lundi 2 novembre 2009

PLUIE SUR BRUXELLES

Rien que de très normal après cet été indien de toute beauté ! Mais nous sommes ici pour la Chine, donc nous trouvons refuge dans les expositions.



Aujourd'hui la manifestation phare d'Europalia, "Fils du Ciel". Une exposition très didactique, qui abrite de fort belles pièces allant du néolithique au début du XXème siècle et couvre avec sobriété toutes les principales dynasties.
Le Fils du Ciel, l'empereur, a durant des siècles assuré l'unité de cet immense territoire. Sa mission essentielle était la préserver l'harmonie de l'univers. Il détenait le pouvoir absolu sur l'organisation de la société et du cosmos et imposait l'ordre au travers d'une multitude d'actes et de rituels parfaitement codifiés. Malgré l'écoulement des millénaires, on a l'impression d'une constance dans l'expression de ce pouvoir qui se traduit par une sorte d'immobilisme esthétique particulièrement statique.
Ces 5000 ans d'histoire impériale sont illustrés par des objets souvent spectaculaires : un carillon de bronze formé de 24 cloches encore suspendues sur leurs poutres de bois peint d'origine, un fabuleux rafraîchissoir à vin en bronze coulé à la cire perdue, un éblouissant linceul de plaques de jades, des robes impériales, des bijoux, de la vaisselle destinée aux offrandes au Ciel, à la Terre, au Soleil et à la Lune, des rouleaux peints d'une étonnante richesse narrative, des céramiques aux engobes délicates qui, du 6ème au 20ème siècle conservent les mêmes formes et les mêmes teintes d'une élégance jamais prise en défaut... Bref une superbe exposition qui présente, semble-t-il des pièces particulièrement bien choisies et représentatives de la magnificence impériale chinoise.





Nous avons ensuite succombé aux sirènes de l'art contemporain : une exposition pompeusement dénommée "The State of things" qui égrène, au fil de salles interminables, un ramassis d'étrangetés qui tentent de se distinguer par leur originalité, leur loufoquerie et leur caractère surprenant. D'installations en performances, les artistes ne savent qu'inventer pour choquer, surprendre, se démarquer des autres. Du frigo découpé à la tronçonneuse, au bac d'eau surmonté de parafine, en passant par les palettes plus ou moins en mauvais état, aux tanks jouets enrobés de pain cramé et affublés d'une excroissance phallique, tout est bon pour attirer l'attention. Ici c'est une vidéo qui projette les images de l'artiste déplaçant pièce à pièce un mur en parpaings, ailleurs ce sont deux pattes de poulet qui surgissent d'une vieille caisse en bois, supposées évoquer un serial killer. La dernière tendance consiste à se mutiler, de préférence sur les lieux de l'exposition, en se filmant et en laissant sur place des traces de sang.
Le plus hallucinant est celui qui s'est fait prélever une côte par une équipe chirurgicale honteusement complice de ses divagations. L'opération est filmée et passe en boucle à côté des 5 photos où l'artiste pose auprès d'une femme importante pour lui, sa mère, sa femme, son ex-femme. Chacune porte, tour à tour, la côte en question en sautoir autour du cou.





Au total une somme hallucinante d'actes dépourvus de sens, destinés à être vendus fort cher, sur un marché en pleine explosion, et soumis aux caprices d'acheteurs tout puissants qu'un artiste hyper réaliste s'est chargé de railler et de stigmatiser dans un style très cru et fort cruel. Provocateur, Ly Zanyang dénonce la corruption sous le vernis trompeur de l'émotion artistique, dans cette sculpture monumentale dans la veine du réalisme socialiste, intitulée Rent Collection Yard. Il centre son attention sur l'architecte qui a été le concepteur du stade olympique aux jeux de Pékin de 2008. Trônant au milieu d'une cour obséquieuse qui le lave, le dorlote, le lèche impudiquement, il stigmatise les excès d'un marché de l'art en pleine explosion mal maîtrisée. On imagine volontiers les compromissions, les basses flagorneries, les spéculations qui agitent ce monde où l'argent règne en maître et où ceux qui font et défont les réputations sont des manipulateurs redoutés.




Fatigués de ces errances supposées artistiques, et peu enclins à la promenade sous le crachin, nous avons fini l'après-midi au cinéma pour voir Mères et Filles.
J'avais un peu peur, malgré la critique élogieuse d'Aloïs, que l'histoire soit un peu complaisante et vaguement tirée par les cheveux. J'avoue avoir été très agréablement surprise par l'aisance avec laquelle la réalisatrice Julia Lopes-Curval joue avec le passé, par la subtilité de certaines situations familiales ou amoureuses fort bien esquissées, et globalement j'ai, moi aussi, bien aimé ce film. J'ai été complètement éblouie par la prestation de Marina Hands, qui tient l'histoire avec le talent qu'on lui connait. Et, comme l'avait prévu Aloïs, j'ai aimé me promener sur les plages et jetées d'Arcachon, un peu de mon enfance s'y est délectée de souvenirs nostalgiques.





Après une gueuze à la Bécasse, nous avons terminé la soirée par un délicieux diner dans un restaurant éthiopien qui fait fureur sur Bruxelles ces temps-ci : le Kokob. Si vous faites un saut à Europalia (cela n'a rien d'invraisemblable pour des parisiens !) outre le fait que je vous conseille vivement d'économiser le prix d'entrée à l'expo The State of Things, je vous recommande vraiment ce restaurant où l'on mange avec les doigts une nourriture vraiment succulente. Le menu dégustation permet de goûter un peu à tout et il est parfait ! Les vins, argentins, autrichiens... sont variés et abordables.

