vendredi 26 septembre 2014

LE NOUVEAU MUSÉE CIVIQUE DE REGGIO EMILIA



Rouvert en mai 2014 après de longs et important travaux de restauration et de réaménagement, le musée de Reggio n'est pas ce qu'il est convenu d'appeler un incontournable. Nos amis anglais l'ont même trouvé abominable ! Il faut avouer qu'avec sa théorie d'animaux empaillés, ses toiles mineures et sa galerie d'art moderne moyennement convaincante, il n'a pas beaucoup d’œuvres prestigieuses à offrir. Mais l'agencement est clair, lumineux, certaines salles sont vraiment superbes et les responsables ont largement mis en valeur le moindre de leurs "trésors".
Visite en images :

La Vénus de Chiozzia, découverte en 1940 dans un champ est sculpture stéatopyge du paléolithique supérieur réalisée dans un galet fluvial de grès à grain très fin (entre 40 000 et 10 000 avant J. -C.)

La précieuse "tasse d'or", vraisemblablement issue d'un ensemble funéraire non retrouvé, date du XVIII-XVIIème avant J. -C. c'est à dire la phase finale de l'âge du Bronze.


Côté peintures, quelques panneaux de belle qualité, fort bien réstaurés grâce aux banques locales ...

... comme cet Alessandro Tiriani (1577-1998) aux accents caravagesques marqués, intitulé Yaël et Siséra.

Siséra était un général de l'armée de Yabin, qui opprimait le peuple hébreu depuis plus de 20 ans. Déborah, la seule prophétesse de la Bible, et aussi seule femme parmi les Juges d'Israël, convoque le chef d'armée Barac et lui ordonne de lever une armée parmi la tribu de Nephthali et la tribu de Zabulon pour vaincre l'armée cananéenne de Siséra. Elle prophétise que la gloire de tuer Siséra en personne ne reviendra pas à Barac mais à une femme.

L'armée de Sisera étant décimée à la suite de l'attaque de Barac, le chef s'enfuit à pied, seul, en direction de la tente d'Heber, qu'il savait fidèle  au roi Yubin. Il est accueilli par Jaël , femme de Héber, et elle lui propose de se reposer dans sa tente. Alors Siséra dort, Jaël armée d'une cheville et un marteau le tue en lui transperçant la tempe. 

Puis elle annonce à son mari quelque peu éberlué que Siséra n'est plus en état de nuire. Une scène bien barbare traitée avec des accents de vérité dignes d'Artemisia Gentileschi qui a traité le même sujet.

Nettement moins admirable d'un point de vue artistique mais intéressant du fait de son intégrité, le cycle peint par Prospero Minghetti pour le palais du Comte Ritorni aux alentours de 1815 : l'ensemble raconte des épisodes de la vie de Ruggiero, le compagnon de Roland  dans l'Orlando furioso de l'Arioste et dans l'Orlando innamorato de Boiardo, (celui qu'Ingres représente en train de sauver la blanche Angélique attachée à un rocher et sauvagement attaquée par un féroce dragon). Ruggiero est  sensé être l'ancêtre de la famille d'Este, descendant d'Hector de Troie et  la narration de ses aventures traduit l'intention du commanditaire de magnifier l'origine des Este en pleine période de Restauration.


Côté peinture moderne, la toile la plus intéressante, et sans doute une des meilleures du musée, est cet audacieux Page en rouge peint par un tout jeune peintre de Reggio, qui, passé ce coup de génie, ne semble pas avoir réalisé grand chose de remarquable (si l'on en juge par les autres toiles de lui présentes au musée).

Ottorine Davoli avait 17 ans quand, en 1905, il peignit ce Paggio in rosso ou Paggetto : un jeune homme exalté et sans doute romantique comme semble le montrer cet autoportait de la même année. Il se "rangera" et s'embourgeoisera sans doute assez vite, mais là, à 17 ans, c'est le feu et la flamme qui l'habitent ....


 ... quand il brosse, à coups de pinceau rapides et nerveux (on dirait un Manet, je pense au torero mort) , ce festival de teintes écarlates, puissantes, vibrantes ...

.... à peine modérées par le blanc de la collerette et le verduccio du visage de son tout jeune modèle. L'enfant, altier, la main élégamment posée sur la hanche, regarde le spectateur avec un air d'une incroyable acuité, conférant au sujet un air mystérieux, qui semble lourd de sens. La peinture, fort audacieuse lorsqu'elle fut réalisée, ne trouva pas preneur et resta dans l'atelier de l'artiste. C'est son petit fils qui, l'ayant retrouvée un peu par hasard dans l'appartement de son père à Turin, l'a déposée au musée de la ville natale du peintre.

Quant à l'art contemporain, il permet, grâce à une mise en scène très valorisante, de faire quelques photos intéressantes et se laisse visiter !

La visite se termine par une sorte de fresque en objets racontant la vie du musée, de sa création à sa rénovation, en passant par son informatisation !! Qui vous permet d'avoir accès aux fiches de toutes les oeuvres d'art qu'il abrite (enfin c'est en cours !!)

