Samedi nous avions, mois de juin oblige, une quantité impressionnante de sorties en vue, et, en prime l'obligation morale d'aller voir belle-maman... Mais notre amie Fanfan fêtait son départ prochain à la retraite et le choix de la sortie fut vite fait : nous irions sur l'île d'Oléron nous gaver de fruits de mer et marquer d'une pierre blanche ce moment particulier. J'avoue m'être toujours dit que ce genre de festivité, quand viendra mon tour, ne m'attire pas particulièrement mais j'imagine qu'on a envie de dire au revoir à ceux qui restent et de les rassembler autour de soi pour un dernier échange informel. C'est souvent l'occasion de discours, d'hommages plus ou moins sincères et de cadeaux parfois de circonstance mais toujours appréciés par les impétrants à ce nouvel état. Fanfan était particulièrement ravie de l'ipad annoncé, mais pas encore livré pour cause de lancement tout récent.
La retraite est, nous n'y sommes pas encore, un peu comme la dernière marche qu'il faudrait franchir avec brio. S'y préparer est sans doute la chose la plus difficile qui soit. Renoncer aux desseins insensés, mal ficelés, trop égoïstes ou vains, serait la première étape raisonnable. Ne pas céder aux pièges de l'ambiance actuelle, toute en consommations et hédonisme de bon aloi serait une seconde marche bénéfique. Malheureusement on ne sait plus prendre du recul par rapport aux sollicitations chimériques de notre environnement, et il est à craindre qu'on n'ait pas la sagesse requise pour réussir cette vie-là, sans la gaspiller. Il faudrait, et j'en ressens très fort le désir sans jamais trouver les moyens de le "poser" sérieusement, prendre le temps d'une vraie réflexion, ne pas se laisser déborder par les jours, réinventer sa vision du monde, nouvelle, personnelle, voire révolutionnaire. On en connait maintenant un certain nombre d'aspects et on ne pourra pas dire qu'on n'était pas prévenus !! On sait qu'on n'a plus de droit à l'erreur et il serait temps d'en prendre conscience, mais cette conscience-là nous gêne et nous titille aux entournures : on préfère l'improvisation à ses aspects rébarbatifs. Allons donc, toutes ces histoires exsitencielles, c'est bon pour les autres !
Cette retraite qui fait tant fantasmer, qu'on désire violemment quand on rentre le soir, fourbu et vaguement démoralisé par une journée de travail aux accents incertains... Dont on admire les effets bienheureux sur les "jeunes" retraités qui ont plus l'air d'étudiants en grands vacances que de vieux en fin de vie, surbookés d'activités toutes plus passionnantes les unes que les autres... Qui s'éternise en dizaines d'années chez les plus anciens, qui déclinent doucement après de longs moments savourés dans la sérénité...
Et pourtant cette retraite qui effraie et révulse à l'idée que ce sera la dernière étape ! Car il faut bien être réaliste et ne pas entrer dans le jeu de notre société jeuniste, qui privilégie le loisir et l'épanouissement de soi, au détriment de la sagesse et du simple bon sens.
Qu'en est-il réellement ? A s'user le caractère et le tempérament à des tâches rebutantes, des travaux sans horizon et des démarches administratives stériles, on se dit qu'il doit être bon de se construire un avenir sans aspérités... fut-il le dernier... On se prend à rêver, car on aura sans doute de l'énergie, à des talents enfin dévoilés, à des libertés enfin exploitées, à d'infinis espérances comme vers un avenir meilleur. Mais cet avenir, on l'a eu déjà, plusieurs fois même, dans les 60 années qui ont précédé. Et qu'en a-t-on fait ? A 20 ans, on avait le monde à nos pieds... et une myriade de possibles qu'on a laissés s'égréner sans trop y prendre garde. Il est de bon ton d'incriminer les parents, responsables de nos renoncements, alourdis de nos abdications, et les parents en la matière constituent d'excellents boucs émissaires. Ma mère, qui m'énervait en cela, avait coutume de rappeler qu'on n'apprend pas à être parents et qu'on a de toutes façons, tort sur toute la ligne ! A 30 ans, on pouvait construire un foyer, un cocon, mais on a commis les mêmes erreurs que ceux qu'on ne voulait pas imiter. Ou les erreurs exactements inverses, car on était en révolte contre le milieu familial. A 40, on pouvait prendre un deuxième départ et la peur, l'humilité, le renoncement ou la capitulation ont eu raison de nos conquêtes.