10 commentaires:

  1. Pendant que tu regardais Mères et Filles je regardais Le Ruban Blanc,car ici ce n'était pas le crachin mais le déluge.
    Je te l'avais dit j'attendais qu'il pleuve pour y aller!!!
    Contente que Mères et Filles t'ai plu et de ne pas t'avoir embarquée dans une galère pour toi.

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  2. Cette histoire de côte est absolument horrifiante !

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  3. Chanceuse que tu es! Joindre l'art visuel, l'art culinaire avec l'été indien pour couronner le tout. MUMMMMM ! Quoi de plus agréable. ;-)

    Bises. Do.

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  4. "Mères et filles" voilà un titre pour lequel je me suis dit... encore! en énonçant le programme du cinéma et, avec les filles ont s'est regardées en souriant.. eh bien voilà avec Emilie on vient d'aller voir ce film... à voir , je ne m'attendais pas vraiment à ça, j'ai beaucoup aimé !

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  5. Escapade, Bruxelle, expos, cinéma, restaurants, que demander de mieux, bel emploi du temps !!!! Continue, on te suit !

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  6. MERCI à toutes de me lire avec une telle indulgence ! Astheval tu as raison, c'était totalement atroce... hallucinant qu'une équipe chirurgicale ait accepté de faire cela !
    Ravie Françoise que Mères et Filles vous ait plu, à toi et tes filles ! Pour le coup c'est Aloïs qu'il faut remercier !! Aloïs tu ne dis rien de Ruban blanc, mais peut-être sur ton site, j'ai du mal à remplir mon devoir de blogueuse mais je vais rattraper cela bientôt !!
    Enitram tu as lu tous mes libellés, tu as vu, j'ai tout mis en vrac !!!
    Do, tu as raison je suis une hyper veinarde ! trop heureuse...

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  7. Ce que tu dis de l'expo d''"art" moderne (qui n'est selon moi qu'une vile provocation) me hérisse complètement. Je ne supporte pas le snobisme de ceux qui s'extasient devant des oeuvres qui n'en sont pas et je me dis que les "coupables" sont autant les "artistes" que les acheteurs de ces ..... (je ne peux pas écrire le mot qui me vient à l'esprit...)

    Quant au cinéma.... Tu vas voir "Mère et filles", "Le ruban blanc" et tu écris des articles intelligents et complets sur ces films. Pour ma part je dois avouer évoluer dans un registre nettement moins "intello"... Je suis en effet allée voir...., tiens-toi bien.... "Tempête de boulettes géantes"..... ;-)
    Peut-être que je ferai un article là-dessus... :-(
    Ah, la garde des petits-enfants pendant les vacances scolaires.... Ça oblige à quelques sacrifices...

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  8. Morte de rire, Oxygène !! Tempête de boulettes géantes, on s'y croit tout de suite !!!!
    Dis-moi alors les zefs, ce sont les enfants de ton fils, car Astheval disait qu'elle n'a pas encore d'enfant dans ses 7 secrets !!!
    Quant à intello, bo, bo, ben si tu les dis !!! j'aime tellement raconter... et surtout faire le point, sinon, la vie passe zoup... et on oublie ! ou on zappe ce qui n'est pas mieux !

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  9. Michelaise, ce n'est pas te flatter que te dire que oui, j'apprécie les critiques que tu écris et qu'effectivement je les trouve "intellos". Tout ce que tu dis est écrit avec des mots choisis, je dirai même ciselés et chaque fois je suis épatée par cette capacité à analyser les spectacles, qu'ils soient cinématographiques, musicaux ou théâtraux. Tu as un vrai talent que j'admire sincèrement...
    Quant à mes enfants, je te dois bien quelques éclaircissements : j'ai trois enfants. L'aînée a une petite fille de 7 ans que nous gardons en ce moment (d'où les boulettes géantes en "association" avec le petit fils de mon compagnon...) pendant que sa maman est en voyage. Mon fils a 2 petits garçons de 3 ans et 7 mois (pas encore de "boulettes" pour eux, ouf !) Quant à Astheval, elle n'a effectivement pas encore d'enfant et, elle, je n'ai plus besoin de te la présenter... ;-)))

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  10. Petit décallage horaire pour cause de visionnage DVD, je viens ajouter quand même mon grain de sel.
    Inglorious Basterds, bien d'accord, ça casse pas trois pattes à un canard et ça montre juste que Tarentino aussi vieillit. Je ne l'aime pas trop la p'tite Mélanie Laurent, mais là elle passait bien.

    Partir, tu penses bien Michelaise que je l'ai regardé en cachette, avec ma vieille baraque j'ai eu trop peur que l'Ours vire le maçon et me laisse comme une pomme avec la bétonnière ;-) D'autant que le mien de maçon il est nettement plus costaud que Sergi Lopez et l'amoureux-maçon de ma nièce a des airs de jeune premier, je ne te dis pas, il devrait faire du cinéma.
    Bon passons. Enfin sinon c'était nul, ça manquait cruellement d'humour, de révolte, de modernité. Yvan Attal était savoureusement détestable comme il sait bien faire, et Kristin était nunuche à souhait ce qui n'est pas son habitude. La fin est lamentable avec son p'tit coté 7 morts sur ordonnance et la théorie du complot. Certes en province on murmure dans la ville, mais faut pas pousser non plus, en grattant à peine un peu elle aurait sans doute trouvé une maitresse à son mari et aurait pu trouver matière à négociation ;-)
    C'est juste les p'tits sourires en coin de Sergi Lopez qui passaient bien.

    Bises !

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