De la révolution de la "macchia"
aux fastes de la Belle Époque
Le portrait de son père, Antonio Boldini - 1867
Ferrare, collection privée
5 ans à Florence, "capitale" de l'Italie (du moins à son époque) et 50 ans à Paris : voici quelle fut la longue carrière de Giovanni Boldini. Né le 31 décembre 1842 à Ferrare, il était le 8ème enfant d'une famille de 13, dont le père, Antonio, était peintre et restaurateur d'art, imitant volontiers les tableaux de Raphaël et de paysagistes vénitiens (Guardi). C'est de lui que Giovanni, Zanin, reçut, très jeune, ses premières leçons de dessin. Dès 1858, il s'inscrit aux cours de deux "petits" maîtres locaux, Domenichini Girolamo (1813 - 1891) et John Pagliarini (1809 - 1878).
Autoportrait - 1865
Viareggio, Istituto Matteucci
Puis, en 1862 à moins de 20 ans, il entre à l'Académie des Beaux-Arts de Florence, où il suit les cours de Stefano Ussi (1822 - 1901) et d'Enrico Pollastrini (1817 - 1876). C'est à cette époque qu'il va fréquenter assidûment le repaire des artistes florentins, le Caffè Michelangiolo, où il a rencontre Giovanni Fattori, Odoardo Borrani, Telemaco Signorini.
Il devient inséparable de Michele Gordigiani et de Cristiano Banti. Et surtout, il est reçu avec toute cette joyeuse troupe chez le critique d'art et mécène du mouvement naissant des Macchiaioli, Diego Martelli, qui les accueille dans ses villas de Montorsoli et Montemurlo.
Le groupe des Macchiaioli, composé de peintres influencés par les impressionnistes qui rejettent l'académisme et préconisent l'immédiateté et la fraîcheur, privilégie les paysages, la nature, la vision horizontale de chemins de campagne, de marine, véritables fenêtres sur le monde enchanté qui les entoure, dans cette belle campagne toscane. Boldini, lui, est déjà un portraitiste renommé et il privilégie les lignes verticales, ne pratiquant que fort rarement les peintures d’extérieur. Quand il les rencontre, le mouvement est déjà à son déclin, empêtré entre ses idéaux et l'inéluctable évolution de la société italienne, mais Martelli reconnait immédiatement son talent (1). Quant à Télémaque Signorini, critique lui aussi, le plus international et le moins intransigeant du groupe, il lui offre sa première consécration critique dans un article de la Gazette des Arts du dessin de 1867, à l'occasion de l'exposition florentine de 1867 qui révèle au monde son talent.
Fattori dans son atelier - 1867
Milano Galerie d'Italia
Il devient inséparable de Michele Gordigiani et de Cristiano Banti. Et surtout, il est reçu avec toute cette joyeuse troupe chez le critique d'art et mécène du mouvement naissant des Macchiaioli, Diego Martelli, qui les accueille dans ses villas de Montorsoli et Montemurlo.
L'extraordinaire Portrait de Diego Martelli, 1865, débordant d'empathie pour le modèle
Florence Galerie d'Art Moderne du Palazzo Pitti
Le groupe des Macchiaioli, composé de peintres influencés par les impressionnistes qui rejettent l'académisme et préconisent l'immédiateté et la fraîcheur, privilégie les paysages, la nature, la vision horizontale de chemins de campagne, de marine, véritables fenêtres sur le monde enchanté qui les entoure, dans cette belle campagne toscane. Boldini, lui, est déjà un portraitiste renommé et il privilégie les lignes verticales, ne pratiquant que fort rarement les peintures d’extérieur. Quand il les rencontre, le mouvement est déjà à son déclin, empêtré entre ses idéaux et l'inéluctable évolution de la société italienne, mais Martelli reconnait immédiatement son talent (1). Quant à Télémaque Signorini, critique lui aussi, le plus international et le moins intransigeant du groupe, il lui offre sa première consécration critique dans un article de la Gazette des Arts du dessin de 1867, à l'occasion de l'exposition florentine de 1867 qui révèle au monde son talent.
L'amateur d'art - 1866
Rome, Galerie Nationale d'Art Moderne
Boldini y avait exposé "trois petits portraits d'un mérite peu commun, et une toile représentant L'amateur d'art, qui bouleversent les règles du genre au point d'en rendre la compréhension difficile". Signorini salue la "nouveauté" de l'art de Boldini et la difficulté qu'on aurait à vouloir le classer.(2) Pourtant pas la moindre trace d'un sentiment impressionniste chez ce dernier : l'instant fugace, pétri de lumière, ne l'intéresse pas. Ce qui retient son pinceau, c'est le mouvement, l'idée du mouvement, sa peinture illustre le tout par le détail.