Arrivés au demi-siècle, on s'est senti assommés, anéantis par cette échéance aburde et extravagante qu'on ne savait même pas imaginer. C'était le temps des bilans, on se noyait sous des impressions confuses : étrange en effet de se sentir toujours jeune tout en étant déjà sur ce que les bons esprits appellent "une pente descendante". Surprenant d'avoir autant de désirs qu'à 20 ans, toujours aussi neufs et encore plus forts du fait de cette échéance compliquée. Et puis, petit à petit on a commencé à remonter la pente, le coeur plein d'espoir. A refaire des projets, à réapprendre à vivre sans les enfants qui avaient constitué tout un pan incontournable de nos lendemains, à reconstruire un futur aux dimensions démesurées, sans admettre encore la finitude.On se remet trop vite de la cinquantaine, sans tirer vraiment leçon de cette répétition de ce que sera notre avenir : une lente diminution des années sur lesquelles on peut encore compter pour réaliser ses ambitions, ses rêves et ses projets.
La retraite est, nous n'y sommes pas encore, un peu comme la dernière marche qu'il faudrait franchir avec brio. S'y préparer est sans doute la chose la plus difficile qui soit. Renoncer aux desseins insensés, mal ficelés, trop égoïstes ou vains, serait la première étape raisonnable. Ne pas céder aux pièges de l'ambiance actuelle, toute en consommations et hédonisme de bon aloi serait une seconde marche bénéfique. Malheureusement on ne sait plus prendre du recul par rapport aux sollicitations chimériques de notre environnement, et il est à craindre qu'on n'ait pas la sagesse requise pour réussir cette vie-là, sans la gaspiller. Il faudrait, et j'en ressens très fort le désir sans jamais trouver les moyens de le "poser" sérieusement, prendre le temps d'une vraie réflexion, ne pas se laisser déborder par les jours, réinventer sa vision du monde, nouvelle, personnelle, voire révolutionnaire. On en connait maintenant un certain nombre d'aspects et on ne pourra pas dire qu'on n'était pas prévenus !! On sait qu'on n'a plus de droit à l'erreur et il serait temps d'en prendre conscience, mais cette conscience-là nous gêne et nous titille aux entournures : on préfère l'improvisation à ses aspects rébarbatifs. Allons donc, toutes ces histoires exsitencielles, c'est bon pour les autres !
Donc on fête son départ comme une énième manifestation de cette manie de l'événementiel qui nous dévore, on s'émeut d'un cadeau bien choisi, de manifestations de sympathie qui nous semblent éternelles, et on s'engouffre dans ces lendemains pourtant définitifs sans prendre la vraie mesure de l'enjeu. Et sans doute est-ce beaucoup mieux ainsi, la vie est souvent une improvisation qui mérite d'être flânée !!!
Je ne sais pas que penser de la retraite...
RépondreSupprimerCertainement une étape importante, liée à quelque chose d'à tout jamais terminé et en même temps, certainement, une nouvelle liberté qui s'ouvre...
Une chose est sûre, c'est que "j'essaie" toujours de vivre ce jour comme si c'était le dernier..., en tout cas, je m'y efforce...
Alors, il n'y a plus d'échéance, plus de peur de vieillir, il y a aujourd'hui ce printemps souriant qui ressemble déjà à l'été...
Mais j'ai le moral ce soir, c'est peut-être pour cela que je t'écris ces mots...
Bonne soirée, Michelaise !
Norma
"La vie est souvent une improvisation qui mérite d'être flânée": je retiens cette phrase, Michelaise, car elle contient un secret de bonheur.
RépondreSupprimerJ'ai toujours pensé aussi qu'il ne fallait pas attendre des lendemains supposés meilleurs pour faire ce qui nous tenait à coeur et, chaque jour, je me suis félicitée des choix que j'avais faits en ce sens, le plus important pour moi étant la pratique des arts visuels.
La nostalgie et une certaine confusion sont parfois inévitables face au passage du temps, mais elles constituent l'occasion d'un élagage sain et dynamique qui recentre sur l'essentiel de l'existence.
Enfin, je tiens de ma grand-mère un joli petit dessin sur lequel est écrit cet extrait que vous reconnaîtrez: "Nuage noir, va dire là-bas qu'un cerveau pense ici...et reviens blanc!"
Je vous souhaite une joyeuse semaine.
Anne
C'est la vie Nicole, il y a des retraités heureux, des moins heureux des jeunes heureux, des moins heureux, voilà chacun doit vivre sa vie et s'il peut le faire comme il l'entend alors c'est peut être là la réalité du Bonheur !! de toutes façons on ne vit qu'une fois... alors pas de regret à avoir ce qui est vécu l'est , il faut toujours aller de l'avant ... profiter de tous les petits bonheur qu'on nous offre ou que l'on s'offre et puis le reste ...
RépondreSupprimerIci la retraite est attendue comme le Messie.
RépondreSupprimerEnfin faire tout ce que j'ai envie de faire ,prendre mon temps.
Je pense qu'elle va arriver beaucoup plus tôt que prévu du moins à partie de septembre je vais encore davantage lever le pied.
