Hier, vous avez eu du mal à y échapper, que vous aimiez ou non, que cela vous intéresse ou non... Pourtant l'histoire du Tournoi des cinq puis des six nations existe depuis 1910 (en fait avec seulement 4 nations dès 1882). Et chaque année les amateurs de ballon ovale s'enthousiasment pour les performances de leur équipe, et chaque année, ils squattent à prix d'or les bancs inconfortables du Stade de France, prennent d'assaut les trains et les avions pour "monter à Paris", car ils viennent peu ou prou du Sud, ou s'offrir une petite virée en Irlande ou à Twickenham, envahissent en hordes bruyantes mais pacifiques les pubs ou les marchands de merguez qui entourent les stades et s'offrent dans tous les cas une joyeuse troisième mi-temps, soit pour fêter la victoire de leur équipe soit pour admettre que l'adversaire a de toute façon mieux joué et que l'issue fatale était incontournable.
Et cela fait des lustres qu'il en est ainsi, on ne prétend guère parler de rugby avec ceux que le sujet ne passionne pas, tant il est vrai que le jeu est complexe et particulier. Les moeurs sur le terrain ont quelque chose de choquant pour qui ne goûte pas les envolées lyriques de nos arrières ou la pugnacité de nos avants. La France a disputé ainsi 80 tournois, en a gagné 25 (sa première victoire remonte à 1954, et encore pas seule ! dire qu'il a fallu du temps pour dominer les anglo-saxons), a décroché 8 cuillères de bois, "anti-trophée" mythique dont on a une peur panique qu'il vous échoit et que les italiens font leur possible pour éviter... Et voilà que la gent journalistique nous a branchés hier sur le Grand Chelem, le fin du fin étant d'établir un douteux parallèle entre le sport et la politique, les seuls frustrés de l'histoire restant somme toute les bridgeurs ! En faire un événement national, relayé à grand bruit par toutes les radios et sans doute télévisions, commenté sur le net et développé en termes enthousiastes par la presse de tous bords, est un phénomène récent et qui ne manque pas de surprendre. Pourquoi vouloir à tout crin que la France entière se passionne pour le XV de France ?
C'est une manie des temps modernes que de vouloir créer l'événement, les enjeux économiques de chaque manifestation médiatisée sont tels qu'on ne saurait passer à côté de ces opportunités d'engranger des bénéfices. Il faut donc susciter l'adhésion du plus grand nombre, donner à chacun l'impression qu'il "faut y avoir été", et plus le battage est fort, plus le rassemblement sera important. Perçu comme incontournable par ceux qui veulent se tenir au courant de tout ce qui compte et de ce qui fait date, il mobilise des foules forcément "juteuses" consommatrices directes (transport, hôtel, restaurant, billets, gadgets) ou indirectes (retombées publicitaires, acheteurs potentiels de produits vantés par les acteurs de l'événement), bref tout une économie dont les retombées sonnantes et trébuchantes se chiffrent avec de nombreux zéros. On arrive ainsi, par la magie du marketing au sensationnel mêlé, à passionner les foules pour le foot, le ski, un opéra au Stade de France, une fête des amoureux, un film, un livre, bref, un méli-mélo improbable dont il sort toujours quelque chose en termes financiers ! France 2, nous dit-on, a connu un pic de 9,5 millions de téléspectateurs à un quart d'heure de la fin du match... Idiot d'ailleurs, car la fin du match fut efficace mais peu digne de ce qu'il est convenu d'appeler le rugby champagne, notre préoccupation étant alors de préserver de score et pas vraiment de faire le jeu. On s'est beaucoup plus amusé lors de France Italie, avec des athlètes joueurs, qui nous ont offert un vrai régal, alors que les gestionnaires désespérés placardaient dans les couloirs du métro des places à 1€ pour toute place achetée, afin de remplir le Stade de France. Côté spectacle, c'était autre chose que ce dernier quart d'heure assommant dont le seul objectif était de ne pas encaisser de points.
Je ne fais pas mon grognard frondeur, j'admets que de tels engouements présentent de réels avantages, et que la popularité récente du rugby lui a sans doute beaucoup apporté, même si c'est au prix d'une "mercantilisation" évidente ...
