MENSONGES

Elles étaient catastrophées mes deux membres de jury d'oral, il les avaient bien eues. Il n'avait rien fait de l'année et les travaux qu'il présentait n'étaient même pas conformes. Mais balafré par un récent incident de voiture, il a joué à fond la carte de l'attendrissement : il a transformé l'incident en accident grave, a rajouté quelques tonneaux, une chute dans un fossé et une immobilisation de deux mois, une course effrénée aux documents pour récupérer son retard scolaire, une bonne volonté sans faille et de toute évidence, une malchance peu commune. Pleines de compassion et prêtes à toutes les indulgences, elles ont bien sûr trouvé que sa prestation manquait de fond, qu'il confondait tout et faisait preuve d'imprécisions inquiétantes. Mais elles ont mis cela sur le compte de sa trop récente mésaventure, d'autant qu'il a insisté sur son mérite d'être venu quand même.

Renseignements pris, il n'avait aucun document pour cause d'absentéisme répété tout au long de l'année, ne savait rien pour manque de travail et de participation aux travaux à présenter, et s'il a effectivement eu un petit problème avec son arcade sourcilière, l'affaire n'avait duré que quelques jours et son numéro ressemblait plus à une entourloupe qu'à une véritable raison. Il est à craindre que, la supercherie découverte, cela ne lui rapporte pas autant que prévu, et que le jury, mécontent d'avoir été berné, se raidisse dans sa notation.

Très dur d'être jury... parfois certains vous inventent des vies de toutes pièces, j'ai eu ainsi le cas pour un candidat à la VAE (validation des acquis de l'expérience), qui à vue de nez se prétendait plus ou moins prof de fac pour décrocher un BTS. Vous avez une heure pour juger, enfin pour détecter l'anormalité de certaines déclarations, pour poser quelques questions à recoupement et pour vous faire une opinion, avec le risque de vous tromper, dans un sens comme dans l'autre...

C'est pas beau c'que tu fais
Tu sais qu'à chaque nouveau mensonge
T'as l'nez qui s'allonge

Dixit Plastic Bertand... le mensonge est bien porté pourtant, il semble qu'un nombre incalculable de CV soient authentiquement faux, trafiqués jusqu'à la moelle, de l'enjolivation à l'invention totale, avec fourniture de faux documents pour preuves des faits avancés. Tant et si bien que les recruteurs qui ne savent plus à quel saint se vouer (sainte Rita ne sert à rien dans ces cas-là !) finissent par adopter un comportement méfiant, voire inquisiteur, des plus désagréables lors des procédures d'embauche. Certains se livrent même à des enquêtes que le bon sens et la déontologie réprouvent, mais peut-on leur en vouloir ? Car quoi de plus difficile à gérer que le mensonge ?

Et qu'on ne vienne pas me chercher noise parce que j'aurais chanté "Hou le menteur"... je sais que c'est une injure publique et qu'on se retrouve convoqué par la maréchaussée pour le fredonner un peu à tort et à travers. Une affaire qui, au total, aura coûté fort cher à notre pauvre justice bien mal empatouillée dans la gestions d'affaires bien plus graves mais qui, ici, s'est montrée d'une efficacité exemplaire : réception d'une plainte, enquête préliminaire, réquisition judiciaire, convocation au commissariat de police de Dax de la "délinquante", annulation de la convocation mais pas retrait de la plainte.

Si traiter un "homme politique" de menteur est passible de sanctions exemplaires, car c'est une grave insulte, qu'en est-il de raconter des mensonges et de manquer totalement de respect aux gens qui vous écoutent ? Ne nous inquiétez cependant pas pour ce jeune homme : les membres du jury sont menacées de tels embêtement s'ils leur venait l'idée de vouloir sanctionner par un zéro ce manquement à la plus élémentaire honnêteté, qu'elles éviteront soigneusement de faire des vagues dont elles seraient les plus sûres victimes. Enquête, contre-enquête, justifications, rapports, convocations etc... et là, la presse ne les aidera pas à affronter les remous de leur juste révolte.