Je n'appréhende pas du tout,j'en ai tellement assez de tout faire en courant,enfin pouvoir le matin s'attarder à bouquiner si l'envie m'en prend où m'attarder dans le jardin,improviser,j'en rêve.
Je pense que tout dépend des caractères,pour certains ce sera l'antichambre de la mort pour d'autre une nouvelle vie qui commence.
Et puis certaines personnes sont hyper jeunes dans leur tête à 80 ans et d'autres des vieillards à 40.
Je suis bien d'accord "la vie est une improvisation qui mérite d'être flânée"
J'aime beaucoup la phrase proposée par Anne, elle convient parfaitement à ce billet que tu nous proposes Michelaise.
RépondreSupprimerOn me dit souvent que j'ai la vie devant moi mais je préfère, comme Norma, essayer de penser d'abord au présent...
Norma, en effet une sagesse nécessaire et salutaire que de vivre l'instant présent si pleinement que l'avenir ne fait pas peur.
RépondreSupprimerAnne, c'est en effet par cet élagage que nous nous propulsons vers des lendemains toujours nouveaux. Mais élaguer veut dire couper, et parfois ça fait mal !! J'adore l'histoire du nuage, elle est tellement efficace dans sa formulation qu'il faut absolument la retenir.
F.DeA pas de doute, c'est ainsi qu'on progresse et qu'on tisse sa vie au mieux !
Oui Aloïs, pouvoir prendre son temps, perdre son temps en tout impunité, déguster, découvrir, et ne plus se laisser prendre aux pièges de l'activisme qui a façonné nos vies !
Astheval, ma toute belle, oui tu as la vie devant toi, mais tu prouves dans chacun de tes billets que tu sauras la vivre pleinement, riche et inventive, multiple et lumineuse !
La thébaïde ne se faisait-elle pas dans le désert ?
RépondreSupprimerJ'adhère aux réflexions de vous toute.
RépondreSupprimerJe suis à la retraite, cela vas faire 10 ans en septembre. Comme vous avez du le constater avec les photos, parfois de mes vitrines culturelles, je travailles toujours avec le plus grand bonheur, car j'ai la chance de pratiquer un métier super intéressant, aussi grâce à mes clients qui me laissent *carte blanche*. Je commence à vendre les décors que je suis sûre ne plus utiliser dans le futur. Avis aux propriétaires de pharmacies avec des vitrines d'une certaine surface.
MAIS, quand j'arrêterais la déco, je suis persuadée que je ne m'ennuierais pas du tout.
Un petit coucou d'une retraitée heureuse. Lausanne.
Bien sûr Béatrice, la retraite est un vrai temps d'épanouissement et tu as l'air d'en être un parfait exemple.
RépondreSupprimerOui la Thébaïde est un désert et j'entendais par ce titre opposer la retraite "grandes vacances et rêves de consommation à outrance" à une retraite retour à l'essentiel où l'on aurait enfin appris les vraies valeurs et où l'on saurait pratiquer une certaine sagesse. Comme le ferait un ermite dans sa thébaïde ! Si tant est que le désert soit porteur de réflexion...
Michelaise.
RépondreSupprimerTu parles d'âges. juste une petite réflexion couchée sur le papier : Avec saturne en maison 1, tout est arrivé très tard dans ma vie, la découverte de la poésie, de la musique, je partait en GB à 28 ans, appris à conduire la bagnole tard vers les 35 ans ( j'ai la mémoire qui flanche). Me suis lancée à mon compte aussi très tard. ce qui m'a obligée d'apprendre à conduire. Tu vois, comme tout est décalé, je ne sais pas encore ce que je vais entreprendre à 90 ans...
Ah le désert !!! Expérience inoubliable.
RépondreSupprimerDormir sous les étoiles, le vent de sable, le thé, les repas préparés par les touaregs, les virées en 4x4 dans les dunes de sable, les découvertes de paysages aussi différent les uns que les autres. les peintures rupestres ... mises sur le blog il y a quelques mois, à l'occasion de films sur les découvertes archéologiques.
Et tout, et tout.
Toujours une question de temps :) Retraite...moi je trouve que le mot est mal choisi. Le temps est relatif comme le démontre Einstein en 1905 (!), mystérieux, fascinant...on n'a pas une minute à perdre, pas assez d'une vie et pourtant on ne peut pas vivre sans prendre son temps :)
RépondreSupprimerBon moi j'ai pas cotisé assez, donc je vais rester accrochée à mon balai et je suis à l'abri de l'opération collègues hypocrites et canne à pêche ou pire stage de remise en forme avec "meilleure" amie, au s'cours...
RépondreSupprimerLe désert faut pas rêver, ça se marchande bonbon...
Sinon,je croise plein de retraités aux Archives Départementales, c'est d'un déprimant, je savoure mes dernières années de taxi à la sortie des lycées ....