Cette fois l'idée me vient de Colibri... connaissant sa réserve naturelle je puis vous assurer que l'idée m'est venue en la lisant mais qu'elle n'avait nullement l'intention d'en faire un thème de partage. Pourtant connaissant aussi sa spontanéité et son tempérament chaleureux, je suis (presque) sûre qu'elle ne m'en voudra pas de rebondir sur le sujet... Et si nous racontions notre "première Venise" ?
J'avoue que, bien que passionnée d'Italie, le pays de mes grands parents et notre destination d'élection au temps de notre soif inépuisable de découvrir, et forcément amoureuse de Venise, je ne suis pas fanatique des blogs sur la Sérénissime, qui reste pour moi un jardin secret, un refuge, et que j'ai besoin de cultiver à l'abri des regards et des mouvements pendulaires qui en gâchent si souvent la quiétude. Pourtant, comme Colibri, je lis avec régularité et un plaisir jamais pris en défaut, TraMeZziniMag où se mêlent impressions, découvertes, humeurs, nostalgies et confidences. Lorenzo parle de Venise, mais aussi de lui et ses écrits sont toujours très sensibles et fort à propos. Je lis aussi le blog de Danielle, découvert il y a peu par l'intermédiaire d'Aloïs et de vos références à toutes, qui l'ont affiché régulièrement sur la fameuse "bande de droite".
Pas plus que Colibri je n'ai donc envie de concurrencer les experts et mon côté dilettante, ou plutôt "amateur" au sens éthymologique du mot, me pousse à éviter les spécialisations. Pourtant j'ai aimé l'idée de raconter notre "première Venise", la seule pour certains, la première d'une longue série pour d'autres dont je suis, celle que nous avons toujours rêvée pour l'avoir entrevue dans un film ou dans un livre pour ceux qui n'ont pas eu encore la chance d'y aller.
La mienne, je devrais dire la nôtre, mais qu'Alter me pardonne d'utiliser la première personne du singulier pour la commodité du récit, remonte, excusez du peu, à 1980... Trente ans déjà de bons et loyaux séjours, avec à chaque passage de nouvelles découvertes, de nouvelles émotions. Mais revenons à l'année 1980.
Nous avions déjà la passion de l'Italie et cet été-là il nous prit le désir de partir sur les pas d'Andrea Palladio dont on fêtait le 400ème anniversaire de la mort. L'époque n'était pas encore aux grands messes événementielles, mais nous avions découvert l'anniversaire au hasard de quelque lecture et décidé de faire notre voyage de l'été sur les pas de l'architecte. Rien de prévu pour les touristes, au contraire de 2008 où les agences de voyages et offices de tourisme de tout poil ont organisé à qui mieux mieux des circuits balisés à l'occasion du 500ème anniversaire de sa naissance. Là, nous sommes partis à la découverte, Padoue, Vicence où nous avons éprouvé un véritable choc pour le Teatro Olimpico, et surtout une virée mémorable à la recherche des villas du maître. La Rotonda en travaux, la Valmarana, la villa Pisani, et une foule d'autres demeures, introuvables, abandonnées, parfois massacrées, le plus souvent fermées depuis des lustres et dénichées après des heures d'errance. Les cartes étaient imprécises, les adresses incertaines et on n'imaginait même pas à l'époque qu'un jour existeraient des GPS ! Nous avons même longuement erré dans les sous-sols d'une villa palladienne déserte, en ayant l'impression d'être dans les cuisines du Don Giovanni de Losey... Alter dit que tous ses communs se ressemblent et que l'idée d'avoir vraiment vu les cuisines où Losey tourna une scène de son film tient de ces fameuses légendes qui peuplent nos souvenirs de pépites improbables, revues et corrigées selon notre propre volonté.
Au départ de Padova, c'était en 1980 les débuts de ce qui est devenu un incontournable touristique, nous avons décidé de faire la fameuse croisière sur la Brenta. Un seul bateau en ce temps-là, baptisé comme il se doit le Burchiello, et je vous assure que nous étions fiers d'être à son bord. Très tranquilles, nous étions peu nombreux car le circuit ne faisait pas encore recette, nous avons pu parfaire notre découverte du maitre d'oeuvre de tant de monuments praticiens, en visitant certains (Stra, la Malcontenta), en admirant d'autres lors de cette promenade inoubliable. Et cette croisière se terminait en apothéose par une arrivée unique sur la lagune, nous déposant sans autre forme de procès au pontile Giardinetti.
