis. Peu de pièces mais de superbe qualité, servies par une présentation aérée et très attrayante.
Le royaume de Maurétanie se trouve au nord-ouest de l’Afrique. Alors que Jules César traverse le Rubicon avec ses légions pour prendre le contrôle de Rome, Pompée s’oppose à lui pour défendre la République. Durant cette guerre civile entre Pompée et César, le royaume de Maurétanie aura l’imprudence de prendre le parti de Pompée, ce qui entraînera, après sa défaite, un accroissement de la pression romaine sur ses terres.
C'est Juba II qui fera du royaume une province importante et fidèle à l’Empire romain. Le règne de Juba II accélère la romanisation de la région et l’hellénisation des arts et de la statuaire. À Volubilis, résidence occasionnelle du couple royal, les archéologues ont mis au jour de nombreuses statues de bronze qui rendent bien compte de la volonté du roi et des riches habitants de la cité d’avoir accès à l’esthétique et aux goûts de leurs homologues romains de l’autre rive de la Méditerranée. Après la mort de Juba II en 23, son fils Ptolémée prend la relève jusqu’à son assassinat à Lyon sur ordre de l’empereur Caligula. La province est alors annexée en 44 avnat J.-C. mais entre en rébellion. Volubilis, fidèle à Rome, participe à la répression de cette rébellion et obtiendra récompense, le statut de municipe romain faisant de ses habitants libres des citoyens romains et accélérant encore la romanisation de la cité.
Juba II est un Numide qui a tout d’un Romain. Après la défaite de son père face à César et son suicide en 46 av. J.-C. Juba II sera élevé à Rome dans la famille d’Octave. Au cœur de la plus puissante des familles romaines, il sera pétri de culture classique. Il est connu des Grecs et des Romains en tant que savant, artiste, homme de lettres, auteur de plusieurs traités sur les lettres, la peinture, le théâtre, l’histoire, la géographie et la médecine (il écrivit même un traité sur l'euphorbe !). Il est placé sur le trône de Maurétanie par Auguste en 25 av. J.-C. Qualifié «d’allié et d’ami de Rome», il sera marié à Cléopâtre Séléné, fille de la très célèbre Cléopâtre VII et de Marc Antoine. Elle fut également élevée à Rome afin que, descendante de la famille des Lagides, elle devienne une parfaite Romaine. De par sa naissance africaine, son éducation romaine et son mariage avec une princesse de culture hellénistique, Juba II est un roi érudit, à la culture méditerranéenne. Il sera un grand collectionneur d’art et on lui doit l’importation d’un certain nombre d’œuvres présentes dans cette exposition.
Sur ce buste, découvert dans la maison dite du roi Maure, Juba II est portraituré au début de son règne. Il est représenté selon la tradition hellénistique, le visage imberbe et les cheveux courts et bouclés, traités en mèches désordonnées, ceints du bandeau royal. L'expression mélancolique et vaguement dédaigneuse du portrait idéalise le jeune homme, d'une beauté farouche.
L’éphèbe est un personnage qu’on retrouve souvent dans la statuaire classique. Dans le monde grec, l’éphèbe est un jeune garçon qui vient de sortir de l’autorité féminine et entre dans la vie adulte par le service militaire : l’éphébie. Représentant la beauté et la grâce de la jeunesse, cet éphèbe, retrouvé en 1932 près de l’arc de triomphe de Volubilis, est caractéristique du style classique.
Nu, bien proportionné, musclé finement, la tête couronnée de lierre, il représente un idéal de beauté masculine. Il s’inscrit dans une série dite « lampadophores» c’est-à-dire porteurs de flambeau (ici disparu). Cet éphèbe est d’influence polyclétéenne, en référence à Polyclète, célèbre sculpteur du premier classicisme (Ve siècle av. J.-C.).
C'est un exemple parfait de copie des modèles hellénistiques et de la diffusion des goûts.
Son style obéit à un canon inventé par Polyclète. Celui-ci repose sur un ensemble de rapports numériques entre les différentes parties du corps : le torse et les jambes ont la même hauteur, trois fois la hauteur de la tête ; le bassin et les cuisses mesurent respectivement les deux tiers du torse et des jambes. Au total, un gabarit impressionnant de grâce et de force mêlées.
Cette statue est le portrait d’un jeune garçon d’environ 6 ans. Caractéristique de l’époque hellénistique, il mélange des attributs grecs (tunique courte ceinturée et manteau attaché par une fibule) avec des attributs égyptiens (boucles d’oreilles, yeux cernés de khôl).
C’est grâce à ces indices et au travail des archéologues et des historiens que des hypothèses ont pu être faites sur l’identité de ce petit garçon. Il s’agirait d’un des fils de Cléopâtre VII : soit Césarion, alias Ptolémée XV, héritier du trône d’Égypte et fils de Jules César ; soit Ptolémée, le deuxième fils que Cléopâtre eut de Marc Antoine.
