mercredi 29 avril 2009

50 MINUTES

Non, ce n’est pas le temps que nous y avons passé qui justifie cet article. Après tout, aller à la poste à Meschers relève, surtout en plein été, d’un tour de force encore plus long. Simplement ce matin, nous voulions, cartes postales obligent, des timbres. Encore que !!! Cartes postales, c’est un bien grand mot. Étant donné que nous n’avons pas vu de site particulièrement notoires, nous ne nous étions guère préoccupé de cette tradition touristique à laquelle il faut bien sacrifier pour entretenir l’amitié. La fin du voyage arrivant, nous pensions en prendre hier à Enna. Le balcon de la Sicile, tout de même, avec son château et sa vue grandiose, cela devait mériter quelques photos susceptibles de faire rêver les amis. Las, à Enna, la seule chose que j’aie trouvée c’étaient des cartoline en noir et blanc, d’une bonne cinquantaine d’années, tellement couvertes de poussière que j’en avais les mains noires en les examinant. J’étais prête à les épousseter avant de les écrire, trouvant que cela avait au moins le mérite de l’originalité, mais elles étaient, de surcroît toutes aussi laides les unes que les autres, et le municipio construit sous Musssolini n’avait, même en noir et blanc, strictement aucun intérêt. Bref, de cartes, nous n’avions point, mais prudents, nous avons décidé d’acheter les timbres. Le tabac consulté me rappela qu’en Italie les buralistes ne s’encombrent pas de ce type de marchandises, et me conseilla d’aller à la poste, proche d’environ 500m. Pas de problème. Dans l’immense bureau de poste, 6 ou 7 guichets actifs, une bonne cinquantaine de personnes qui attendaient en se faisant des bises ou en papotant, assis, debout, dans un joyeux désordre organisé. Très organisé même puisqu’en observant mieux, il nous apparut que tous avaient des numéros d’ordre. Des panneaux lumineux indiquaient, en sonnant chaque fois, les numéros disponibles selon les guichets. L’appareil qui distribuait le précieux sésame, comportait un nombre impressionnant de boutons, indiquant toutes les opérations susceptibles d’être réalisées dans cette agence postale. Retraits d’argent, mandats, dépôts, placements, retraits de lettres recommandées ou non, expéditions de paquets… tout sauf « francobolli ». Renseignements pris auprès d’un natif, ce dernier nous répondit « n’importe quel guichet fera l’affaire ». Bon… essayons le C. Le numéro délivré, le 103, nous fera attendre que 14 personnes passent devant nous. Car le panneau affiche C89. On prend son mal en patience, on regarde mieux, et finalement, en observant attentivement, il semble que certains guichets, dont le C, ne font que des opérations bancaires. Qu’à cela ne tienne, on va essayer le bouton qui envoie vers l’expédition de colis. Qui peut le plus, peut le moins et, logiquement, si on peut y déposer des paquets, on doit y trouver des timbres. C’est un guichet double, intitulé P, et les deux employés se mélangent gentiment les pinceaux dans l’utilisation du système lumineux. Heureusement les clients veillent et rétablissent d’eux-mêmes l’ordre de passage, en proclamant à haute voix le numéro du suivant.
Notre tour arrive assez vite, mais c’est là que les choses se gâtent. L’employé fort aimable, tous les siciliens sont absolument adorables, serviables et gentils, nous annonce que les timbres valent 60 centimes pièce mais… qu’il n’en a pas. Pardon? non non, pas de timbres. Mais alors où en trouver ? Sincèrement désolé, il dit qu’il va voir, et revient en nous demandant si les "cartoline … acqua ???" Pardon ? Traumatisés par l’histoire de nos cartes du Maroc arrivées à destination 5 mois après, timbre décollé et manifestement après un séjour dans l’eau, nous avons tous les deux compris «… acqua ». Une cliente serviable essaie de nous traduite en anglais, quand tout d’un coup c’est l’illumination. Il veut savoir si on les « ha qua », si nous les avons là, avec nous, pour les oblitérer. Ben non, mon bon monsieur, les cartoline on ne les a pas encore trouvées (et croyez-moi, on aura beaucoup de mal à en dégoter une, et une seule, correcte ! d’ailleurs tout le monde aura la même). Donc il retourne dans ses arrières et revient, nous disant d’attendre, les timbres arrivent. Bon, on se pousse, laissant la place aux autres clients, nullement impatientés d’ailleurs. Le temps passe, des gens rentrent et sortent mais de timbres, point. Nous prenons l’air indifférent de ceux qui savent que tout va aller bien, pas du tout inquiets ou impatients. Dans la file, une jeune sicilienne s’agite, et, son tour arrivant, s’inquiète auprès de l’employé de savoir s’il nous fait attendre pour rien. Il la rassure, ça se prépare… et elle nous adresse un signe encourageant. Soudain le chef, manifestement gradé, costard cravate et l’air important, arrive, d'un pas ostensiblement nonchalant, porteur de deux planches de timbres gigantesques et superbes : un collier de Bulgari, pas moins, orne les vignettes. Il les remet à un des deux guichetiers, qui semble éberlué. Demande à l’autre le prix des timbres, s’emmêlent les doigts dans une tentative de nous en couper 20, et finit par appeler son collègue à l’aide. De toute évidence, il n’a guère l’habitude de débiter de tels papiers !

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