Imaginez notre stupéfaction... Nous n'avions jamais vu Venise et venions de passer quelques heures paisibles entre herbes et ajoncs, sillonnant sur une eau calme entre de superbes demeures. Et nous voilà débarqués au milieu "d'une agitation frénétique de vaporetti et de motoscaffi, dans une ambiance brumeuse et bruyante après la douceur du canal. Venise très belle, surprenante, prenante, a surgi. De près, ce fut une certaine déception due à l'atmosphère, trop violente, trop compacte. Une foule de touristes et de "trucs à touristes", les petites rues sombres et désertes entrevues sans savoir y aller" Je cite le journal de voyage qui relate ces 2 heures passées à Venise, avant de reprendre le bus vers Padova, puisque la croisière prévoyait de nous rapatrier à notre point de départ. Même pas le temps de voir la Chiesa del Redentore qui pourtant s'inscrivait dans notre périple palladien.
Il faut dire que, un vendredi du mois de septembre, la foule battait son plein, et notre premier contact fut abrupt. Trop bref quoique totalement unique : cet accès qui nous a permis de découvrir la ville par la lagune, émergeant énigmatiquement pour nous d'une atmosphère ouatée, nous a fait une telle impression que nous n'avons eu de cesse d'y venir et d'y revenir... Nous avions, malgré l'agression touristique et l'impression d'oppression occasionnée par l'affluence, pressenti qu'on pouvait visiter Venise autrement qu'à travers les chemins balisés. C'est bien sûr ce mode d'appropriation des lieux que nous y avons toujours privilégié.
Dès février 1982, nous entamions là-bas le premier des multiples séjours que nous y fîmes ensuite, premier rendez-vous d'amour avec Venise. C'était le 3ème carnaval renaissant. Là encore la foule était inattendue : nous ne savions même pas en y allant qu'un Carnaval avait lieu, car il n'était à l'époque l'objet d'aucune publicité* et seuls des italiens s'y pressaient en masse. Cela nous a émerveillés, la manifestation avait encore quelque chose de spontané, de presque authentique même si nombre d'entre eux arboraient déjà des costumes loués à grands frais, beaucoup jouaient vraiment le jeu de la folie du déguisement "impulsif". Et la ville, transie de froid, ruelles dépeuplées, musées déserts et non chauffés, églises pleines de courants d'air et d'obscurité, nous a séduits, envoûtés et convertis définitivement à ses charmes les plus improbables. Mais cette histoire là, celles de nos longues pérégrinations, de nos "aqua alta" barbotantes, de nos flâneries improvisées, de nos Sprit envoutés, ce n'est plus "ma première Venise"... c'est une longue histoire d'amour qu'il serait absurde de raconter tant elle est banale.
Il ne vous reste plus qu'à raconter à votre tour votre "première Venise", forcément magique, nécessairement unique et la ronde reprendra entre nos blogs !
* C'est un peu faux car j'ai retrouvé, dans le fameux "journal de voyage de l'époque" un article de François Chalais soigneusement conservé et datant de mars 1980 qui, après avoir déploré la violence en Italie, note qu'avec ce Carnaval "vous avez la fête superbe, sans ivrogne ni bagarre, tranquille malgré sa frénésie, que des torchères somptueuses de la Fenice illuminent a giorno sans égard pour les consignes qui demandent d'économiser l'énergie. Mais demande-t-on à Cellini de se montrer regardant sur le poids d'or des ciboires". Lyrique, Chalais, qui continue dans la même veine "Dans un monde devenu triste, nous ne savions plus que des gens pouvaient avoir l'air à ce point heureux"
Merci pour cette "première Venise", un récit que je trouve parfaitement authentique et qui correspond à mon état d'esprit sur la Sérénissime.
RépondreSupprimerJe te raconterai ma "première Venise", en 1997, dès que j'aurai le temps (en ce moment, j'ai vraiment trop de travail), mais c'est promis !
