samedi 12 juillet 2008

CHEZ LES BELGES

Un des lieux que nous affectionnons particulièrement en Avignon est le théâtre des Doms... le règne de la bonne bière, de la belgitude et du spectacle de qualité. Pourtant quand Michel a annoncé son intention d'aller voir
Deux marginaux très en verve, l'un canin et l'autre humain (quoique…), philosophent avec férocité au sujet de notre société sans se priver d'une tendresse clownesque ! "C'est l'histoire d'un type… Ou plutôt de deux types. Ou plus exactement d'un type et d'un chien. Ou plus exactement encore de deux grandes gueules avec deux gros cous. De deux grosses têtes à claques: une qui a plutôt tendance à en donner et une autre qui a plutôt tendance à en prendre, juste répartition des tâches, des us et des coutumes depuis que le mo nde est monde. (…)" (Philippe Sireuil).

j'avoue avoir froncé le nez ! Je n'aime guère le comique, et l'affiche était par trop craignos. Si le thème semblait jouable, le risque qu'il soit traité avec lourdeur ou inélégance était réel. Une réussite absolue, un duo parfait, totalement hilarant, un propos riche et pourtant drôle, une histoire émouvante et des acteurs au top. Qui n'en font ni trop ni pas assez. C'est vraiment, encore un, un spectacle à voir et à faire connaître. Et pour faire passer l'impression un peu bof de la photo du programme, l'affiche géniale du spectacle !


Les Doms c'est aussi un endroit très accueillant avec sa fontaine et son jardin aux multiples arômes. Nous y avons donc déjeuné avec Hélène qui allait ensuite chercher Stéphane à la gare.

Notre deuxième choix du jour était :
Chili, 1969. La chance a souri à Mario en faisant de lui le facteur d'Isla Negra où vit Pablo Neruda. Rien de commun entre l'adolescent fils de pêcheur et le grand poète si ce n'est un goût vite partagé pour la métaphore. Leur amitié transformera la vie du jeune homme.
La parenthèse poétique se fermera en 1973...
"...un spectacle mêlant allègrement l'intime et le général, plein de chaleur humaine, parfois très drôle et que traverse une vraie émotion... un quatuor d'acteurs formidables... un concentré de bonheur théâtral."(La Provence)

Sans être un grand chef d'œuvre, et quoiqu'un peu naïve, la pièce est sympathique et assez bien jouée. Il y a encore quelques imprécisions de mise en scène et des maladresses, mais le spectacle se rôde et d'ici quelques jours cela devrait être une alternative assez honorable pour cette heure creuse de l'après-midi qui ne regorge pas de chefs-d'œuvre. Car à Avignon, par un fait toujours très étonnant, les bonnes pièces se concentrent entre 11 et 14 heures... Puis c'est un peu le désert jusqu'au soir.
Aujourd'hui c'était une excellente initiative que de rentrer faire un tour à l'hôtel après le Facteur. A peine étions-nous arrivés qu'un orage d'une violence inouïe s'abattit sur la ville, la vidant en un temps record de sa foule bigarrée. L'eau se déversait en rafales tourbillonnantes, dévalait les escaliers, lessivait les places, et les gens couraient en tous sens, trempés, glissant et pataugeant à qui mieux mieux. Cela nous permit de nous équiper en marins, cirés et bonnes chaussures, pour aller voir notre spectacle suivant :
« La double inconstance » raconte l’histoire d’un rapt et d’une extraordinaire manipulation qui ont pour but de « détruire l’amour de Sylvia pour Arlequin… » « La double inconstance est une pièce terrible » dit le Comte dans « La répétition » de Jean Anouilh « c’est proprement l’histoire élégante et gracieuse d’un crime… »
Cependant, il ne s’agit pas de la présenter comme une tragédie, mais bien telle qu’elle est écrite : une comédie de mœurs dont Marivaux avait le secret: jeu de séduction, de pouvoir, travestissement des corps et des coeurs...

