mardi 22 septembre 2009

ECOLE BUISSONNIERE

C'était aussi le week-end du Patrimoine... et La Roche-Posay se trouvant à une trentaine de kilomètres de Saint Savin, la superbe abbaye romane couverte de fresques célébressimes, nous avons "séché" quelques concerts pour aller visiter ce haut lieu de l'Art Roman.

La balade passait par Angles sur l'Anglin, petite bourgade aux ruelles en pente, surmontée des ruines d'un château épiscopal impressionnant. La ville est, nous dit-on, la capitale du "jour", vous savez ces broderies qui vous font des échelles sur les draps et les nappes. Nous n'aurons pas l'occasion de nous assurer de la véracité des assertions de mon guide bleu, vieux comme le monde, car tout est fermé et les seuls "jours" que nous avons admirés sont ceux des robes de mariées nombreuses en ce samedi à venir se faire photographier sur le site !

A Saint Savin, nous passerons finalement presque toute la journée, tant le lieu est beau. Une visite guidée nous permet d'admirer les fresques romanes dans les moindres détails, sur le thème de la gestuelle. Geste marqué, geste parlant, les épisodes de la Bible deviennent autant de signes pour le chrétien qui y trouve un enseignement, un soutien pour son chemin spirituel. C'est émouvant de lire ces images qui, plus de 8 siècles plus tard, et même si le temps les a bien détériorées, gardent toute leur force et leur lisibilité.

C'est émouvant aussi de suivre le pinceau des artistes, encore vif, à travers les circonvolutions d'un visage ou d'un décor. Le trait des fresques, par son immédiateté, par sa spontanéité, rend presque présent celui qui les traçât, il y plus de 800 ans.
Et puis, les artistes se suivent en ces lieux de foi et nous avons eu la chance de visiter une exposition consacrée à Danielle Grimaldi, une artiste actuelle dont les œuvres devraient réconcilier les plus allergiques d'entre vous avec l'art contemporain. Son propos s'organisait autour de deux thèmes : la Trinité et les anges.

Pour la Trinité, trois œuvres somptueuses, d'une force et d'une qualité étonnantes : la Trinité contemplée qui dans les tons de bleus traduisait les dons que chacun reçoit de la puissance créatrice : vertus organisées autour des axes du carré : la force dans l'axe vertical, l'espérance jaillissant sous forme de rameaux de la diagonale droite, et l'amour et la charité portées par la poussée de la diagonale gauche. Le rythme circulaire animé d'accolades manifeste la réalité de l'amour divin et le carré central, doré, recentre de lui-même la contemplation.

Sur une dominante rouge (le peintre a une formation musicale qui illumine ses œuvres d'évidences) c'était la Trinité manifestée. Cette dominante exprime la dynamique de la manifestation trinitaire dans notre monde terrestre. Contrepointé de bleus et de blancs, et complété par des orangés et des verts, le rouge forme l'accord principal de cette manifestation. Le mouvement autour du cercle central est répété comme une onde jusqu'à l'infini. C'est une onde d'amour qui jaillit et se propage.
Ces deux peintures mesurent environ 2 mètres par 2.

La troisième œuvre, encore plus grande, retable des temps modernes en musique et en mouvement, permettait sur 8 minutes de suivre les trois parties d'une ode à la Trinité. Dans ce ratable la structure est l'expression du Père, l'incarnation des formes est manifestation du Fils et la relation entre les éléments est action de l'Esprit.

Le premier panneau est traité en bas relief et fait vibrer la matière sous les ors qui se conjuguent avec le bleu, le rouge et le jaune. La césure verticale invite à aller au-delà de ce premier aspect et la musique, cymables et percussions, annonce sur un thème interrogateur un événement à venir.

Le premier panneau s'ouvre sur un coup de tonnerre : de la contemplation de l'extérieur on passe à celle de l'intéreur. Le cercle central reste à demi fermé, comme un bouclier qui protège encore les mystères de l'incréé. Puis les ors font place à un espace intérieur dans les tonalités de bruns, c'est une descente en soi, à l'écoute de la réalité invisible. La musique devient douce, ponctué de cloches et de gongs, et le silence intérieur se fait.

Puis par déplacements successifs, le fruit s'ouvre et la lumière peut à peu révèle le troisième retable. Les trompettes accompagnent cette ouverture jusqu'à la révélation, tout en douceur du mystère trinitaire, éclaboussant de lumière et d'espérance. Des fuseaux de rouges et de jaunes surchauffés jaillissent en éventail comme des proclamations glorieuses.

