Le pastel des teinturiers a fait le fortune de la région de Lomagne quand le bleu était une couleur royale et que son obtention était le fruit d'un savoir-faire ancestral et précieux, avant d'être détrôné par l'indigotier d'Asie, puis par les colorants de synthèse.
Le pastel une plante herbacée bisannuelle : la première année, elle forme une rosette de feuilles d'un vert un peu glauque, qui sont récoltées pour l'extraction du pigment bleu. En principe, la seconde année, elle émet des fleurs et des graines, et ensuite, elle disparaît.
Utilisée comme plante médicinale et tinctoriale par les Grecs et les Romains de l'Antiquité, elle fut largement cultivée au cours du Moyen Âge et de la Renaissance, en Europe, pour la production d'une teinture bleue, très prisée et vendue fort cher, au point de faire vivre avec aisance tout le pays de Cocagne ... la cocagne étant la boule de feuilles macérées et séchées qu'on fabriquait alors, afin d'en garder les sucs et, plus tard, en extraire le pigment bleu.
Ces boules étaient si précieuses qu'on les stockait en haut d'un mât qu'on graissait soigneusement afin de décourager les voleurs potentiels d'en tenter l'escalade !
Le processus de fabrication ancien du bleu était assez complexe car c'est une teinture qui se révèle par oxydation, ce qui complique assez largement la donne, mais ensuite, sa tenue est extrêmement stable.
La culture du pastel en Europe a considérablement diminué avec l'arrivée de l'indigo des Indes au XVIIe siècle, pour disparaître presque totalement à la fin du XIXe siècle, avec l’apparition des teintures chimiques.
En 1994, un architecte décorateur belge, Henri Lambert, a analysé le processus chimique de l'élaboration de cette teinture disparue, et a remis le "bleu de Lectoure", appelé "bleu Lambert" au goût du jour.
En mettant au point des techniques nouvelles sans rapport avec la longue fabrication traditionnelle, il a pu élaborer des gammes de produits pour les Beaux-Arts, la décoration et le secteur textile. L'utilisation de l'huile de pastel pour fabriquer savons, crèmes et cosmétiques, complète cette activité qui a relancé un artisanat de qualité et sauvé des savoir-faire qui étaient totalement oubliés.
Au total, ce sont 90 hectares qui sont mis en culture pour produire les feuilles et plantes nécessaires à cette petite entreprise qui emploie 6 personnes à temps plein pour la transformation.
La création d'une "filière du pastel" tend à développer les techniques redécouvertes et à diffuser les compétences pour permettre de faire connaître le pastel et son histoire ainsi que d'accompagner, de valoriser et de promouvoir le développement de tous les produits issus de la plante.
Nous pensions, en arrivant à Lectoure, trouver de grands panneaux indicateurs, un cheminement touristique un peu clinquant et une "vitrine" très visible. Or, en traversant la ville, rien, pas le moindre panneau, pas la moindre pancarte. Il nous fallut retrouver sur internet l'adresse de l'entreprise et programmer le GPS pour découvrir une petite boutique modeste et ravissante, dans laquelle on a installé quelques cuves pour expliquer aux visiteurs le procédé de fabrication, lui montrer comment un tissu plongé dans un bain tinctorial en ressort jaunasse et, en s'oxydant, peu à peu devient d'un bleu profond et magnifique... et bien sûr offrir à sa curiosité quelques jolis produits qui font très envie !
Nous avons appris que la ville de Lectoure n'a pas très bien accueilli le couple Lambert à son arrivée dans la région, les prenant pour de doux dingues et ne les aidant pas du tout dans leur entreprise. Du coup, la réussite de ces derniers s'est faite sans soutien de la part de la municipalité et, aujourd'hui, Bleu de Lectoure fait cavalier seul !
Cette discrétion de bon aloi rend la visite d'autant plus sympathique et, si vous passez par Lectoure, surtout, n'oubliez pas un détour par la boutique, installée dans une ancienne tannerie, à Pont de Pile, juste à l'entrée de la ville. Et en attendant, vous pouvez visiter la boutique Bleu de Lectoure et vous offrir quelques jolis textiles ou crèmes aux vertus cicatrisantes.
