samedi 8 mars 2008

ENQUETE OU QUETE ?

Les meilleures grèves étant celles qui ne s’enlisent pas, me revoilà sur le Petit Re, armée d’une dose presqu’inépuisable d’inspiration minimaliste, prête à inventer des news tous azimuts, à partir de riens impalpables.
Je devrais vous parler aujourd'hui de la journée Portes Ouvertes au lycée de Pons, et de la joie que j'ai eu de rencontrer certains de mes anciens étudiants, venus fort gentiment témoigner de leur évolution professionnelle, et aider les plus jeunes à se tailler une vocation, ce qui, par les temps de bofisme actuel, n'est pas une sinécure. Mais je vous ai déjà si souvent bassinées avec ces satisfécits un peu larmoyants que je crains de vous lasser. Alors plutôt que de vous parler de la quête ardue d'une vocation, des enquêtes menées auprès des anciens, et autres redites peu émoustillantes, place à l'INSERM.
Il y a quelque temps Hélène était plongée dans la lecture ardue mais ô combien édifiante de l’Homme Moyen de Quetelet et je tentais de vous renseigner sur ce précurseur éclairé de la statistique. Un humoriste anglais aurait dit de lui (c’est Michel qui a trouvé cela) qu’à suivre ses préceptes « l’homme moyen a donc, en toute bonne logique, un sein et un testicule ». Je pensais à cette boutade en écoutant l’autre matin sur France Info que la sexualité évolue de façon étonnante dans notre doux pays, et que 3% des individus disent y pratiquer régulièrement l’échangisme. Autant dire, si je suis bien … que lorsque vous croisez 100 personnes, 3 sont échangistes. A 7h30 du matin, dans ma voiture presqu’aussi embrumée que mon esprit, j’avoue avoir été réconfortée par la logique rassurante des chiffres avancés : car comment se livrer à de telles pratiques seul ou à 2 ? Toujours logique la statistique qui vous assène ensuite que la fréquence de l’activité sexuelle moyenne mensuelle s’élève à 9 rapports par mois, et ce, souriez braves gens, de façon identique chez les deux sexes. Ouf, nous voilà soulagés, ils le font ensemble donc, même si l’on constate par ailleurs des évolutions frappantes en termes d’homosexualité, l’heure n’est pas à la prise de tête !! Si vous ajoutez à cela que cette fréquence est en hausse chez les femmes de plus de 50 ans, vous comprendrez pourquoi j’étais si attentive, car cette perspective avait quelque chose d’affriolant, qui m’a ragaillardie sur la route du lycée. Même si l’enquête croit bon de préciser qu’elle est restée stable chez les hommes du même âge, j’avoue que je n’ai pas trop cherché à approfondir. Savoir qu’elle baisse chez les hommes à partir de 20 ans m’a par contre laissée de marbre !
Je raille, et sombre, je l’avoue, dans la boutade facile. Mais à être abreuvé ainsi le matin quand on part bêtement travailler, de balivernes fondamentales qui nous permettent de nous situer dans l’ombre rassurante de l’homme moyen, revu et corrigé à la hausse (car les études s’attachent aussi à juger de l’évolution des pratiques), on finit par se sentir bousculé dans son pré carré d’intimité. On a en la matière un besoin particulièrement fort d’être unique et il n’y a rien d’agréable à retrouver au matin ses vibrations du soir mises en équations statisticiennes. Que sont nos rêves devenus, et que la passion pâlit à la lueur des écarts-types.
D’autant que l’enquête de l’Inserm avait décidemment émoustillé la gent des chroniqueurs, et sur la route du retour ma radio a remis ça. Pour nous dire que les hommes jeunes préfèrent de plus en plus s’abstenir plutôt que de se compliquer la vie avec des partenaires occasionnelles. Et le commentateur d’approuver, en remarquant que le sort fait aux hommes par les nouvelles mœurs amoureuses est fort contraignant. On attend trop d’eux et finalement n’ayant plus envie d’être « jaugés jugés notés » sur leurs compétences à procurer du plaisir, ils choisissent l’abstinence plutôt que des aventures d’un soir dévalorisantes. J’avoue que certaines conversations de « jeunes filles » glanées en traversant un couloir au lycée ou durant une pause entre deux cours, ont quelque chose qui fait froid dans le dos. La façon que ces demoiselles ont d’évaluer les performances de leur dernière conquête est proprement stupéfiante, dans des termes que les machos les plus misogynes de l’époque révolue des années d’avant 68 n’auraient jamais osé exprimer, même à cent lieues de toute présence féminine. Les pauvres garçons sont réduits à des évaluations strictement mécaniques, condamnés en moins de deux pour incapacité à les satisfaire leurs exigences, et si elles ne les ont pas encore « pratiqués », ils sont estimés et soupesés selon des critères plus proches d’un comparatif de vibromasseurs que d’une réelle quête amoureuse. Rien d’étonnant alors qu’ils choisissent les beuveries entre mecs et la pratique de la pêche à la ligne.

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