Cette œuvre vivante, vibrante, très spirituelle, produit sur le spectateur un effet de bien-être et d'émerveillement très propres à inviter à la contemplation. Danielle Grimaldi a mis 8 ans pour la réaliser, 4 ans de gestation et 4 ans de mise en oeuvre, durée dont témoignent les multiples notes qu'elle a établies. Comme dans une partition, couleurs, sons, vibrations, variations sur le chiffre trois.. tout est noté, étudié, calculé, justifié dans les multiples documents qu'elle a rédigés pour arriver à ses fins. Un parcours qui est loin de l'improvisation parfois désappointante de certaines oeuvres contemporaines qui prétendent laisser au hasard faire le mûrissement de la démarche artistique.

L'abbaye présentait par ailleurs une suite d'oeuvres consacrées aux anges : de superbes collages de tissus et de gazes très fines, rehaussés de traits de peinture et d'or égrenaient une suite d'anges aux noms aussi doux que leurs ailes : ange matutinal, ange de gloire, ange de lumière, ange de nuit, bref tout une galerie bruissante, abstraite mais pourtant très évocatrice.

9 commentaires:

  1. Saint-Savin fait partie de celles sur ma liste à visiter.
    C'est grâce à Prosper Merimée que nous devons qu'elle soit aujourd'hui si bien conservée,je crois qu'il s'est beaucoup battu pour protéger ces fresques qu'il considérait comme quasi uniques en France.
    Merci Michelaise,dis moi quel beau WE!
    Ici aussi journées du patrimoine,avec aussi de l'art contemporain dans un édifice religieux,ce sera un peu plus tard l'occasion d'un billet

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  2. ah oui, c'est vraiment une belle destination... et, pour quelqu'un qui l'avait visité il y a plus de 20 ans, l'aménagement est vraiment réussi.
    C'est quand même super ces WE consacrés à découvrir notre beau patrimoine. Même si messieurs Lang et Giscard d'Estaing se disputent sottement, attribuons à chacun la paternité de l'idée et profitons-en à plein ! à bientôt pour tes impressions "contemporaines" !

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  3. la Roche posay... une eau aux vertus dermatologiques paraît-il. Même avec le pastis?

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  4. Moi aussi je suis allée à Saint Savin avec Edgar lui faire admirer les superbes fresques.Mais nous n'avons pas eu la chance de t'y coiser... Quel dommage!
    Caroline

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  5. Dommage Caro, dire que nous y avons passé la journée de samedi ! sauf bien sûr la pause déjeuner (longue ma foi) dont je parle dans mon prochain article !!!
    Mais peut-être y étiez vous dimanche ?
    Avez-vous aimé les peintures de Danielle Grimaldi ?
    J'imagine que vous en avez profité pour faire d'autres visites en chemin... faudra qu'on se raconte tout cela !

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  6. Très intéressant, Michelaise...
    Une oeuvre en mouvement, qui s'ouvre progressivement, c'est une si belle idée, pour amener à la notion de "révélation"...

    Très beaux mandalas...qui recentrent l'esprit (c'est leur rôle) et le dernier est très "vivant", je trouve, presqu'animé !

    En voyant les photos, j'ai d'abord imaginé quelque chose de petit (50cm), mais si ça fait 2m sur 2, ça doit être d'autant plus impressionnant à contempler !

    Merci de cette beauté partagée !

    L'art moderne peut parfois magnifique quand il est à la fois réfléchi et profond...

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  7. Quelle bonne idée cette journée du Patrimoine ! Je regrette seulement de ne pas avoir pu plus en profiter comme toi !
    J'ai tout de même été au chateau d'Harcourt, mes enfants étaient ravis !
    J'aime beaucou ton article, trés complet comme toujours ! Merci
    Bises et bonne soirée

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  8. j'aime beaucoup Danielle Grimaldi dont je connais un peu le travail depuis plus de trente ans. Elle a été mon professeur d'histoire des arts au lycée, à Poitiers et en parallèle elle exposait déjà ses grandes toiles abstraites dans la voie de l'"art sacré". Je me souviens encore d'une exposition appelée "les jours de la création" et composée de sept panneaux de 3mx3m. Magnifique. Merci pour ce compte-rendu de visite et cette analyse de sa peinture

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  9. Je suis ravie de votre commentaire Renaud, et heureuse de "rencontrer" un des anciens élèves de cette femme remarquable... j'espère aller bientôt admirer ses peintures dans le centre artistique qu'elle anime avec son époux.

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