jeudi 30 octobre 2008

AUMONES

Temps splendide mais encore bien frais ce matin, les autres hôtes du riad sont partis pour Essaouira. Ils en sont revenus un peu flappis car cela fait près de 7 heures de voiture aller-retour, et pas vraiment enthousiastes, car cette petite station semble jolie, sans plus, et terriblement touristique. Nous avions quant à nous envie de profiter du soleil à Marrakech, et une déambulation relativement calme nous a enfin permis de prendre quelques photos, à condition de braquer sans cesse l’objectif sur le ciel !

Nous sommes ensuite allés jusqu’à la Ménara, qui nous a énormément déçus. Le grand bassin d’eau brunâtre s’étale sans grâce au bout d’une poussiéreuse allée d’oliviers et si une telle accumulation d’eau dans un pays aride est forcément fascinante, nous en avons parcouru le tour sans éprouver de véritable émotion esthétique.

L’attrait essentiel de cette étendue sombre semble être de vieilles carpes gourmandes et l’horizon bouché ne révélait aucun lointain magique, l’Atlas étant obstinément dans la brume aujourd’hui.

Revenus vers le centre, nous avons décidé d’aller déjeuner au Cosy Bar, halte vraiment agréable sur la place bien aménagée des ferblantiers. La terrasse équipée de banquettes spacieuses et confortables offre une vue superbe sur l’enceinte du palais el Badi et ses nids de cigognes claquant du bec avec fureur. Ombragée par un eucalyptus splendide traité comme un vrai monument historique, elle s’orne beaux bronzes animaliers et des peintures contemporaines de belle qualité qui assurent un décor raffiné. Le service est sympathique et attentif, et même si la musique fait un peu penser à radio nostalgie, elle a un côté désuet assez attendrissant ! Le contenu de l’assiette est léger, mais nous avions choisi de ne consommer que des entrées et un dessert, car on passe ici son temps à manger !

La visite du palais el Badi, construit à grand frais par El Mansour et détruit de façon systématique et obstinée un siècle plus tard, m’a accrochée. Le côté absurde de l’opération et ces hauts murs ruinés qui révèlent un faste voué à la revanche et à la démolition ont un charme réel. La vue sur Marrakech est belle depuis les terrasses, et la lumière déjà déclinante était superbe. Nous avons ensuite visité les tombeaux saadiens, nécropole bien conservée qui offre quelques exemples assez somptueux de mausolées royaux. Toujours les fastes d’El Mansour.

Comme il était trop tard pour aller aux jardins de Majorelle, nous sommes toujours d’incorrigibles cagouilles, nous avons eu envie de revoir le Palais de la Bahia au soleil couchant, ce qui était tout de même plus attrayant que l’autre jour.

Retour par la place Jemaa el F’na, métamorphosée pour la soirée. Des bancs de bouffe s’étaient installés comme par magie, et les charmeurs de serpents avaient disparus. Partout des cuisines à l’air libre, certaines minuscules avec quatre bancs en carré entourant un réchaud et son cuisiner pour un plat unique, coquillages chez l’un, saucisses chez l’autre, tagines ailleurs, têtes de mouton entassées, brochettes… Ailleurs c’étaient carrément des banquettes de cantine, alignées comme à la parade avec au centre de ces restaurants improvisés une batterie de marmitons et, d’après les rabatteurs, une carte variée. Autour de ce gigantesque assortiment de bouffe et de fumée, des tireuses de cartes, des musiciens, des apothicaires mélangeant avec force commentaires et sur un décor d’œufs d’autruche ou de plumes diverses, des herbes forcément bienfaisantes. Quelques arracheurs de dents armés d’un simple davier devant un plateau de ratiches exposées comme un trophée à faire pâlir d’envie mon Ali Baba qui se lamentait de n’en avoir pas extrait autant durant toute sa carrière… Un choix de dentiers complétait le tableau, attendant manifestement qu’on les essaye pour trouver le plus adapté ! Je pense que leur fond de commerce est plus dans la photo rétribuée que dans l’œuvre sanitaire, car Marrakech regorge d’officines dentaires toute ce qu’il y a de plus classiques ! Mais il faut bien entretenir le touriste dans l’idée que l’exotisme existe encore et lui offrir ce qu’il est censé attendre.

Ce soir sortie au restaurant El Yacout, réputé pour avoir accueilli toutes les têtes célèbres ou couronnées, fusse par décision démocratique, et qui avait pour nous le mérite d’être situé à 2 pas du riad, parfait pour retrouver son chemin le soir après boire ! Son portier était le factotum d’Hassan II et la direction s’est offert le luxe de racheter et de démolir un riad, simplement pour pouvoir offrir à ses clients le confort d’un parking en pleine médina, place qui sert de terrain de foot aux gamins du quartier pendant la journée, et de base arrière au riad Ben Jenna ! On est pris en charge dès l’entrée par une escouade d’hommes en djellaba blanche qui vous conduisent sur la terrasse pour jouir d’une superbe vue sur la ville illuminée. La place Jemaa el F’na se distingue par le panache de fumée qui s’en échappe, indice des agapes grillées qui s’y déroulent à la nuit tombée. Ensuite c’est l’apéritif dans les salons au coin d’un feu de bois (avec des amandes Balsen et des raisins un peu secs), avant de passer dans une des deux salles à manger qui se déploient de chaque côté du patio principal. Le service est parfait, mené de main de maître par un serveur à la dextérité surprenante et fier de sa technique. Dans une alcôve deux musiciens glaouas égrènent en sourdine leurs complaintes qui retracent, semble-t-il, les épopées hasardeuses de leurs héros berbères. Quant au menu, il est carrément excessif, genre festin ou repas de noce, chaque plat étant soigneusement prévu pour 4 personnes repart à moitié plein, et au fur et à mesure que la soirée avance de plus en plus plein. Eliette nous dira ensuite que le restaurant nourrit abondamment et régulièrement tous les pauvres et moins pauvres du quartier, ne se contentant pas de participer au traditionnel couscous du vendredi, mais leur offrant chaque jour d’abondons et savoureux restes. Certes l’adresse est prestigieuse, le cadre raffiné et le repas abondant et délicieux, mais honnêtement nous n’avions pas besoin de telles agapes car notre cuisinière est parfaite, elle nous régale chaque soir de mets bien aussi fins et ces excès alimentaires ont eu pour principal mérite de nous faire encore plus apprécier notre riad !


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