Celle qui m'a fait la peindre, des années après...
Celle qui ne m'a pas fait découvrir la Giudecca et San Giorgio, tellement il y avait du brouillard (c'était en février) et qui nous a poussés à y revenir à Pentecôte de la même année, sous le soleil... Et là, j'ai vu...
Mais, tu vois, j'en parle déjà.
Promis, je raconterai "de vrai" dès que j'aurai le temps, je scannerai les photos...
Merci pour ce message et à bientôt !
Norma
J'ai jamais...enfin j'veux dire...c'est ma première fois...;-)
RépondreSupprimerEt voilà, on passe aux aveux embarrassants, Chic... je m'en doutais bien un peu car sinon tu aurais eu quelques clichés top dans tes archives
RépondreSupprimerNorma, y pas urgence, ces invitations à suivre une idée c'est pour les jours où on sèche lamentablement sur la page blanche ! Et puis aussi c'est pour le plaisir de partager
C'est une très belle et authentique publication que vous nous offrez là, Michelaise. Merci de partager ces souvenirs et leur émotion avec nous.
RépondreSupprimerAnne
Par contre, j'ai connu une fille qui voulait que j'l'appelle Venise...quelle drôle d'idée ;-)) quelle drôle d'idée (tatatatata)
RépondreSupprimerTes photos sont ma...on sent ta fibre italienne :) Mimi, elles originales...et ça j'aime
RépondreSupprimerMerci merci Anne, et Chic, vos compliments, chacun à leur façon, me touchent vraiment... J'espère que tu ne chantes pas trop faux Chic ???
RépondreSupprimer"Ma première fois Venise" c'était en 1970, tu sais, avec ma petite fiat... Inutile de te dire que beaucoup d'eau a coulé sous le pont des soupirs et nous ne sommes pas encore retournés dans cette ville mais je sens que l'Amoureux y emmènera bientôt son Enitram...
RépondreSupprimerEn tout cas ton article, comme tous ceux des passionnés qui racontent Venise, me donnent très envie d'y retourner, quarante ans après!!!
Très sympa cette première Venise.
RépondreSupprimerJ'ai reconnu une photo!
Il y a deux ans ma première Venise, une journée seulement ..le mois prochain j'y retourne pour une journée de plus..difficile de faire plus touristique et historique...et bien-sûr Romantique.
RépondreSupprimerMa première Venise est seulement fantasmée... J'espère vraiment qu'elle se concrétisera un jour ! Ma fille va avoir la chance de découvrir ce lieu splendide le mois prochain. Je suis JA-LOU-SE ! (mais je vous montrerai quelques-unes de ses photos.)
RépondreSupprimerMerci Michelaise pour ce bel article.
Odile, j'espère que, comme Enitram, et ta fille, et tous ceux qui en rêvent, tu auras l'occasion d'y aller bientôt
RépondreSupprimerGérard, tu vas aimer y balader ton oeil optique ! c'est le paradis des photographes, fussent-ils romantiques
Aloïs, laquelle as-tu reconnu ???
Ah Venise, je me sens un peu * larguée*, il y a si longtemps que je n'y suis allée... pour acheter des perles de verre. Et toi, tu fais des mosaïques en verre de Venise ?
RépondreSupprimerAvec quelle méthode tu fais tes mosaïques, sur le blog ?
Michel a trouver * life quartz.app *
Un petit bonjours de Lausanne.
Béatrice, en fait je rêve de m'y remettre à la mosaïque, mais j'ai trop, trop et trop de travail (y a de la révolte dans l'air là !!). C'était de la mosaïque ravennate, avec des pavés de chez Dona :
RépondreSupprimerhttp://www.mosaicidonamurano.com/
c'est le seul qui fasse aussi de gros pavés de verre pour avoir plus de 1 cm d'épaisseur dans le sens de la casse du verre !
Je ne suis allée à Venise qu´une fois mais le séjour fût si bref que je dois absolument y retourner.
RépondreSupprimerEblouissement, je n´avais pas assez de mes deux yeux, je ne pouvais tout assimiler, frustrée je suis repartie mais émerveillée...
Bon dimanche.