Une langue doit vivre et évoluer... L'affaire n'est pas nouvelle. Le français que nous parlons aujourd'hui est le fruit de mutations et d'avancées multiséculaires, ce qui fait sa richesse, sa complexité et aussi sa précision. Tous les amoureux du beau langage sont prêts à recevoir ces petits mots nouveaux que d'abord on invente entre jeunes ou entre techniciens, qu'on emprunte à une langue étrangère et qu'on s'approprie de différentes façons, à la manière fort originale de ce "flirter" fort britsh qui nous semblant venir de la Perfide Albion n'est finalement qu'une restitution à peu près fidèle du vieux français "fleureter" que les anglais avaient fait leur.
Il ne s'agit donc pas de m'alarmer et encore moins de déplorer tous ces vocables dont se pare la langue moderne, souvent nécessaires et fort imagés quand il est question d'un pourriel ou d'un tapuscrit, d'origine commerciale quand on nous parle des abribus ou pleins de bonnes intentions en ces temps de prise de conscience du développement durable quand il s'agit de consommaction pour nous inciter à voter avec notre caddie tout en achetant de façon responsable... De façon citoyenne diraient certains, autre invention qui porte ici seulement sur la nature du mot, le susbtantif citoyen se trouvant en l'espèce transformé en adjectif . Manière qui, au passage, fait rugir Alter, mais il ne me semble pas qu'il faille outre mesure s'en offusquer. Ainsi va la langue : elle change, fluctue, progresse ou régresse selon les heures et les ambiances, et finalement flâne délicieusement. Il est bon d'avoir, à 55 ans, l'usage de mots dont nous n'aurions même pas imaginé l'existence ou l'utilité quand nous en avions 20.
Pourtant... pourtant quand le recteur d'académie de je ne sais quelle région française recouverte par la neige, annonce qu'il va fermer les écoles pour honorer le maintenant sacro-saint principe de précaution, afin de déblayer les épaisseurs accumulées rendant certains bâtiments dangereux, et qu'à court d'argument il répète en boucle qu'il doit sécuriser les lieux pour les rendre plus "sécures", j'avoue... je peste ! Il existe un mot tout de même, plus court, parfaitement commun et absolument compréhensible. Faut-il en conclure que son souci de bien faire l'oblige à inventer ce néologisme qui, avec ses 2 voire 3 syllabes, lui permettrait d'insister plus encore sur sa volonté d'assurer la quiétude de ses concitoyens ?
Et quand, ce matin, un autre responsable quelconque, responsable du club de foot de Lyon, explique savamment au journaliste fort inquiet de savoir si son équipe va gagner ce soir contre Madrid, que la victoire ce serait bel et bon mais que le "championnisme" était très difficile à gérer, il me faut quelques minutes pour comprendre. Il s'agirait d'englober dans la volonté de gagner toutes les conséquences financières et marketing liées au statut de champion, attitude dont on mesure sans peine les risques et les périls.
Il ne s'agit pas, je le répète, de faire du passéisme et certains néologismes célèbres sont entrés avec gloire dans notre vocabulaire nous offrant une palette plus riche pour nous exprimer. "Pour caractériser mon drame, je me suis servi d'un néologisme qu'on me pardonnera car cela m'arrive rarement, et j'ai forgé l'adjectif surréaliste" déclare Apollinaire à propos du titre qu'il a inventé pour "Les Mamelles de Tirésias". Qu'il en soit félicité, mais il faut raison garder : à vouloir à tout prix inventer, il me semble que "sécure" en lieu et place de "sûr" devient carrément ridicule, voire pédant, et révélateur d'une volonté de compliquer à outrance pour mieux se prendre au sérieux !
"L'on voit des gens qui, dans les conversations ou dans le peu de commerce que l'on a avec eux, vous dégoûtent par leurs ridicules expressions, par la nouveauté, et j'ose dire par l'impropriété des termes dont ils se servent, comme par l'alliance de certains mots qui ne se rencontrent ensemble que dans leur bouche, et à qui ils font signifier des choses que leurs premiers inventeurs n'ont jamais eu l'intention de leur faire dire."