Film l'alchimie du pastel : durée 8 minutes
Un article très intéressant comme toujours!.J'ai visité la boutique à Lectoure mais je ne savais pas que la municipalité n'avait apporté aucune aide à ce projet...L'hôtel d'Assezat à Toulouse qui abrite une collection de magnifiques peintures,a été construit par un pastelier qui a fait fortune grâce à cette plante.Peut-être l'avez-vous visité? Une jolie boutique rue de la Bourse toujours à Toulouse, propose des produits dérivés du pastel.
RépondreSupprimerMerci de votre visite Marie Claude. J'ai en effet vu cette jolie boutique à Toulouse, rue de la Bourse. Par contre, malheureusement je n'ai pas visité l'hôtel d'Assezat. Par contre, logeant rue de la Dalbade, j'ai découvert ce très beau quartier qui regorge d'admirables hôtels XVII et XVIIIème. Je ne connaissais que le quartier du Capitole et ai beaucoup apprécié cet endroit riche en belles demeures
Supprimervoilà qui est encore fort intéressant... des souvenirs du livre de Michel Pastoureau et une envie de le relire..., le bleu me fait aussi penser à Klein et son IKB !
RépondreSupprimerbonne journée encore presque estivale...
Vrai, Josette, le bouquin de Pastoureau est passionnant !! Quant au bleu, de Lectoure ou de Klein, il est parfois drôlement reposant à regarder !!
SupprimerVos deux intervenantes précédentes ont quasiment dit ce que je voulais vous écrire chère Michelaise. Soit regarder votre article comme un bon complément au livre de Michel Pastoureau, soit rager sur le manque d'aide des institutions qui ne font confiance qu'aux aventures réussies, mais, hélas, jamais aux aventures qui pourraient réussir. Institutions et banquiers même combat. Du Fric sans risque. Nous en sommes arrivés au point où la France en est ! Mais en voyant vos couleurs je pensais aussi au bleu charrette (le bleu qui servait à peindre les charrettes). Eh bien je l'ai trouvé en 'greuillant' un peu sur leur site. Il ne nous reste plus qu'a reconstruire des charrettes. On ne peut que leur souhaiter de continuer dans la réussite. J'avoue un doute sur les savons... bleus... ça donne quoi sur le visage ? Vous avez essayé ? Il est vrai que sortant du jaune Hallo-chose et sa vulgarité anglo-saxonne j'aurais bien une petite préférence pour un peu de pastel de Lectoure, même sur le bout du nez !
RépondreSupprimerBon week-end d'automne.
Vous avez trouvé le bleu charrette en effet Michel, car les charrettes étaient, nous dit-on, peintes avec les "fonds" de cuve des ateliers qui fabriquaient ce précieux bleu !
SupprimerQuant aux savons bleus, pas si bleus que cela d'ailleurs car ils sont réalisés avec les graines et non avec la plante elle-même, ils sont très agréables car naturels et fort doux. On vante aussi les crèmes obtenues à partir de ces graines, crèmes qui ont vertus cicatrisantes et adoucissantes !!! et qui sont ... blanches ouf !
Je me demandais ce que vous sous-entendiez avec le jaune-hallo-chose, j'ai donc demandé de l'aide à Google qui a fort complaisamment complété jaune halloween : l'horreur à l'état pur mais on ne va pas contre son temps, n'est-ce pas ? Le moindre village voit ses gamins défiler vêtus d'oripeaux affligeants et le visage couvert de poudres diverses qui n'ont vraiment aucun charme.
Quelles belles couleurs!
RépondreSupprimerAh oui, on les emporterait toutes si on pouvait !!
SupprimerTrès intéressant, car on n'a pas cette impression sur internet. J'imaginais aussi que cette enseigne était plus visible, plus importante, ils ont fait beaucoup pour faire revivre cette plante qui a fait la fortune de la région. Cela reste une couleur passionnante, avec une grande richesse de dégradés. L'indigo ne le permet pas.
RépondreSupprimerEn fait l'enseigne est bien connue, il y a une boutique à Toulouse, mais, sur place, l'accès est discret et il n'y a aucun publicité tonitruante, alors que c'est une vraie richesse patrimoniale pour Lectoure ! C'est en effet passionnant Françoise
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