Un petit joyau de jubilation classique... Drôle, enlevé, mis en scène avec beaucoup de netteté et de bon sens, l'ensemble était vraiment une jolie comédie, toute fraîche au milieu d'une ville qui cherche à frapper, à surprendre avec des inventions plus ou moins glauques, alors que le bonheur est parfois simplement au bout du couloir ! Grâce à une troupe de Montpellier, des cateurs de talents (seul un petit rôle peinait un peu à suivre la cadence), nous avons passé un excellent moment, dans un rythme soutenu et très respectueux du texte de Marivaux. On déguste en outre à l'Etincelle un jus de fruits (fraise, banane, mangue etc...) aux épices (cannelle, gingembre, vanille etc) dont je vous recommande l'idée ! Facile à réaliser et très original.
Nous avions ce soir le temps de manger avant le dernier spectacle et le Péché de la Gourmandise était sur notre chemin. Un accueil très professionnel, sympathique et efficace, ses sushis d'une grande finesse et des makis originaux, une tarte au citron meringuée toute douce, l'adresse est excellente. Accueillis avec attention et précision, on nous demanda à quelle heure et où était notre prochain spectacle afin de concevoir le repas en fonction du temps disponible. Un petit vin frais du Tricastin pour accompagner notre repas nippon, et la halte fut parfaite.
Prêts pour affronter de nouveau une pluie drue et froide et aller à l'Adresse pour notre dernier spectacle, le Lagarce de service :
La fille et les deux boys encore une fois jouent. Un numéro, ils appelaient ça.
Ou ce qu’il en reste après des années de route en avion, en bateau, en train, en voiture ou à pied… Parce que le plus souvent à pied, disons les choses comme elles sont.
Avec humour et tendresse, Jean-Luc Lagarce parlent de nous tous, artistes de la scène et/ou du quotidien face aux « goguenards des villes anciennes ».
Parce qu’il s’agit de durer, malgré tout… De faire son numéro.
« Une mise en scène subtile, jouant des espaces scène-coulisses, sur laquelle flottent l’usure du rêve et l’amour du spectacle vaille que vaille » Midi Libre

L'Adresse est une nouvelle salle, juste de l'autre côté du boulevard ce qui lui vaut un joli jardin dont il n'était guère question de profiter ce soir... L'accueil était un peu agité car les pluies avaient provoqué une forte inondation dans la salle, car si les propriétaires des salles louées à prix d'or (entre 4000 et 11000 euros par spectacle de 2h, faites le calcul, la saison festivalière est rentable pour les possesseurs de garage !) savent multiplier les scènes dans la ville, ils n'équipent pas toujours les lieux de façon correcte et là, on avait carrément oublié l'étanchéité ! Nous avons attendu un bon moment pendant que les techniciens essayaient de relancer les circuits électriques, et d'ailleurs, durant le spectacle, ils eurent quelques soucis de projecteurs. Deux spectateurs du précédent spectacle avec qui nous avions lié la conversation (ils avaient eux aussi des cirés et nous nous sommes reconnus entre gens de l'Atlantique !) ont renoncé à reprendre leurs vélos à cause de l'averse qui continuaient et ont décidé de voir le Lagarce eux aussi.
Un paradoxe hallucinant cette pièce... Comment applaudir des acteurs qui viennent, avec un réel talent car ils jouaient bien, même si la voix aigrelette de la femme m'a porté sur les nerfs, qui viennent donc, avec la langue tronquée et répétitive de Lagarce, de vous dire pendant plus d'une heure que ce sont des artistes ratés, des minables et des sans joie. Sinistre Lagarce, son style, original au début tourne ici à la manie. Et l'étalage d'une telle médiocrité, à 11 heures du soir sur des bancs dignes des début d'Avignon, avec une soufflerie tonitruante alors que le "texte" était chuchoté, est une véritable épreuve pour le spectateur moyen. Les acteurs sont méritants et un peu kamikazes d'avoir choisi cette pièce !
Quant à moi, cela m'a valu la traditionnelle déclaration péremptoire de Michel, selon laquelle tout part en quenouille, le talent est mort et la vie culturelle sub-claquante ! J'exagère, bien sûr, il dit cela avec plus de subtilité, mais cette propension au catastrophisme a un peu gâché la fin d'une journée que j'ai trouvée, quant à moi, excellente, malgré le patibulaire Lagarce ! C'est promis, nous n'irons plus voir de Lagarce...

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