Cette statue est remarquablement réalisée et particulièrement bien conservée. La très haute qualité des coulées et des assemblages par soudures montre que le fondeur et le sculpteur étaient tout à fait exceptionnels.
Une tête d'Eros souriant (ou tête d'enfant) ...
... et un Eros endormi, quoique de petite taille, montrent tout le talent des fondeurs d'il y a plus de 2000 ans. Ils maîtrisent parfaitement la technique de la cire perdue et la ciselure de finition donne aux coiffures sophistiquées de ces petites têtes un merveilleux relief.
Cette exceptionnelle tête de jeune homme, dite tête de Bénévent (en provenance du Louvre, et non, comme les autres pièces, du musée de Rabat) est faite de bronze avec des appliques de cuivre rouge au niveau des lèvres. Elle devait certainement orner un pilier dans une belle demeure ou à la palestre, l’endroit où les exercices physiques étaient pratiqués.
La couronne d’olivier sauvage dont est ceinte la tête du jeune homme évoque la récompense offerte aux athlètes vainqueurs des jeux d’Olympie. Cet éphèbe, athlète, reprend des thèmes très en faveur dans la sculpture grecque classique et réexploitée chez les Romains : la beauté idéale et la victoire. Le visage, construit selon les principes de l’école argienne, témoigne de la persistance de l’influence polyclétéenne au Ier siècle avant notre ère. Le menton plein, le contour de la bouche, la forme du nez dont les ailes joignent les joues par de légères dépressions manifestent l’héritage du maître argien, ainsi que les mèches de cheveux finement travaillées.
Loin des représentations idéalisées précédentes, ce vieux pêcheur est traité avec un grand réalisme. L’homme est vêtu d’un exomis, tunique courte réservée aux ouvriers et aux soldats, et fait le geste d’un pêcheur. Le remarquable travail sur son visage, dévoilant les rides, la calvitie et insistant sur sa vieillesse et les veines saillantes du modèle, s’inscrit dans la tradition alexandrine. Placées dans l'espace domestiques ces statues, figurant des personnes humbles de l'entourage de la maisonnée, symbolisaient la piété du propriétaire et son humanité.
Le texte de cet article s'inspire en très large partie du dossier pédagogique préparé les services culturels du musée à l'occasion de cette exposition. La carte vient d'ici et la photo de Volubilis est empruntée à la base Wikipedia.
C'est Juba II qui fera du royaume une province importante et fidèle à l’Empire romain. Le règne de Juba II accélère la romanisation de la région et l’hellénisation des arts et de la statuaire. À Volubilis, résidence occasionnelle du couple royal, les archéologues ont mis au jour de nombreuses statues de bronze qui rendent bien compte de la volonté du roi et des riches habitants de la cité d’avoir accès à l’esthétique et aux goûts de leurs homologues romains de l’autre rive de la Méditerranée. Après la mort de Juba II en 23, son fils Ptolémée prend la relève jusqu’à son assassinat à Lyon sur ordre de l’empereur Caligula. La province est alors annexée en 44 avnat J.-C. mais entre en rébellion. Volubilis, fidèle à Rome, participe à la répression de cette rébellion et obtiendra récompense, le statut de municipe romain faisant de ses habitants libres des citoyens romains et accélérant encore la romanisation de la cité.
Juba II est un Numide qui a tout d’un Romain. Après la défaite de son père face à César et son suicide en 46 av. J.-C. Juba II sera élevé à Rome dans la famille d’Octave. Au cœur de la plus puissante des familles romaines, il sera pétri de culture classique. Il est connu des Grecs et des Romains en tant que savant, artiste, homme de lettres, auteur de plusieurs traités sur les lettres, la peinture, le théâtre, l’histoire, la géographie et la médecine (il écrivit même un traité sur l'euphorbe !). Il est placé sur le trône de Maurétanie par Auguste en 25 av. J.-C. Qualifié «d’allié et d’ami de Rome», il sera marié à Cléopâtre Séléné, fille de la très célèbre Cléopâtre VII et de Marc Antoine. Elle fut également élevée à Rome afin que, descendante de la famille des Lagides, elle devienne une parfaite Romaine. De par sa naissance africaine, son éducation romaine et son mariage avec une princesse de culture hellénistique, Juba II est un roi érudit, à la culture méditerranéenne. Il sera un grand collectionneur d’art et on lui doit l’importation d’un certain nombre d’œuvres présentes dans cette exposition.
Sur ce buste, découvert dans la maison dite du roi Maure, Juba II est portraituré au début de son règne. Il est représenté selon la tradition hellénistique, le visage imberbe et les cheveux courts et bouclés, traités en mèches désordonnées, ceints du bandeau royal. L'expression mélancolique et vaguement dédaigneuse du portrait idéalise le jeune homme, d'une beauté farouche.
