mercredi 25 novembre 2009

GOYA-DALI



Cherchant ce qu'il pouvait y avoir en ce moment comme expo sur Bordeaux, j'ai trouvé l'information sur un blog tauromachique, l'Oeil Contraire qui signalait l'événement, assez peu médiatisé par ailleurs. Dali à la rencontre de Goya présentait, au Cellier des Chartrons, la mise en miroir de 80 Caprices de Goya publiés en 1799 et de leur relecture par Dali entre 1973 et 1977.


Commencée en 1792, alors qu'il est devenu sourd, la série des « Caprices » est un recueil de quatre vingt planches dans lequel Goya critique la classe politique, sociale et religieuse et s'adonne sans retenue à la caricature, caustique et moralisatrice. L’artiste s’en prend à la royauté, à l’aristocratie, aux ministres, aux institutions et porte des attaques, particulièrement audacieuses pour l’époque, contre la religion et l’inquisition.


La portée satirique est telle qu'édités en 1799 « Les Caprices » sont immédiatement censurés et Goya finira par offrir ses planches au roi d’Espagne pour ne plus être inquiété par l’Inquisition. Les gravures de Goya sont sans concession, cruelles et désanchantées, et les égrener ainsi l'une après l'autre a quelque chose d'impitoyable et de sombre.


L'idée de l'exposition était vraiment remarquable, et même si les lieux n'étaient pas très confortables et la foule un peu trop compacte,c'était une visite vraiment interessante. Pourtant, j'avoue avoir été déçue par cette "Dalinisation" des Caprices, somme toute assez artificielle. J'avais imaginé que Dali aurait repris le thème de chaque caprice et en aurait fait une interprétation nouvelle, personnelle. Etant donné ses talents de provocateur, je pensais qu'il aurait trouvé là un sujet de prédilection et qu'il se serait livré à une réappropriation de cette implacable critique sociale, avec la verve dont il était capable.


En fait Dali s'est contenté de reproduire à l'identique les planches de Goya, en y ajoutant quelques caractéristiques de son cru et qui signent son passage : montre molle, béquille ou grand masturbateur... c'est fait sans grande inspiration, un peu au hasard, et il a ensuite renommé les scènes, parfois un peu à tort et à travers, pour faire original.
L'exposition offrait par ailleurs de nombreuses oeuvres gravées, sculptées, dessinées, aquarellées du maître. Diverses séries sur le cirque, les chevaux, les cartes à jouer, un hommage rendu par l'artiste aux grands lithographes américains Currier et Ives, une suite assez drôle malgré un tirage de piètre qualité, des diners de Gala. On admirait aussi le bon à tirer pour une lithographie qui n'a jamais été éditée, une série assez nerveuse consacrée à la Tauromachie américaine.




Et aussi quelques anamorphoses qui auraient fait le bonheur de Koka !!



J'ai apprécié tout particulièrement deux maginifiques dessins préparatoires pour l'illustration des chants de Maldoror.



Alter, quant à lui, a craqué pour une petite planche destinée à illustrer "le revolver à cheveux blancs" d'André Breton.

7 commentaires:

  1. Revisiter un grand prédécesseur, c'est prendre le risque de ne pas s'en remettre, non aux yeux du monde, ce qui n'a guère d'importance, mais dans la cohérence de sa propre recherche. Dali se sentait-il, à l'époque de ce travail, suffisamment prêt pour en affronter les conséquences sur sa propre peinture? A-t-il choisi de réaliser cette série ou s'agit-il d'un travail qu'on lui avait demandé? A-t-il décidé de rester très proche par respect et parce qu'il estimait que l'essentiel étant déjà exprimé, qu'il y avait à reprendre seulement certaines choses dans lesquelles il pouvait inscrire sa vision nouvelle? Un peintre entretient des rapports extrêmements complexes avec des artistes et des oeuvres qui l'inspirent. Il faudrait en savoir plus pour en discuter. En tout cas, merci pour ce reportage très intéressant.
    Anne

    RépondreSupprimer
  2. Anne, d'abord pardon car vous avez affronté mon billet avec d'énoooooormes photos, arrivées là par je ne sais quelle fausse manip, et qui ont dû alourdir votre consultation. Voilà qui est réparé et normalement ne restent que de petites photos sur lesquelles on peut cliquer, si on veut !
    Votre réflexion est très pertinente et j'avoue, qu'en exprimant ma déception, sans autre forme de procès, je ne suis pas allée si loin... peut-être tout simplement car on a tendance à n'être pas trop indulgent avec Dali, dont on sait qu'il était parfois un peu prompt à "faire du fric", au détriment malheureusement de son immense talent !
    Dans tous les cas vos questions méritent qu'on s'y arrête, et il faudrait que je nuance mon appréciation un peu trop expéditive.

