Aujourd’hui Mustapha était chargé de nous indiquer le chemin jusqu’à la place, puis de nous accompagner vers la Médersa Ben Youssef, mais nous avons fait les malins et lui avons dit à mi-chemin que nous allions très certainement nous débrouiller comme des grands. Nous sommes forcément égarés, et je me suis copieusement engueulée avec un natif qui voulait à tout crin nous conduire et a fini par me traiter de raciste parce que je refusais aussi obstinément de le suivre, ce qui m’a fait décider in petto que le raciste c’était lui. Mais d’impasse en boucles et retours arrière, nous avons fini par nous orienter à peu près assez pour atteindre notre but, le quartier Ben Youssef. Après la visite du centre d’art contemporain suisse, nous avons longuement visité la Medersa, le musée de Marrakech surtout agréable pour son agencement invitant à la détente et la Kouba. Retour ensuite vers la place Jemaa el F’na pour faire le tour de la palmeraie en bus à impériale. Si le moyen est typiquement touristique, comment faire autrement d’ailleurs, il a le mérite d’être commode et d’offrir une vision de la ville satisfaisante. Une fois passé le no man’s land des alentours de la médina, où grouillent encore saleté et pauvretés aveuglantes, on se retrouve dans la ville moderne, plutôt prospère, très peuplée, très agitée, où les gaz d’échappement prennent à la gorge et où la circulation est une vraie fourmilière. La bimbo prend le relais de la femme voilée et l’automobile remplace les pétrolettes. Des hôtels partout, et d’autres hôtels en construction de toutes parts, rien de très exotique en tout ça, si ce n’est une impression de banlieue surpeuplée. La palmeraie nous a déçus, certains lieux étaient recouverts d’immondices, les hôtels-club, tels des forteresses bien gardées, formant des tâches de richesse ostentatoire. Quelques chameaux broutant ça et là sous des arbres étiques semblaient plantés dans le décor pour donner le change aux touristes en leur offrant un simili dépaysement. Les autorités locales évoquent pour justifier le dépérissement des arbres une mystérieuse maladie des palmiers, mais il est à craindre que ceux-ci ne soient plus simplement en train de périr par manque d’eau, tant la consommation se trouve augmentée de façon exponentielle par le développement d’un tourisme exigeant et gourmand, qui multiplie les golfs à 27 trous comme chez nous les massifs de tulipes. Non seulement la ville est passée en 10 ans de 700 000 à près d’un million d’habitants, mais les hôtels poussent comme des champignons, et leurs jardins verdoyants sont des havres somptueux mais ruineux en eau. Ce développement insensé du tourisme, dont les marrakchis sont très fiers (on leur promet 10 millions de touristes par an à l’horizon 2112), s’accompagne d’une inquiétante décontraction environnementale. Et s’il nous est facile, nous qui en consommons à toutes les sauces, d’évoquer le développement durable, l’ignorer à ce point angoisse véritablement pour l’avenir du lieu. L’impériale c’est agréable car on a une vue dégagée et on est au-dessus des vapeurs d’essence, mais c’est en plein vent, et nous avons fini le trajet complètement frigorifiés car la température baisse vite dès que le soleil s’estompe. Donc après un thé brûlant nous avons décidé de prendre un taxi pour rentrer plus vite. Non seulement il était déjà occupé, ce qui en soit n’a rien que de très normal, mais il n’avait pas de compteur. L’évocation d’un tel instrument a fait se gondoler le rire notre chauffeur, qui nous a déclaré qu’il était dans le coffre. Passe, on discute le prix de la course, brève, à 20 dirhams, ce qui était très généreux pour les usages locaux et a rendu le chauffeur ravi encore plus rigolard. Mais arrivé à mi-chemin, sur la place où il venait de déposer l’autre voyageur, il décida unilatéralement que le prix était passé à 50 dirhams. Après une discussion qui aurait pu durer jusqu’à la nuit, nous avons jeté l’éponge, il commençait à devenir carrément désagréable, et nous sommes rentrés à pieds, l’aventure nous ayant réchauffés. Ce soir c’est Michel qui a fait la découverte du savon noir et du massage à la marocaine, massage auquel j’ai assisté pour apprentissage des techniques locales ! Il n’en a pas retiré autant de plaisir que lors du massage que tu lui avais offert Marie à l’hôtel Saint Anne, dont il parle avec un lyrisme toujours intact ! Quant à moi, je dois avouer que le rythme soutenu et musclé du masseur n’est pas vraiment dans mes cordes, et que je n’ai pas appris grand chose !
Au dîner nous avons découvert la tanjia, spécialité marrakchia, viande de mouton cuite longuement au four dans une poterie fermée, qui fond dans la bouche en laissant au palais des parfums légers mais persistants. Beaucoup plus digeste en ce qui me concerne que la kefta aux œufs d’hier. Eliette avait fait venir trois musiciens glaoua dont les mélopées lancinantes rappelaient plus des rythmes africains que de la musique orientale, il semble que leurs chants aient été des chants d’esclaves.
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