6 commentaires:

  1. Eh bien moi je le trouve super ce musée! Il semble n'y avoir personne, il paraît silencieux et il abrite en plus des œuvres très variées que tu nous présentes avec beaucoup d'intérêt, comme cette Vénus sculptée dans un galet qui, tout antédiluvienne soit-elle, n'en est pas moins très émouvante. C'est sûr que lorsqu'on est habitué aux grands musées internationaux, celui de Reggio semble faire plutôt petit bras à côté, mais moi c'est ce qui me plaît au contraire ici. Le fait qu'on puisse y voir autre chose que les traditionnels tableaux de maître et que des conservateurs aient fait un effort pour présenter au public une collection qui sort un peu des sentiers battus, sans faire nécessairement appel à un scénographe prétentieux et imbu de lui même, ça valait le coup en effet d'être signalé et je t'en remercie, car la prochaine fois que je passerai dans les parages, je tâcherai de faire un détour par Reggio. Je note au passage l'âge canonique d'Alessandro Tiriani, peintre quadricentenaire... (l'Italie est vraiment une mère nourricière...) Je me suis aussi demandé, en parcourant la section contemporaine, ce qui était entreposé dans cette gigantesque croix multicolore ; j'ai cru d'abord à des pull Benetton de toutes les couleurs, puis, en cliquant sur la photo, je me suis rendu compte que je faisais fausse route. Mais ôtes-moi d'un doute, ce ne sont quand même pas des épices qu'on aurait vaguement déversés dans ces boîtes? J'ai tenté de creuser la question en allant sur le site Internet du musée (pas mal fait, soit dit en passant), mais je n'ai rien trouvé... Je compte sur toi pour venir éclairer ma lanterne. Bonne journée et à bientôt...

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    1. Je partage GF ton amour des musées déserts, et y prends, comme toi, un plaisir infini : il suffit de s'y intéresser à de "petites choses", et même si l'émotion est moindre, l'agrément, lui, est décuplé par le calme et la douceur des lieux. A Reggio les concepteurs de ce nouveau musée l'ont réaménagé de façon grandiose, comme s'il n'abritait que des chefs d'oeuvre et, du coup, on a envie d'en profiter. Nos amis anglais lui "ont fait la peau" en rien de temps, condamné le musée, mais je t'assure que, sans valoir forcément le détour, il mérite la visite si on passe par Reggio.
      Si tu vas à Reggio, je te recommande particulièrement la Galleria Parmegiani à laquelle j'ai consacré un long article très "amusé"... une curiosité !!!
      Le musée des faux de Reggio

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    2. Pardon j'ai oublié les caisses colorées : je n'ai pas appesanti l'analyse, simplement séduite par les couleurs. Elles évoquent en effet les marchés d'épices mais sont, sans aucun doute, Michel doit avoir raison en l'espèce, des pigments, ne serait-ce que pour être aussi "franches" !!

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    3. Eh bien je tâcherai de faire d'une pierre deux coups et de faire une visite couplée du Museo Civico et de la galleria Parmegiani : je me souviens bien évidemment de ton article fouillé qui m'avait assez intrigué et même du commentaire hargneux de Siu qui, lorsqu'on connaît sa fidélité, ne pouvait en effet passer que pour un faux!

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  2. Vous nous présentez le musée civique de Reggio Emilia, chère Michelaise. J'imagine que vous traduisez Museo Civico ( je ne connais pas l'italien). J'avoue que ce qualificatif de civique me fait toujours tiquer à cause de toutes les résonances que le français connote. Lorsqu’il m'arrivait de le lire, je préférais traduire (in petto) par Musée Municipal puisqu'attaché à une ville. Mais bon, mon inculture amène sûrement le contresens ! J'aime bien l'idée d'épices soulevée par G.F. pour remplir les cases de la croix ; j'imagine aussi la fortune en safran qu'il aura fallu pour remplir certaines cases jaunes ! Il est vrai que l'assise financière de certains émirs pourrait justifier la bigarrure épicée et colorée des souks d'Orient. J'ai plutôt l'impression qu'il s'agit de pigments comme on pouvait en voir dans les casiers de certain fournisseur parisien pour peintres (et chez certains droguistes lorsqu'ils existaient encore)... en plus grands pour ce qui est de Reggio évidemment.
    Agréable visite en votre compagnie quand on ne joue pas le touriste-photographe.
    Merci et bonne semaine.

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    1. Il s'agit d'un musée municipal Michel et votre pratique de l'italien n'est pas prise en défaut. Quant à ma "traduction" elle est due à des décennies de visites de "musei civici" autant dire que je préfère utiliser ce terme de "civique" car notre musée municipal est toujours un peu réducteur !! Ceux de grandes municipalités en France s'appellent "musée des beaux arts" et le "musée municipal" est chez nous réservé à de toutes petites choses où l'on expose des coiffes saintongeaises à côté de vieux rabots !!
      Quant aux "épices" je pense que c'était des idées d'épices car en effet, rien qu'en safran cela aurait coûté une fortune !! L'artiste a voulu, je pense , évoquer les marchés et les souks, mais s'est contenté de pigments !!!

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