RépondreSupprimerLa Bruyère
Inventer toujours, appauvrir jamais ;-)
RépondreSupprimerJe dois être très très "vieille France" car j'ai beaucoup de mal avec tous ces nouveaux mots ainsi qu' avec l'anglicisme.J'utilise WE car je me dis que l'on va me trouver bien pédante d'utiliser "fin de semaine"
RépondreSupprimerNotre belle langue si riche utilisée à son strict minimum ( peu de gens ont un vocabulaire aussi étendu que le tien),n'a pas besoin à mon avis de ces inventions
Il est un groupe social qui se complait dans les néologismes et le vocabulaire "décalé" spécifique : ce sont les adolescents, qui y trouvent non seulement des "emblèmes" d'appartenance à leur groupe mais aussi un "décalage d'opposition" avec le vocabulaire des adultes...
RépondreSupprimerSerions nous dans une société un tant soit peu adolescente ?
Bonne journée à toi et merci pour cet article passionnant.
Norma
Que j´aime ce mot "fleureter", si dommage qu´il soit oublié.
RépondreSupprimerJe vais l´utiliser...
Nous sommes des "adulescents" Norma, le néologisme (on parle ici d'un mot valise !!) est finalement très explicite et Tony Anatrella, qui est un auteur dont j'apprécie beaucoup l'analyse, l'a démontré largement. Nous avons inversé le schéma traditionnel selon lequel nous devrions être des modèles pour les ados et nous tentons, vaille que vaille, parfois au prix de ridicules qui, heureusement ne tuent plus, de "faire jeune"... les jeunes ont donc besoin de se défendre, de se protéger contre ce jeunisme et j'avoue faire mon possible pour ne pas utiliser le fameux "langage jeune" afin de ne pas empiéter sur leurs plates bandes : c'est, à mon avis, une marque de respect de leur besoin de se construire que de ne pas vouloir à tout crin parler comme eux ! ils sont, du coup, obligés d'inventer sans cesse !
RépondreSupprimerAnne c'est fou finalement ce que les classiques restent d'actualité et il est bon de rappeler que ce qui nous choque ou nous morfond n'est pas chose récente !!
RépondreSupprimerAloïs je partage ton désir de ne pas me perdre dans ces néologismes, même si certains finissent pas s'imposer par leur clarté, voire leur nécessité. EN fait le problème est de trouver, au plus près, LE mot juste.
Chic, inventons... et tu as raison, ayons le souci de ne pas appauvrir. Alba, tu nous diras ce que ça donne quand tu demanderas à tes enfants ou à un jeune que tu connais, s'il fleurète sérieusement !!! Je viens d'aller sur ton blog pour tenter d'en savoir un peu plus sur toi, en remontant dans le temps, mais il n'y a pas d'indications dans les thèmes des billets qui permettent de savoir si tu as ou non des enfants... tu pardonneras ma maladresse !! j'ai en tout cas encore admiré avec un intense plaisir ton iconographie somptueuse et les découvertes que tes photos nous offrent... un vrai plaisir !
Caroline a dit :
RépondreSupprimerNouveau vocable que l'on entend depuis quelque temps et dont les journalistes abusent : "chaud bouillant" . Belle figure de style!
Il m'arrive de sursauter parfois lorsque j'entends des mots inventés et totalement idiots à mon sens (un peu comme ton "sécure"). A d'autres moments j'en trouve d'autres plutôt amusants, voire poétiques et j'aime l'ingéniosité de ceux qui ont su créer quelque chose d'aussi bien adapté. Je n'ai malheureusement pas d'exemple qui me vient à l'esprit pour l'instant...
RépondreSupprimerLes enfants sont parfois de grands inventeurs de mots... Mon Astheval quand elle avait 4 ou 5 ans m'avait répliqué un jour alors que je lui disais "Arrête de rechigner "
"Pourquoi, j'ai pas encore chigné... " C'est plus joli que sécure, non ?
C'est cure ou sécioure ? A la bravitude nul n'est tenu ;-)
RépondreSupprimerLes politiques sont aussi très forts pour créer des mots... Ils rêvent sûrement d'avoir leur terme dans le Petit Robert... Voilà une super façon très utile de rester dans l'Histoire...
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