L'exposition consacre tout une section à cette période où, à côté de toiles de ses amis macchiaoli on peut découvrir le jeune ferrarais en pleine effervescence stylistique. Ce qu'il aime chez ces compagnons, c'est leur liberté d'expression, leur fantaisie, leur goût pour l'illustration des états d'âme mais aussi leur profond attachement à la forme. Il choisit déjà un coup de pinceau rapide, léger et pourtant étonnamment efficace. Très rapidement ses toiles séduisent, un public aisé et cultivé, souvent d'origine étrangère.
C'est ainsi que Signorini le présente à Isabelle Falconer, une riche anglaise qui s'entiche de lui et l'accueille dans sa maison de Collegigliato, près de Pistoia où elle lui demande de décorer les murs de son boudoir. Ces réalisations font partie des rares paysages exécutés par l'artiste, qui préfère décidément croquer ses semblables.
Paysanne ramassant le linge - 1868
Collection Caisse d'épargne de Pistoia (décoration pour la Falconiera)
C'est ainsi que Signorini le présente à Isabelle Falconer, une riche anglaise qui s'entiche de lui et l'accueille dans sa maison de Collegigliato, près de Pistoia où elle lui demande de décorer les murs de son boudoir. Ces réalisations font partie des rares paysages exécutés par l'artiste, qui préfère décidément croquer ses semblables.
C'est Isabelle Falconer qui l'encourage à entreprendre plusieurs voyages qui seront déterminants pour sa carrière. En 1867, il se rend à Paris avec le couple pour visiter l'Exposition universelle et fait la connaissance d'Edgar Degas - qui séjourne souvent à Florence - d'Édouard Manet, d'Alfred Sisley, et de Gustave Caillebotte, mais son admiration va surtout à Jean-Baptiste Corot.
En 1869, un parent des Falconer l'invite à Londres, où il étudie les grands portraitistes et les caricaturistes anglais, dont Thomas Gainsborough. Il y exécute de nombreux portraits en petit format de dames de haut rang, qui lui valent ses premiers succès mondains, obtient de nombreuses commandes et fait de nombreux séjours dans cette ville jusqu'en 1874. En 1875 enfin, il voyage en Hollande où il découvre Frans Hals, rencontre qui sera décisive pour son art.
Au Bois, sur un banc - 1872
Collection privée
Sa passion pour la capitale française est immédiate et dès 1872, il s'installe à Paris où il prend un atelier près de la place Pigalle et travaille sous contrat d'exclusivité avec le marchand d'art Adolphe Goupil « en s'inspirant de Watteau et de Fragonard dans le genre anecdotique de Meissonnier et Fortuny ». Boldini exécute pour le marchand d'art de petits tableaux de genre en costumes du XVIIIe
siècle, brillamment colorés, dans le style rococo ou empire. C'est le plus souvent sa jeune maîtresse parisienne, Berthe, qui lui tient lieu de modèle.
Mais très vite, il se lasse de ces travaux de commande et commence à vouloir voler de ses propres ailes. On commence d'ailleurs à admirer ses portraits de femmes de la haute société, brillants et élégants, caractérisés par un coup de pinceau hardi et fluide. Il commence à portraiturer « le Tout-Paris », expose au Salon, et le prix de ses tableaux grimpe en flèche. Au point qu'il s'éloigne peu à peu de Goupil pour le quitter définitivement en 1885. Par contre, il continue à lui adresser des amis italiens pour les aider à démarrer leur carrière, ou, plus simplement, à vivre.
La visite - 1874
Collection privée
Mais très vite, il se lasse de ces travaux de commande et commence à vouloir voler de ses propres ailes. On commence d'ailleurs à admirer ses portraits de femmes de la haute société, brillants et élégants, caractérisés par un coup de pinceau hardi et fluide. Il commence à portraiturer « le Tout-Paris », expose au Salon, et le prix de ses tableaux grimpe en flèche. Au point qu'il s'éloigne peu à peu de Goupil pour le quitter définitivement en 1885. Par contre, il continue à lui adresser des amis italiens pour les aider à démarrer leur carrière, ou, plus simplement, à vivre.
Berthe fumant - 1874
Collection privée
C'est aussi durant les débuts de son très long et définitif séjour parisien que Boldini s'essaie, en compagnie de de Nittis et de Zandomenegui, à la peinture de paysage. Ils partent sur les bords de la Seine, à Étretat ou sur les chemins de campagne pour peindre sur le motif. Témoin ce paysage qui rappelle celles que faisait son ami italien, De Nittis, quand il était encore à Naples. Mais cette période en plein air ne durera pas longtemps dans la carrière de Boldini qui, rapidement, revient à son genre préféré, le portrait.
Grand Rue à Combs-la-Ville - 1873
Musée d'Art de Philadelphie
(1) La sua pittura è un ammasso di lasciarlo e di fatto, di falso e di vero, che bisogna prenderlo com'è. E non ci vuotare il capo a farci sopra delle teorie; né si può dire che quando siete davanti a un suo lavoro, possiate non guardarlo, egli affascina, vi corbella, vi mette il capo sottosopra; sentite che quella faccenda che avete sotto gli occhi è una profanazione della vostra divinità, ma purtuttavia ci trovate gusto, lo gnomo vi inviluppa, vi sbalordisce, vi incanta, le vostre teorie se ne vanno, ed egli ha vinto.