Ce buste remarquable représente Caton d’Utique comme l’indique l’inscription sur sa poitrine. On pense qu'il voisinait à l'origine avec celui de Juba II, situé alors dans la maison de Vénus. La statue le représente de manière austère et hautaine. Très réaliste, cette représentation montre à quel point les sculpteurs pouvaient rendre compte des détails de la peau, des rides et de la chevelure. Son nez, particulièrement aquilin, est rendu sans la moindre concession.
Après la mort de Pompée, il rassembla ce qui restait des forces hostiles à César et tenta de résister en Afrique. Juba Ier fit partie de cette coalition qui fut défaite lors de la bataille de Thapsus en 46 avant J.-C, et à l'issue de laquelle Caton se donna la mort. Le fils de Juba Ier fut alors enlevé pour être élevé à Rome avant de revenir régner sur la Maurétanie.
Nu, bien proportionné, musclé finement, la tête couronnée de lierre, il représente un idéal de beauté masculine. Il s’inscrit dans une série dite « lampadophores» c’est-à-dire porteurs de flambeau (ici disparu). Cet éphèbe est d’influence polyclétéenne, en référence à Polyclète, célèbre sculpteur du premier classicisme (Ve siècle av. J.-C.).
L’enfant royal possède également des attributs royaux via une symbolique religieuse. Il arbore un superbe bracelet serpentiforme à la cheville.
La tresse de sa tête est décorée d'un foudre, évoquant Zeus, sur un ruban lui-même symbole de la protection des divinités égyptiennes et attribut des rois lagides.
Une tête d'Eros souriant (ou tête d'enfant) ...
... et un Eros endormi, quoique de petite taille, montrent tout le talent des fondeurs d'il y a plus de 2000 ans. Ils maîtrisent parfaitement la technique de la cire perdue et la ciselure de finition donne aux coiffures sophistiquées de ces petites têtes un merveilleux relief.
Cette exceptionnelle tête de jeune homme, dite tête de Bénévent (en provenance du Louvre, et non, comme les autres pièces, du musée de Rabat) est faite de bronze avec des appliques de cuivre rouge au niveau des lèvres. Elle devait certainement orner un pilier dans une belle demeure ou à la palestre, l’endroit où les exercices physiques étaient pratiqués.
La couronne d’olivier sauvage dont est ceinte la tête du jeune homme évoque la récompense offerte aux athlètes vainqueurs des jeux d’Olympie. Cet éphèbe, athlète, reprend des thèmes très en faveur dans la sculpture grecque classique et réexploitée chez les Romains : la beauté idéale et la victoire. Le visage, construit selon les principes de l’école argienne, témoigne de la persistance de l’influence polyclétéenne au Ier siècle avant notre ère. Le menton plein, le contour de la bouche, la forme du nez dont les ailes joignent les joues par de légères dépressions manifestent l’héritage du maître argien, ainsi que les mèches de cheveux finement travaillées.
Loin des représentations idéalisées précédentes, ce vieux pêcheur est traité avec un grand réalisme. L’homme est vêtu d’un exomis, tunique courte réservée aux ouvriers et aux soldats, et fait le geste d’un pêcheur. Le remarquable travail sur son visage, dévoilant les rides, la calvitie et insistant sur sa vieillesse et les veines saillantes du modèle, s’inscrit dans la tradition alexandrine. Placées dans l'espace domestiques ces statues, figurant des personnes humbles de l'entourage de la maisonnée, symbolisaient la piété du propriétaire et son humanité.
Le texte de cet article s'inspire en très large partie du dossier pédagogique préparé les services culturels du musée à l'occasion de cette exposition. La carte vient d'ici et la photo de Volubilis est empruntée à la base Wikipedia.
Ces bronzes invitent la main à la caresse !
RépondreSupprimerHeureusement que tu as mis la carte, je n'aurais pas situé Volubilis au bon endroit en Afrique du Nord. Cette exposition présente vraiment de très belles pièces et l'événement familial a été enrichi par la possibilité de t'y rendre!
RépondreSupprimerBon week-end!
Pièces splendides et photographiées d'oeil de Maitre Bravo et ton article arrive à point... si j'ai le courage nous irons faire une visite. As tu déjà vu l'éphèbe d'Aude c'est aussi une très belle pièce assez peu connue.
RépondreSupprimerJ'espère que vous avez passé une bonne journée.
Que oui, la "fête" de samedi était vraiment réussie : espérons que l'an prochain, vous pourrez vous libérer.
SupprimerEt qui sait, peut-être pourrez vous faire un tour à Marseille ?? De très belles pièces à aller admirer, en effet. Bon séjour méditerranéen....
En tant qu'amateur et collectionneur d'antiquités archéologiques, quel beau voyage ! Il faut décidément que j'aille faire un tour au MUCEM...
RépondreSupprimerSi vous le pouvez Jeanmi, profitez de cette expo : elle est vraiment de très belle qualité et fort bien présentée.
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