... ou la fin programmée du Festival de Quatuors à Cordes de Fayence
- Vous connaissez la triste nouvelle ?
Un peu inquiets. .. quelqu'un de malade ??
- Non ??
- C'est "notre" dernier festival. La communauté de communes a décidé d'arrêter définitivement les financements, on ne se retrouvera plus en pays de Fayence.
Ce sont des amis bordelais, amateurs comme nous de quatuors à cordes qui nous annoncèrent le scoop lors du premier concert de cette semaine qui nous a vu courir de Tanneron à Seillans, en passant par Mons ou Montauroux. Bref, les villages perchés du pays de Fayence où, pendant 26 ans s'est déroulé LE festival de quatuors à cordes le plus réputé de France (1). Semaine durant laquelle, chaque soir, les artistes ou les aficionados rendirent un hommage appuyé, admiratif et ému à Daniel Bizien, fer de lance, animateur et surtout âme de cette superbe semaine musicale qui, sans crier gare, et par décision politique, se trouverait rayée du paysage musical.
Les raisons avancées sont, comme il se doit, économiques, même si on évoque de-ci, de-là, d'autres motifs aux accents de revanches politiques, nettement moins avouables et dont il vaut mieux taire les contours prévisibles. Mais il semble que les élus qui tenaient à ne pas ébruiter trop vite leur petites salades locales aient été pris par surprise quand monsieur Bizien a décidé d'en faire état dès le premier jour, sans langue de bois. Du coup, il leur a fallu tenter de justifier publiquement leur décision. L'un d'entre eux, courageux, s'y colla un soir, lors d'un petit pot d'après concert censé féliciter monsieur Bizien pour son travail auquel on ne veut pas donner suite et permettre de lui remettre un cadeau symbolique. Le violoncelliste du quatuor Danel, Yovan Markovitch, avait à la fin de l'admirable concert que l'ensemble venait de nous offrir, pris la parole afin de déplorer, sincèrement ému, la fin de ce festival, si important dans le petit monde du quatuor à cordes. Le maire chargé d'offrir à Daniel Bizien le montage des 26 affiches des 26 festivals précédents, ne pouvait décemment pas lui fourrer le cadeau dans les mains sans un mot. Il s’embrouilla donc dans une explication d'autant plus fumeuse qu'il n'était manifestement pas un grand amateur de musique de chambre, distraction ruineuse de quelques happy few n'ayant plus, selon lui, lieu d'être financée par sa communauté qui supporte, on le croit volontiers, d'autres priorités en ces temps de crise. Ce festival est, c'est vrai, un luxe pour la région de Fayence, et l'importance du déficit rapporté au nombre somme toute assez limité de spectateurs, justifie, on s'en doutait, sa suppression. Mais c'est justement ce luxe que les élus, fiers d'une telle "richesse", auraient dû avoir à cœur de défendre.
Or, ce que n'ont pas compris les politiques de l'arrière-pays varois (et, beaucoup plus largement les responsables régionaux, voire "ces messieurs du ministère", en l’occurrence une dame !! car l'affaire est, à mon sens, nationale), c'est que ce festival a acquis une véritable renommée internationale et représente, en matière de quatuors à cordes, LA référence de qualité que tous, musiciens, critiques et interprètes considèrent comme incontournable. Fayence était, grâce à son festival, espéré des jeunes quatuors, connu des critiques, reconnu des spécialistes, et des formations prestigieuses acceptaient d'y venir devant une poignée d'amateurs constituant, ils le disent eux-mêmes, un public de choix, particulièrement attentif et connaisseur.
En gros, une réputation, construite grâce à une programmation irréprochable appréciée par un public exigeant, dont les élus locaux n'ont pas mesuré la valeur. Et leur hâte à déposer la clé sous la porte néglige superbement l'importance prise dans le monde musical cette manifestation qui, de fait, était pour leur région, un vrai titre de gloire. Incroyable dans ces conditions, de supprimer sans autre forme de procès, une formule qui a fait ses preuves. On se dit en l'espèce que les arguments avancés, d'économie ou de changement nécessaire n'ont pas de vraie valeur. Oh certes, "on" a parlé, pour "calmer les esprits", d'une formule revue et corrigée, plus "légère", et surtout moins coûteuse. Mais un tel remaniement, s'il est sûr qu'il fera économiser à la communauté de communes et au département, une somme rondelette, aura pour effet de changer totalement l'allure de cette manifestation : ce sera un festival banal d'arrière-saison, qui perdra, à coup sûr, son aura et sa réputation.
Il n'existe que très peu de festivals de quatuors à cordes, et Fayence était, comme l'a dit avec émotion Dom Hervé lors du dernier concert, une partie de notre patrimoine culturel, comme un supplément d'âme en ces temps arides, une "valeur" que les élus locaux auraient dû défendre bec et ongles. Si l'on comprend parfaitement leur souci de réaliser de restrictions budgétaires, on admet mal qu'ils aient, sciemment, décidé de se priver sans se battre de ce fleuron local qui, même s'il touche apparemment peu de personnes, fait plus pour la réputation et l'image de leur petite région que de nombreux discours. Sachant combien le départ d'un programmateur musical de talent fragilise un festival, ils auraient, au contraire, dû avoir à cœur de défendre "leur" semaine musicale, d'en assurer la pérennité quitte à, comme l'ont fait beaucoup avant eux, en revoir l'organisation à la hausse (des économies et des aménagements sont toujours possibles, nombre de festivals "en danger" ont su le démontrer) et non la qualité à la baisse. Fayence, s'il disparaît, restera comme une légende dans l'univers musical et ceux qui en auront précipité la fin s'en mordront les doigts... trop tard. On n'a pas le droit à l'errance en la matière, et le public, s'il part, aura du mal à être reconquis.
A SUIVRE : les concerts 2014
(1) Ce n'est pas tout à fait le seul, il me faut le préciser en note, car le Festival du Lubéron offre, lui aussi, une programmation de grande qualité. Mais cela se passe dans une région plus "facile d'accès", et surtout, à une saison nettement plus porteuse (les 15 derniers jours d'août), bénéficiant d'un public plus aisément accessible.
Michelaise, comme je comprends ta tristesse de voir se festival disparaître, faute de moyen ou faute de priorité, les élus souvent font sauter la culture avant toute chose, ne pouvait-on pas recadrer le festival au lieu de le supprimer ?
RépondreSupprimerAinsi est-on en train de nous convaincre petit à petit que le nécessaire est tout à fait superflu... Ces suppressions de "postes" se feront bientôt dans toutes les communes... Hélas ! Il faut résister !
Bises du soir