samedi 31 mai 2008

MON MAI 68


Ouf, sauvée par le gong !! On est le 31 mai, et la commémoration de "mai 68" est encore possible !
Contrairement à Michel, valeureux parisien ayant fréquenté (de loin, certes, et avec retenue) les barricades et autres AG, je n'ai pas grand chose à raconter. J'étais alors une petite gamine sage (13 ans et demi), bien protégée des bruits du monde, pensionnaire dans un couvent de bonnes sœurs. Alors quand Michel, passant sur le boulevard Saint Michel, me parle de ses copains qui s'y sont fait tabasser et embarquer sans raison par les flics alors qu'ils étaient simplement en train de se balader, et comment il échappa à la bastonnade en s'asseyant à la table de consommateurs d'un café, ou quand il exhume les tracts et autres affichettes des facultés parisiennes, je ne me sens vraiment à côté de l'Histoire !
Toute cette agitation nous paraissait lointaine et exotique, et mes faits d'arme sont inexistants.
En mai 1968, papa était parti passer un mois à Houston, pour raisons professionnelles, et nous avons tous vécu dans un état de semi incertitude étonnant. Maman a prétexté avoir besoin de se tenir au courant des événements du vaste monde pour acheter la télévision, initiative qui gâcha définitivement les soirées de mes parents jusqu'à leur mort. Quant à papa, aucune lettre ne lui parvenant, il se morfondait de désespoir, et avait cessé de manger, ce qui, connaissant sa gourmandise et son appétit, est resté gravé dans les annales familiales. A la fin de son séjour, tous les avions étant en grève, et n'en pouvant plus de solitude, il est rentré par Lisbonne, et j'ai un souvenir particulièrement net de son arrivée dans la cour, s'extirpant d'une 4 chevaux antique et poussiéreuse, illuminé de joie en revoyant sa femme et lui promettant de l'emmener voir le Portugal au printemps dès que toute cette "chienlit" serait calmée.
Pendant ce temps là, à Marseille, mon frère se marrait comme un fou parce que grand-mère avait fait un stock de bougies, de savons, de spaghettis et de riz... mais ce fut elle qui eut le dernier mot quand il alla, tout penaud lui demander une bouteille d'huile, étant dans l'impossibilité d'assaisonner sa salade !
Mais le plus savoureux fut la petit révolution en jupons que nous improvisâmes dans mon pensionnat, à l'occasion d'un cours d'allemand. Nous avions une jeune prof timide et pas très douée, et un beau jour, lassée des déclinaisons ou tentées par l'air du temps, nous l'accueillîmes toutes debout, figées à côté de nos bureaux... quand elle nous intima l'ordre de nous asseoir, nous claquâmes avec un bel ensemble les couvercles de nos pupitres. La jeune enseignante affolée, perdit contenance, fondit en larmes et se précipita chez la Mère Supérieure qui revint, l'air mi-figue mi-raisin nous chapitrer, et nous infligea une modeste réprimande. Nous avions l'impression d'avoir été d'une audace prodigieuse, mais pour moi, le plus dur restait à venir. Papa, rentré sans doute de sa lointaine virée, fut informé de mes égarements (à l'époque la notion de responsabilité solidaire était absolue !) et décréta que je devais présenter des excuses, tant à la Supérieure qu'à ma malheureuse professeure. J'eus beau lui faire valoir que personne n'avait eu pareille idée autour de moi, qu'aucune de mes camarades n'avait dû se livrer à une telle démarche, il affirma que ce n'était pas la loi du nombre qui primait et qu'il fallait réparer ses bêtises. Les faire, passe, mais il fallait en assumer les conséquences. Je conserve de cette équipée un souvenir cuisant, mais terriblement utile : je crois que c'est ce jour-là que j'ai compris que, reconnaître ses torts et faire l'effort de s'excuser était finalement très bénéfique, voire libérateur. On a eu la Mai 68 qu'on peut, pas vrai !!



4 commentaires:

  1. Hello
    pour moi J'avais 37 ans et le seul et très mauvais souvenir qu'il me reste est que j'ai perdu 95% de mon Chiffre d'affaire: les clients avaient disparus!

    BZ tonton du commerce

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  2. Ils achetaient des bougies et du savon !!! et plus de fringues (qu'on n'appelait pas encore comme ça!), tonton tailleur !

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  3. Quoi tu étais en cours d'allemand ? Tu connais les horribles déclinaisons ?!!
    Mais toi avec du recul en tant que parent comment aurais-tu réagit ? Aurais-tu demandé à tes filles de présenter leurs excuses ?;-)

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  4. Ben oui, j'ai "fait" allemand... à l'époque ce n'était pas par besoin d'élitisme, en Gironde prendre allemand avait quelque chose de tellement improbable que cela n'avait pas pour but comme aujourd'hui de regrouper les meilleurs. C'était par romantisme, la langue de Goethe !! Je te jure quelle idée saugrenue... C'était surtout hyper dur ! et pas valorisant du tout !
    Bien sûr que j'aurais fait comme mon père ! J'ai même fait comme lui je crois, et mes filles feront pareil ! C'est le dur métier de parents, où on se doit de faire passer des valeurs, c'est hyper chiant mais c'est comme ça. Je peux te dire qu'après, quand on a fini ce rôle, on est beaucoup mieux dans ses baskets, parce que c'est pas drôle de devoir tenir un discours moralisateur.

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