HUMEUR

On se claquemure, on se barricade, on s'enferme dans nos murs protecteurs... Il le faut, nous dit-on, et c'est là la sagesse. Et pourtant je n'arrive pas à m'y faire. Ma porte est toujours ouverte et pourtant, parfois, comme ce soir, il m'arrive de donner un tour de clé, en voyant le manège de quelque automobiliste qui, allez savoir ce qui lui passe dans le crâne, passe et repasse 4 fois devant chez moi, alors que je sors mon chien ou mes poubelles. A quoi ce type de comportement peut-il correspondre dans la bobine étrange de celui qui s'y livre ? Va savoir, mais la vie apprend, aux dépens de notre âme, aux dépens de notre générosité, la méfiance et la suspicion. Et cela me provoque toujours un mouvement d'humeur.

Pourquoi fermer me direz-vous ? Tu fais de la paranoïa et ne t'en prends qu'à toi. Peut-être, et finalement ce serait mieux ainsi. Mon quartier est désert l'hiver, j'en ai fait les frais ces derniers jours : impossible de trouver le moindre voisin pour savoir si ma panne d'électricité venait du réseau ou de ma propre installation. Ces lieux qui, dès le mois de juin, ressemblent tristement à une banlieue surpeuplée de ville moyenne, et où l'on vous vole vos pots de fleurs jusque devant votre porte, sont en cette saison délicieusement abandonnés et je ne m'en plains guère. Le matin, sortir dans la rue et entendre roucouler les pigeons, ronronner l'Océan et siffloter le vent rien que pour soi, cela donne l'impression d'avoir un petit morceau de bonheur particulier. Pour autant, à la nuit tombée, on y est bien aussi, à condition qu'un manège suspect ne vienne pas troubler votre sérénité.

J'aimerais comprendre ce qu'imagine celui qui fait des tours et de détours pour m'offrir cette danse énigmatique ? Que je vais lui faire signe et l'inviter à rentrer chez moi ? Comme me mettait autrefois en colère, ces moeurs se sont calmées, les routiers qui vous assommaient d'appels de phare dès que vous aviez, mesdames, le malheur de les doubler. Je me demandais chaque fois si j'avais crevé ou si mon pot d'échappement tombait ! Que veut-il ce chauffeur en veine de temps perdu, va-t-il venir sonner, a-t-il des projets de razzia, ou pire ? Las, inutile de s'attarder sur l'insondable des réactions humaines, je pourrais dire masculine. Car malheureusement ce genre d'événements n'arrive qu'avec des conducteurs !

On donne un tour de clé et l'affaire est entendue, cela s'appelle de la prudence. Et si la prudence m'ennuie, qu'y puis-je, il faut être raisonnable et ne pas en faire un fromage ! Mes révoltes sont d'un âge révolu où l'on pouvait quitter sa maison en laissant la clé dans un pot de fleurs ou simplement en tirant la porte derrière soi. Pas de passéisme Michelaise !