Sa peinture est un mélange de "à prendre et à laisser", de faux et de vrai, qu'il faut accueillir comme tel. Et il ne faut pas se prendre la tête avec des théories : quand on est devant son travail, on ne peut pas ne pas le regarder, il vous fascine, il vous roule, il vous met la tête à l'envers, sens dessus dessous la tête; comprenez que ce que vous avez sous les yeux est une profanation mais pourtant vous le trouvez à votre goût, le "gnome" vous enveloppe, vous éblouit, vous enchante, vos théories sont mises à mal et il en sort vainqueur.
(2) « ...se una cosa [gli amatori d'arte] ammirano nei ritratti del signor Boldini, è la freschezza del colorito e per l'appunto è questa freschezza è la qualità che meno apprezziamo in quest'artista. Mentre la fattura larga e facile ci piace, il colore continuamente bello e lucido ci stanca; in natura, i colori belli di per se stessi non vi sono, ma paiono tali per il giusto contrapposto con gli altri, il fare i colori più belli della natura è far falso e convenzionale insieme »
S'il est une chose que les amateurs d'art admirent dans les portraits de monsieur Boldini, c'est la fraicheur du coloris et c'est cette fraîcheur précisément qui est la qualité que nous apprécions le moins dans cet artiste. Alors que sa facture, large et facile, nous plaît, sa couleur toujours belle et brillante, nous fatigue; dans la nature, il n'y a pas de belles couleurs en soi, mais elles semblent telles par opposition avec les autres. Faire des couleurs plus belles que la nature elle-même est faire faux et conventionnel.
Exposition à Forli : Boldini, le spectacle de la modernité, jusqu'au 15 juin 2015. Une manifestation extraordinaire, riche de plus de 250 oeuvres, toiles et sculptures de Boldini, bien sûr, mais aussi de ses amis macchiaioli, de ses amis français, Helleu, Sem, du sculpteur Troubetskoi, du peintre de Nittus, de Zandomeneghi, assortis d'un Goya et deux 2 Van Dyck... etc etc ! Une des plus belles expositions jamais vues, par l'intelligence de son cheminement, la richesse de ses trésors et le choix des œuvres présentées.
Sa peinture est un mélange de "à prendre et à laisser", de faux et de vrai, qu'il faut accueillir comme tel. Et il ne faut pas se prendre la tête avec des théories : quand on est devant son travail, on ne peut pas ne pas le regarder, il vous fascine, il vous roule, il vous met la tête à l'envers, sens dessus dessous la tête; comprenez que ce que vous avez sous les yeux est une profanation mais pourtant vous le trouvez à votre goût, le "gnome" vous enveloppe, vous éblouit, vous enchante, vos théories sont mises à mal et il en sort vainqueur.
(2) « ...se una cosa [gli amatori d'arte] ammirano nei ritratti del signor Boldini, è la freschezza del colorito e per l'appunto è questa freschezza è la qualità che meno apprezziamo in quest'artista. Mentre la fattura larga e facile ci piace, il colore continuamente bello e lucido ci stanca; in natura, i colori belli di per se stessi non vi sono, ma paiono tali per il giusto contrapposto con gli altri, il fare i colori più belli della natura è far falso e convenzionale insieme »
S'il est une chose que les amateurs d'art admirent dans les portraits de monsieur Boldini, c'est la fraicheur du coloris et c'est cette fraîcheur précisément qui est la qualité que nous apprécions le moins dans cet artiste. Alors que sa facture, large et facile, nous plaît, sa couleur toujours belle et brillante, nous fatigue; dans la nature, il n'y a pas de belles couleurs en soi, mais elles semblent telles par opposition avec les autres. Faire des couleurs plus belles que la nature elle-même est faire faux et conventionnel.
Exposition à Forli : Boldini, le spectacle de la modernité, jusqu'au 15 juin 2015. Une manifestation extraordinaire, riche de plus de 250 oeuvres, toiles et sculptures de Boldini, bien sûr, mais aussi de ses amis macchiaioli, de ses amis français, Helleu, Sem, du sculpteur Troubetskoi, du peintre de Nittus, de Zandomeneghi, assortis d'un Goya et deux 2 Van Dyck... etc etc ! Une des plus belles expositions jamais vues, par l'intelligence de son cheminement, la richesse de ses trésors et le choix des œuvres présentées.
un artiste mal connu de moi, merci pour cette riche présentation!
RépondreSupprimerIl a été furieusement à la mode en France au début des années 1900 ... donc ... il a été très démodé ensuite pendant longtemps ! On le redécouvre et ses prix flambent de nouveau !! merci de votre visite eimelle
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