Mais ne pourrait-on pas nous lâcher un peu les baskets et nous laisser encore avoir des engouements non téléguidés, des enthousiasmes pas forcément standardisés et des plaisirs improvisés ? Pourquoi souler ceux qui cela n'intéresse pas, quitte à leur donner la fugace impression qu'ils sont hors du coup et qu'ils doivent se justifier de n'avoir pas vu, pas vécu et pas crié avec la horde ? On nous fait cela pour tout, le foot et les avatars de ses clubs dont nous partageons les soucis comme si notre avenir personnel en dépendait, le tennis pour lequel nous devons chaque jour subir les enthousiasmes de tous nos voisins qui ont admiré les exploits de quelque nouvelle coqueluche, et, au gré des modes ou des moments, tout ce qui passe à portée de caméra et peut, sous une forme ou une autre, faire recette. Durant deux, trois jours, cela fait la une de tous les journaux, on vous interpelle et l'on attend de vous un avis et un enthousiasme que vous ne ressentez pas forcément. Et cela disparait aussi vite que c'est venu, laissant les spectateurs un peu frustrés dans l'attente d'un nouveau facteur d'excitation des neurones et de la compassion.
Liberté de s'en ficher pour ceux qui n'aiment pas le rugby, bonheur d'avoir gagné le tournoi et le Grand Chelem pour les autres, à chacun son univers émotionnel et qu'on nous laisse enfin le choix de nos héros !
C'est vrai mais c'est encore plus vrai avec le Haka et que dire des Dieux du stade :)))
RépondreSupprimerBonjour, Michelaise...
RépondreSupprimerOui....
Mais il n'empêche : on a gagné !!!
Bonne fin de journée.
Je t'embrasse.
Un peu violent, mais peut-être pas aussi violent que le foot américain que j'ai eu l'occasion de voir, il y a longtemps, à Londres... des bêtes. Un jour un client me dit * j'aimerais une vitrine sur le foot, pour le prochain Eurofoot * * Hein ¨*J'ai bien du m'exécuter. Tous les sujets que l'on creuse , sont intéressants.
RépondreSupprimerLe foot existe aussi depuis longtemps, revendiqué par la France et l'Angleterre. Des rois en jouaient, des rois l'ont interdit, des rois l'ont interdit le dimanche... Sujet passionnant. Les jeux de balle existent encore depuis plus longtemps que le foot. A propos des joueurs qui devaient faire passer la balle à travers un anneau à une certaine hauteur en ne la touchant pas avec les mains, mais avec les hanches.... mazo j'vous dit Mâdame.
Le slogan de la vitrine * Ne perdez pas la boule *.
et que ça roule dans les jardins...
"La fugace impression qu'ils sont hors du coup et qu'ils doivent se justifier de n'avoir pas vu, pas vécu et pas crié avec la horde".
RépondreSupprimerUne impression que j'ai eue maintes fois, dans le milieu un peu huppé dans lequel je travaille, certains lundis matins, où il est de "bon ton" de dire qu'on a regardé le match...
Et de répondre... quel match ?? !!! il vaut mieux en rire n'est-ce pas Norma, et réaffirmer son droit à la différence, ou du moins à ne pas suivre, forcément, la loi des médias.
RépondreSupprimerLe foot américain Béatrice j'ai vraiment l'impression que c'est hyper compliqué et en effet très violent !
Oui Herbert, on a gagné et quand on s'intéresse au rugby c'était une belle soirée, à défaut d'être un beau match...
Ah Chic, encore un truc qui paye ça les dieux du stade, produit annexe juteux !!! m'enfin si ça suffit à rendre les gens heureux, moi ça ne me gêne pas vraiment... quant au haka, toute une mythologie qui impressionne le chaland, c'est fait pour !
Bonjour, Michlaise...
RépondreSupprimerEt, pour ma part, j'ai encore gagné...eet je ne suis pas tout seul...
Mais c'est un autre match...
Bonne semaine.
et merci pout tout.
Je t'embrasse.
Félicitations Herbert... victoire électorale, victoire personnelle, victoire amicale ? bref dans tous les cas, ce qui est important c'est de ne pas s'être battu en vain ! Bravo Herbert et merci pour ta fidélité... encore une victoire que celle-là !
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