dimanche 26 juillet 2009

LOUP Y ES-TU ?


J'ai visité hier le Manoir de Maine Giraud, et j'ai voulu t'en faire une dédicace Fred. Malheureusement le poète qui vécut en ces lieux n'est pas Lamartine...
C'est l'Angélus qui tinte et rappelle en tout lieu
Que le matin des jours et le soir sont à Dieu.
... mais Vigny. Tu vas sans doute trouver le rapprochement osé, voire iconoclaste car autant le premier est brillant, porté par une ferveur religieuse parfois exaltée, autant Vigny est pessimiste sur la destinée humaine, et sombre.
Mais ces poètes ne furent sans doute pas ennemis, puisque Lamartine, premier romantique élu à l'Académie Française, vota fidèlement pour Vigny, qui, le malheureux, dût attendre 6 tours pour enfin y entrer enfin. Et puis, je dois bien faire avec les ressources locales, or ici c'était Vigny qui s'offre à ma visite ! Allons donc pour ce romantique-là !
La vie de Vigny est triste, après une carrière sans panache dans l'armée, lui qui rêvait de gloire, il se retira dans son petit manoir de Maine Giraud en Charente à la mort de sa mère. Il venait se remettre de sa rupture avec Marie Dorval, de sa brouille avec les romantiques, et vint là pour soigner sa femme, Lydia, perpétuellement malade et à laquelle le médecin recommandait la campagne. Dans la demeure, qui comporte seulement deux grandes pièces, il prit l'habitude de se réfugier dans la tourelle, minuscule, dans laquelle il écrivit "la mort du loup". Ici petite dédicace supplémentaire à Hélène au passage... qui, question de honte, va avoir rougir pour moi car, quand j'ai joué au puzzle de reconstitution de la strophe du poème dans la tourelle du manoir (et oui, y avait même un quizz ados et j'ai pas tout trouvé !!), j'ai inversé les vers... et bien d'autres poèmes. L'endroit est étroit, un peu sombre, mais très évocateur et on s'y recueille avec une certaine émotion.
Hélas! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous , débiles que nous sommes!
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux.
Lui qui se targuait en 1837 de s’être mis « en marche bien jeune, mais le premier », il arrive bon dernier sous la coupole. Il y parvient tout de même. Pourtant, sa réception, en janvier 1846, est l’occasion d’un scandale qui va profondément affecter le récipiendaire : la réponse de Molé à son discours de réception est délibérément insultante et Vigny refuse d’être présenté au roi par celui qui vient de le bafouer. L'histoire littéraire a oublié Molé mais Vigny ne pouvait pas savoir que la postérité lui donnerait raison, et il est venu s'enterrer au Maine Vignaud pour oublier sa déconvenue. Il rédigera à cette occasion la Bouteille à la Mer.
Dès lors, le Maine Giraud devient sa terre d'asile et la tourelle qui en fait la gloire sa "tour d'ivoire". Il décide de mettre en valeur ses 85 hectares, et outre champs, prairies et forêts, relève sa vigne. Il installe une distillerie et parvient à vendre son eau-de-vie à Hennessy. On sait, quand on a vécu ici, combien un client prestigieux est important pour un "vigneron". La nuit il se retire dans sa "cellule" en haut de la tour, et il écrit des poèmes, lit, médite et rédige ses mémoires.
Ses tentatives politiques sont aussi des échecs cuisants, et il ne parvient pas, malgré deux candidatures, à se faire élire député de la Charente. Sa femme est toujours mal portante, pourtant il retournera vers 1853 à Paris où il finira ses jours peu de temps après le décès de celle-ci, en 1863 sans être jamais revenu au Maine Giraud.
Le village dont dépend plus ou moins le domaine, Champagne-Vigny, offre, comme il se doit une jolie petite église romane, et, accolé à celle-ci, un bâtiment moderne d'un effet moyen, offert à la commune par quelque riche mécène et pompeusement destiné à devenir "le centre national Alfred de Vigny". Malheureusement les lieux sont vides et le projet en sommeil !

5 commentaires:

  1. Merci d'avoir bien voulu m'associer à ce souvenir poétique, tu sais bien tout ce qui écrit, discours ou narre, comme disait Hugo, ne m'est jamais vraiment étranger. Le dicours de Molé est un petit bijou de perfidie et le lire m'a ramené à nos chères réalités française après mon envol dans le bush australien en lisant Angelus de Tim Winton.
    Bises du soir

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  2. Ah Winton, c'est toi qui me l'as fait découvrir... je sens que je vais en lire un autre tiens, dès que j'aurai le temps et le calme pour m'y mettre !
    Merci Aloïs... demain petit billet pour toi !

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  3. Une lecture très instructive. Merci Michelaise ! Il y a belle lurette que je n'ai pas lu de textes de Vigny ! Ma dernière lecture remonte à mes années lycée, mais ton article me rappelle que de grands poètes existent et qu'il est peut-être bon de les lire ou relire...
    Mon pauvre petit neurone dépourvu d'énergie aurait bien besoin de telles nourritures...

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  4. Tu as raison, les classiques finalement, ce sont des valeurs sûres. Et il fait bon y revenir comme un retour aux sources, on n'est jamais déçu.

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