dimanche 18 juillet 2010

RETOUR AU BERCAIL

La fraicheur de notre estuaire, le calme relatif de nos côtes pourtant bien enfiévrées, la bonhommie des gens, la modestie du propos et le verbe beaucoup plus discret de ceux que nous croisons... Cela fait du bien de rentrer au bercail ! Alter à qui je racontais mon aversion pour cet air lourd, saturé de cigales, où chaque pas pèse une impression de brûlure et provoque une inévitable sensation d'étouffement, me demandait de lui raconter mon enfance...
Ces vacances solitaires dans un Marseille chauffé à blanc, cette impression d'ennui et d'abandon auprès de grands-parents qui travaillaient, me gavaient de mets enrichis de lipides indigestes ou me parlaient haut et fort des querelles de famille en cours, et de la liste fluctuante de nos ennemis du moment, cette tante capricieuse et autoritaire qui jouait à la poupée avec moi, tout cet univers que l'enfant que j'étais subissait sans y comprendre grand-chose ? Qu'en dire ? A part le parfum des navettes aromatisées à l'eau de fleur d'oranger et le bruissement des rideaux de perles quand on entrait dans la fraicheur des commerces endormis, aucun vrai souvenir de vie à lui décrire.
Plus tard, une grande histoire d'amitié qui ajoute à ces sensations celle d'une immense tristesse romantique, bienfaisante certes mais un peu exhaltée, des odeurs de résine et l'inexpugnable mépris du monde adulte qui s'offrait à nous, étalant sans vergogne ses préoccupations médiocres ou que nous jugions telles... Une magnifique chronique adolescente dont il n'est rien resté, sauf l'étonnement de la fragilité des rêves... Cela se dit-il avec des mots de tous les jours ? Mais cet immense malaise explique forcément cette impression d'oppression qui me saisit quand l'air devient méditérannéen et la sensation de délivrance que j'ai toujours éprouvée aux approches de l'Océan !

9 commentaires:

  1. CA explique... en partie seulement ! Je n'ai pas connu la même enfance ou adolescence que toi, et pourtant j'ai les mêmes sensations... désagréables, à l'approche de la Méditerranée estivale. Oppression, oui, c'est un mot qui me va bien pour cette région-là,où j'ai fait l'erreur de vouloir habiter...
    C'est cette même sensation d'oppression qui m'a empêchée d'intervenir sur tes articles théatreux (pardon pour le "eux", il s'applique à mon impression personnelle envers le théatre : j'ai du mal avec "la scène", je ne me sens pas bien du tout au théâtre, trop d'intimité avec les acteurs, et trop de proximité avec les spectateurs).
    Donc le théâtre + la chaleur étouffante + la foule : au secours je fuis...

    Je préfère mille fois ton estuaire, solitaire et calme... Merci pour cette belle image.

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  2. Etrange coïncidence ! J'étouffe également quand je redescends dans le "sud", là où j'ai vécu près de 20 ans et, pour rien au monde, je n'y retournerai tant je trouve l'apaisement dans les régions plus au nord, en Bretagne pour l'instant où même les tempêtes m'apaisent !

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  3. Ah Odile, j'aime ta franchise et suis tout à fait prête à comprendre combien le théâtre, ses ors, ses paillettes, sa promiscuité, son côté carton pâte, te déplaise. C'est normal, et sauf à vouloir s'entendre raconter des histoires, et se soumettre à la loi des mots, pour le plaisir de les entendre ricocher, tout cela peut paraître bien vain, à juste titre !!
    Et ce Sud, je vois que je ne suis pas la seule à en détester les effluves trop chargés, comme une haleine lourde. Merci les filles de me partager vos impressions, si proches des miennes.

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  4. Vous écrivez bien, mais peut-être caricaturez trop ? Va pour l'air lourd saturé de cigales (j'ai un tee-shirt avec au dos "sièu dou païs, me fague pas cagua eme te cigalo") mais je ne crois pas que nous nous tenions toujours dans le verbe haut. Et si c'est le cas c'est probablement un atavisme dû au climat ou aux occupations agricoles: le Mistral oblige à parler fort comme communiquer dans les champs détermine un parler fort et imagé. J'ai vécu aussi ces places chauffées à blanc et ces soirs où le frais à prendre tarde à venir nous glissant dans des sommeils improbables. Restait à nous organiser dans le tôt et le tard, à nous réfugier dans l'ombre fraîche tapie derrière les rideaux de buis que l'on écarte d'une main (ceux dont vous parlez, on en fabrique toujours à Avignon-Montfavet).
    Encore 10 jours de cris et de foisonnement dans Avignon. Nos bobos se plongent avec délice dans un In toujours aussi peu populaire, j'entends grand Public; nos écolos ne trouvent rien à redire aux centaines de tonnes d'affiches, papiers, tracts gaspillés dans une ville sale, taguée, encombrée de voitures; les Nouveaux Provençaux continuent à siroter à 15h, en plein cagnard des pastis qui font peuple et air d'ici...Devant les salles des ex-cinémas les longues files d'attente disent le bonheur de ceux qui vont retrouver sur les planches les mièvreries et le touche-pipi de leurs feuilletons TV favoris. Pendant ce temps des compagnies comptent leurs sous et leurs entrées chèrement arrachées aux autres (1092 spectacles) à coup de parades suantes et de galères assurées. Heureusement quelques pépites sont récompensées...
    Je comprends que vous aimiez le calme de votre estuaire et l'à-peine morsure de votre soleil...Mais c'est votre soleil, pas le nôtre.
    Ben couralamen, a l'an que ven. Roberto.