    RépondreSupprimer
  3. J'ai beaucoup de mal à trouver des infos sur cette série de gravures de Dali et vous livre l'article, bien maigre, extrait de 20minutes, qui annonçait la même exposition à Lille, en début d'année : "Dans les années 70, Salvador Dali, époque pré-chocolat Lanvin, se met en tête de retoucher Les Caprices de Goya, gravés en 1799. Un exercice de maniérisme après l'heure. Où montres molles et cous de girafes imposent leur charme. Cette série de 80 gravures, revues et colorisées par la fameuse méthode paranoïaque-critique de Dali, sera le point d'orgue d'une exposition présentée par Artco, une société spécialisée dans le commerce d'oeuvres d'art. « L'objectif est de montrer en parallèle les oeuvres de Goya et de Dali en expliquant la démarche », explique Serge Goldenberg, président d'Artco qui s'enorgueillit de posséder la collection quasi complète de l'artiste catalan. Et en profite pour étoffer l'exposition d'autres créations. A découvrir aussi, la personnalisation des Songes drolatiques de Pantagruel, une série de 25 gravures réalisées au XVIe siècle. « Dali s'est amusé de la même manière qu'avec Goya, mais son travail n'a eu aucun succès commercial », souligne Serge Goldenberg. En tout, 200 gravures et sculptures plus ou moins connues."

    RépondreSupprimer
  4. Il y avait par ailleurs, un catalogue sur cette série de Caprices, mais j'avoue ne pas l'avoir acheté, malgré ma passion des catalogues d'expo !! Je me suis contentée d'un mini catalogue très succinct, dont je vous livre, Anne, le peu d'informations qu'il contient :
    La Dalinisation des Caprices : Salvador Dali, probablement le plus provocateur des tous les artistes de son époque, aimait s'approprier l'oeuvre d'artistes célèbres. Entre 1973 et 1977, il réalise la relecture des Caprices de Goya selon sa méthode Paranoïaque Critique "méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l'interprétation-critique de phénomènes délirants". Les dessins sont enrichis de formes érotiques, de monstres, de couleur, de motifs souvent récurrents dans ses oeuvres (montres molles, gouttes, trous de serrure etc). Le travail de gravure a nécessité 5 années....
    Suivent quelques détails techniques, imprimeur, dimensions et justificatif de tirage.

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour ces informations, Michelaise. "Retoucher" Goya est déjà très audacieux et correspondrait assez bien au caractère de Dali, à son humour teinté d'un faux irrespect dans ce cas, même si proposer une "relecture" des oeuvres paraît plus juste. La durée du travail indique bien que Dali cherchait et qu'il ne s'est pas contenté d'une simple réinterprétation, mais qu'il s'est imprégné des oeuvres de Goya au risque de se perdre lui-même sans être certain de ce qui allait en ressortir. Une telle plongée dans l'oeuvre d'un autre est impressionnante et tout cela montre à quel point Dali semblait y attacher de l'importance. Il a peut-être cherché à peindre au plus près de l'esprit de Goya.
    Bonne soirée.
    Anne

    RépondreSupprimer
  6. Merci à toutes les deux pour ces points de vue passionnants ! On apprend beaucoup à vous lire.

    RépondreSupprimer
  7. Voilà une expo que j'aurais eu plaisir à parcourir et que j'ai regardée attentivement grâce à vous deux, merci Michelaise et Anne !
    Ce pont entre ces deux esprits libres et tortueux me réjouit, et on pardonne à Dali ses tentations de gourmandise et/ou de facilité, parce qu'il... le vaut bien. De 1799 à 1977, déjà sans être parano...rien que les dates sont un clin d'oeil à ces destins artistiques.
    Merci Anne pour ce point de vue éclairé, l'hommage est là, la recherche, la rencontre, peut-être une certaine pudeur à aller plus loin.
    Je ne sais pas parler d'un tableau, mais j'aime qu'il me parle, donc comme Alter a emmené la dernière planche, je pars en courant avec un des binomes au hasard, le quatrième de préférence.

    RépondreSupprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...