lundi 15 juin 2009

SANS COURONNE

- "Je me sens bizarre, un peu nauséeuse..."
- "Fatiguée peut-être ?"
C'est l'entracte, nous venons de passer une heure vingt au 3ème rang du premier balcon du Grand Théâtre, et il fait encore grand jour sur le perron face au grand hôtel de Bordeaux. La foule s'éparpille au soleil ou sirote du Sauternes en devisant calmement. Une troupe de gamins, encadrés par un dominicain débonnaire, mange des hamburgers sur les marches du péristyle. Le tram passe silencieusement, évitant les touristes béats qui mitraillent cet ensemble hétéroclite.
- "Ben pas vraiment... pour dire le vrai, je me suis endormie"
- "Aïe... moi aussi en fait... oh juste un peu"
- "J'ai pas vraiment ronflé, mais j'avais un mal fou à tenir"... bâillement déchirant... "Tu te rends compte, va falloir tenir encore plus de 2 heures... Regarde, "ils" n'ont pas l'air de s'ennuyer eux !"
- "Ce sont des mélomanes avertis, sans doute"
- "?? ... vi vi y en a beaucoup de mélomanes avertis ce soir !"
- "Ecoute, ça sonne... va falloir y retourner"
- "Tu crois... "
- "Ben, à vrai dire..."
A vrai dire, nous n'avons pas eu le courage d'y retourner. Un peu contrits tout de même et vaguement déçus...
- "Je te l'avais dit que c'est ch..."
Mais que voulez-vous, moi j'ai vu la mise en scène de Carsen, le Festival de Glendebourne, voire le Concerto Italiano... Alors j'ai pris des places en début de saison, la fleur au fusil, pour "le Couronnement de Poppée" de Monteverdi. Une pareille distribution, cela ne pouvait donner qu'un beau spectacle. Faut croire que nous ne sommes pas si mélomanes que cela, parce que qu'est-ce qu'on a pu s'ennuyer.
Pourtant, s'ennuyer à des concerts de musique baroque, on a l'habitude, on a donné beaucoup dans notre jeune temps, à Saintes et ailleurs. Parce que les récitatifs, sur fond de basse continue, on a supporté, souvent. Mais là, allez savoir, plus envie. Complexés et vaguement déconfits de cette soudaine lassitude, on a essayé de se trouver des justifications : on n'y voyait absolument rien, les chaises étaient atroces. Et puis les méandres de la cour de l’empereur Néron, les complots, les trahisons amoureuses, les intrigues et ambitions aveugles c'est assez sordide, même si c'était magnifiquement rendu par la mise en scène de Robert Carsen. Et puis les voix étaient justes, peu agiles et pas très à l'aise. Alors du coup, l'interprétation était lente et laborieuse.
Mais quand même on s'en voulait un peu. Penauds et barbouillés par cet abandon de poste, nous avons profité des derniers rayons du soleil sur le triangle d'or et avons décidé d'aller dîner quelque part. Trouver une table dans un restaurant un vendredi soir sur Bordeaux, cela tient du tour de passe passe, donc nous avons abouti dans un modeste pakitasnais, où, avec mon sens légendaire de la positivation systématique, j'ai décrété que nous avions fait un excellent repas.

2 commentaires:

  1. Ne pas aimer, c'est un droit aussi....
    Et puis... la cuisine pakistanaise, je trouve ça délicieux. Tu as bien raison d'avoir positivé ...!!!
    PS : le mot "contrôle" à taper pour moi est "queshicc" oui... Qué hic !" ;-)))

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  2. Oui, à part que s'ennuyer et dormir comme nous l'avons fait ce n'est pas "culturellement correct"... et c'est tant mieux ! ce qui m'a le plus épatée c'est que nous avions l'air d'être les seuls à nous raser... faut dire que le GTB(grand théâtre de Bordeaux) un vendredi soir c'est chicos !!

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