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  5. Belle image de retour.
    Nous allons certainement nous faire lyncher mais moi non plus je n'aime pas la méditerranée,je m'y ennuie,rien ne s'y passe.
    Pour moi ce sont des kilomètres de surfait.
    Est- ce dû au fait que les marées y soient si peu marquées?
    Est-ce dû aux vacances que nous imposait ma mère qui ne connaissait pas autre chose que la plage côté pile,côté face?
    Un de mes oncles habite Antibes j'y suis invitée à bras ouverts,je n'y mets jamais les pieds

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  6. Ho!la! la! vais-je réussir à rattraper mon retard de lecture ?

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  7. Ce texte est si bien écrit qu'il est difficile de s'exprimer après lui.Mais quand même.
    Je ne déteste aucune région; Pas plus le sud que le nord l'est ou l'ouest, lieu de ma résidence. Non, ce qui m'agace, c'est la foule, les rassemblements de masse, les effets "mode" qui transforment le littoral en plateforme parisienne, le déballage de fortunes, mais pour le reste, j'aime plutôt la nature jusqu'à m'y promener et surtout travailler quand elle m'inspire. Quant à ma jeunesse, je l'aurais voulu moins douloureuse, même s'il m'en reste quelques bribes de bonheur. Je n'aurais jamais eu à souffrir de l'abondance de quoi que ce soit ni de quelques gavages de grands parents, à part une grand mère qui vécu jusqu'à l'age de mes dix ans, les autres avaient tous disparu sans que je le connaisse.
    Sur le tard, je me suis réconcilié avec la vie et tâche de la mener avec sérénité sans trop convoquer mes souvenirs.

    Belle journée à toi,

    Roger

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  8. Roberto, j'adore votre réaction, bravo de nous parler de ce parler fort qu'impose le mistral et d'aimer vraiment votre Avignon... vous y avez d'autant plus de mérite qu'on nous le gache pas mal avec ce Festival. Votre lecture du In et du Off, des galères de certains, nombreux, des pédanteries des autres, bien aussi nombreux, est concise, précise et fort à point ! Merci de ce commentaire et oui oui, à l'an prochain. Mon intention n'était pas de cracher dans la soupe, je la prends telle qu'elle est, avec tous ses épices !
    Pourtant, comme Roger, je déteste plus que tout la foule, et ses effets induits... Le Festival, en la matière, offre une large gamme d'inconvénients dont je m'accomode sans me plaindre, parce que j'ai envie de voir des pièces. Faut dire qu'au bord de mon estuaire on est plutôt sevré : pour vous dire, il y a 2 ans, le centre culturel de St Georges de Didonne, qui fait une saison en bonne et due forme, a "osé" un Koltes (combat de nègre et de chien)... le directeur était hyper stressé, il avait peur de faire un four, et malgré la réussite de sa soirée, salle pleine (mais qui sait combien d'invités) il n'a pas réitéré cette année.

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  9. Roger, merci de ce long commentaire sensible et sincère... "Sur le tard, je me suis réconcilié avec la vie et tâche de la mener avec sérénité sans trop convoquer mes souvenirs" nous sommes tous un peu dans ce cas, c'est drôle mais il y a une saison pour dépasser ses déchirures d'enfance, saison finalement très tardive !
    Oh Françoise, pas grave le retard, un blog, ça passe, ça se passe, et parfois cela laisse quelques mots qui retiennent ! Laisse tomber l'hier, on aura plein de demains !
    Aloïs, j'ai pas osé parler de ces fichues marées, car je me suis dit Koka et Mandarine vont se moquer de moi et me dire que je radote, mais ô combien tu as raison, cela modifie la perception de la vie ces marées, le temps qui change, la mer qui engloutit les paysages de l'heure d'avant, c'est vraiment très salutaire pour nos esprits ! J'aime te savoir un peu Océane aussi, ma grande ! Je suis ravie car finalement certains l'ont bien défendue cette Méditérannée qui nous est le berceau de notre civilisaiton, mais quel bonheur que les embruns du large !

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