vendredi 30 octobre 2009

RUBAN BLANC

J'ai lu quelque part "Attention n'y allez pas : chef d'oeuvre"... et vraiment je crois que c'est un des plus beaux films de la décennie. Moi qui râle sans cesse sur la jauge incontournable de l'heure et demie au-delà de laquelle un film risque de s'empêtrer, de s'enliser, de s'essouffler, là j'ai tenu 2h30 en ayant à la fin l'impression que le film venait à peine de commencer. Pourtant c'est lent, lourd, pesant, étouffant, terrible, mais tellement, tellement beau. A la sourde violence de rapports sociaux basés sur une hypocrisie incontournable, répond à chaque instant la dureté de rapports familiaux qu'aucune tendresse ne vient jamais adoucir. D'une extrême rigueur esthétique, le film décline avec une précision presque chirurgicale les mécanismes de cette violence qui entache tous les liens humains de sa sordide et incommensurable bonne conscience. On navigue sans repère à la frontière du bien et du mal, sur le fil ténu d'un rigorisme que rien ne vient atténuer. Et pourtant le propos n'est pas manichéen. Tout est en subtilité, et on ne ressort pas avec une explication, une recette et encore moins des justifications à quelque terrorisme que ce soit. On est ébranlé, car ce que dépeint Haneke ce sont des gens de bonne volonté, dans un contexte historique qu'il faut garder présent à l'esprit pour ne pas simplifier les intentions du réalisateur. On est avant la guerre de 14, on est dans un village perdu d'Allemagne et on est dans un milieu rural bien pensant.
C'est un immense moment de cinéma, on a le droit de s'y ennuyer à mourir, mais si on adhère, on est scotché sur son fauteuil pendant 145 minutes, haletant, horrifié, impressionné, admiratif. Pourtant, il faut bien admettre que le propos est difficile, et le succès grand public dû aux palmes cannoises doit en laisser certains sur leur faim. Pas un sourire, pas une facilité, tout est superbe mais sans concession.
Les gamins sont parfaits (Haneke dit qu'il en a auditionné 7000 !), les acteurs parfaitement justes et je n'ai personnellement pas ressenti la moindre fausse note. Mais Alter Ego dit que nous n'aurions sans doute pas aimé ce film il y a 20 ans et qu'il ne le conseillerait à ses filles qu'avec beaucoup de prudence... On pense souvent à Bergman, sans trop savoir dire si le ton est plus dur ou s'il est plus supportable. On ressort pourtant heureux de cette salle où Haneke nous a juste remis en cause, nous, nos certitudes, notre conception simpliste du bien et du mal...
J'ai choisi pour illustrer l'article la photo du moment du film qui m'a le plus impressionnée, par son intensité dramatique à peine effleurée et pourtant si profonde : l'enfant se plie à ce qu'il pense devoir faire par amour filial, et le père, à cet instant, hésite entre émotion et satisfaction. C'est le seul moment où il ressent une hésitation dans ce qu'il considère, avec parfois une certaine perversion, comme son devoir.

6 commentaires:

  1. Ben, ça donne envie d'aller le voir, ce film...

    En te lisant, je pense effectivement au film "Les meilleures intentions" qui traitait du même sujet ainsi qu'aux livres d'Alice MILLER ("C'est pour ton bien" , "L'enfant sous terreur", "La souffrance muette de l'enfant"...).

    Il me semble que si l'éducation familiale n'explique pas tout, n'est pas responsable de tout (il ne faut pas oublier le contexte social + le caractère initial de chaque enfant), elle joue quand même un rôle considérable et je me passionne toujours pour ce genre de sujet !

    Merci, Michelaise, de tes indications et de tes commentaires, tu fais sans conteste une très bonne "critique" !!!

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  2. Il est sur ma liste mais il faisait tellement beau cette semaine que je n'avais pas très envie de m'enfermer pendant près de trois heures,peut-être demain en fin de journée.
    En tous les cas ta critique est convaincante et donne vraiment envie d'y aller

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  3. Bonjour, Michelaie.
    J'ai bien fait d'ouvrir un carnet...
    Bon dimanche...
    Bisous.

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  4. Te lire est un vrai plaisir ! et je suis très très difficile. Bise

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  5. Comme toujours, tu sais parfaitement parler des films que tu vas voir. Tes explications sont si pointues qu'on ressent déjà à travers tes mots toute l'émotion que semble porter ce film. Tu me donnes envie d'aller le voir mais je redoute en même temps cette tension qui me semble être présente tout au long de ces 2H30.

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  6. Vous êtes tous adorables, mais concernant le Ruban Blanc j'espère que vous ne serez pas trop déçus car c'est vraiment un film spécial et je pense qu'on peut détester autant qu'on peut être sous le charme. Oui Licorne ces problèmes sont passionnants et traités ainsi, j'ai été très "interpelée" par le ton du film...
    Tu as raison 1000 fois Aloïs, on ne va pas s'enfermer dans une salle obscure quand il fait un si bel automne, on attend la pluie et tu vois, elle a fini par arriver et alors, le film a été le bienvenu... mais je ne sais toujours pas ce que tu en as pensé... je vais bientôt aller sur ton site, mais pour le moment je réponds à mes commentaires !!!

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