lundi 20 septembre 2010

MONSIEUR HAYDN : ESPRIT VACANCES (II)


Un festival de musique classique, il faut dire pour ceux qui n'y vont pas, n'osent pas ou croient que c'est sérieux, savant et donc, inévitablement barbant, que c'est une alchimie, différente à chaque fois. Comme Musiciennes à Ouessant était marqué au sceau de la personnalité de Lydia Jardon, "Les Vacances de Monsieur Haydn" est façonné par son créateur, animateur et surtout directeur artistique, Jérôme Pernoo. Une énergie sans faille, une générosité tous azimuts, une simplicité fabuleuse, Jérôme est partout, et les Vacances, c'est lui. Lui, et tous les autres ! Car il règne dans ce rassemblement de musiciens venus passer une semaine "ensemble" dans la petite ville d'eaux de la Roche Posay, une complicité, une connivence, une allégresse qui font chaud au coeur. Et durant les trois derniers jours de la semaine ils nous "accueillent", nous les spectateurs, nous les "amateurs"* pour nous faire partager leur passion.
L'esprit Vacances, c'est un mélange inusité du bonheur de jouer ensemble, et pour les auditeurs, d'écouter. Quelques règles de base qui ont été posées par Pernoo et qui font un peu la marque de fabrique du lieu. Des concerts bâtis tous un peu sur le schéma suivant : des oeuvres classiques ou inconnues, à chaque concert une pièce contemporaine, à chaque concert un Haydn. Jérôme Pernoo qui veut sortir le classique de son ghetto d'initiés, propose, histoire de faire hurler les puristes, un mouvement par ci, un mouvement par là. Une seule oeuvre est exécutée en entier, en général la dernière du concert. Enfin, et c'est le petit côté frondeur de notre artiste, il note partout qu'on a le droit d'applaudir entre les mouvements, ce qui fait un peu frémir certains interpètes mais le public pratique avec gourmandise et laisse jaillir son enthousiasme sans contrainte, histoire ainsi de dire "halte aux terrorismes des loges de spécialistes !".
L'esprit Vacances c'est une proximité naturelle, absolument pas factice ni affectée, avec les artistes. On les croise, on leur parle, on mange pas loin d'eux, ils ne se prennent pas au sérieux, ils vivent simplement leur musique au quotidien.

Le programme s'égrenne sur un week-end, trois jours d'une intensité et d'une richesse inouïes. Entre les concerts principaux, 2 par jour, les "comvoulvoul"... d'autres concerts en fait, mais dont le système de vente de billets repose sur la participation librement choisie et consentie. On glisse un ou vingt euros dans une boîte en forme de tirelire, et on entre, simplement. Enfin, d'habitude, en même temps que le Festival se déroule un Off qui permet aux étudiants de conservatoire de s'essayer au dur métier des armes : le direct, le public, le trac... vachement formateur pour eux, et l'occasion pour le public de découvrir de nouveaux "futurs talents". Cette année, à cause des restrictions dont je reparlerai, pas de Off, au grand dam de Jérôme Pernoo qui considère cette gratuité, ce foisement de pièces éparpillées dans la ville, comme fondamental : c'est l'esprit de SON festival. Je développerai ces problèmes de financement dans un autre billet, mais cette année, pour "consoler" le public de n'avoir point ces découvertes aux trois coins de la Roche, Jérôme Pernoo nous a offert des "surprises", toutes plus délicieuses les unes que les autres, mais qui ont soumis ses artistes à une plus forte pression encore, car c'était les interprètes principaux qui galopaient d'une salle à l'autre. On a eu, en particulier, un concert des 2 Jérôme, Pernoo au violoncelle, Ducros au piano, qui fut une véritable merveille. Le programme, qui voulait réserver la surprise annonçait ceci " De prime abord, B et P semblent faire un curieux mariage. Comment le premier, figure emblématique du romantisme allemand (vous reconnaitrez Brahms) et le deuxième, moderne et sud-américain (nous découvrirons qu'il s'agit de Piazzola) pourraient-ils faire bon ménage ? Cela peut paraître impossible, mais en y regardant de plus près on découvre en P un compositeur savant, on redécouvre en B un compositeur populaire". L'argument, énoncé par J.Pernoo en début de concert, pouvait paraître spécieux, voire un peu tiré par les cheveux, mais je vous assure que, joué par nos deux compères, cela paraissait évident et lumineux. Ils ont commencé par un mouvement de Brahms, d'un romantisme à décoiffer, enchainé sur une danse hongroise et terminé par le Grand Tango de Piazzola,  Exaltant, d'une sensualité étonnnante, une jouissance des sons absolue comme on en croise rarement dans les salles obscures. Un triomphe pour nos deux compères.

Un autre moment fort drôle, dans ces surprises, s'intitulait Castragnette ou Farinelli à La Roche Pasay. Marc Frisch, habitué du Festival, y jouait avec un humour distancié le rôle du célèbre castrat qui vécu, à la Cour d'Espagne dans l'intimité de Ferdinand VI, de son épouse disgraciée, Maria Barbara du Portugal et de Domenico Scarlatti. La reine, grand amateur de musique, employa durant plus de 20 ans le célèbre compositeur italien et Marc Frisch nous a présenté, joué, commenté, de nombreux extraits de sonates en les mettant en scène. Un grand moment !
L'esprit Vacances enfin, c'est la chance inhabituelle d'entendre des sextuors, septuors et autres octuors, toutes formations qu'on croise rarement dans les salles de concert car c'est difficile à monter et ruineux à réunir. Ici, on ajoute les talents des uns et des autres, on bosse (forcément beaucoup ! et sans doute dans la bonne humeur, il n'est qu'à voir les regards et clins d'oeils complices que les exécutants échangent pendant l'interprétation) et on a des formations somptueuses et rares. Pour notre plus grand plaisir. Car c'est aussi cela Les Vacances, le plaisir de jouer ensemble de tous ces artistes de renom, et, induit, notre plaisir d'auditeur, conquis, enthousiaste et heureux.
Pour finir, le clin d'oeil Vacances, ce sont les abominables contrepèteries qui émaillent les programmes de chaque concert : nos joyeux interprètes y mettent tout leur coeur et nous pondent, pour chaque récital, quelques perles atroces, dans le plus pur genre de la contrepèterie trouffionne ! Et je ne suis pas peu fière de vous annoncer que Michelaise et Alter, totalement nuls il y a peu encore, sont passés maîtres dans l'art de comprendre ces jeux de mots louffoques : lors du dernier concert, pas moins de 9 phrases inversées que nous avons toutes remises dans l'ordre, en pouffant comme des gosses. Mais je vous épargne la transcription de ces perles sulfureuses : c'est génial dans l'ambiance, comme les fruits dévorés sur l'arbre ! Cela n'a plus aucune saveur sorti de son contexte !
à suivre...


* L'amateur est le livre somme écrit par Pernoo et dont je vous livre l'argument selon Amazon " Violoncelliste, Arsène vit de ses concerts, mais ne peut s'empêcher de consacrer une partie de son temps à l'enseignement : tous les mois, à Châtellerault, dans une étonnante propriété en bord de Vienne, il réunit une dizaine d'élèves d'âges et de niveaux extrêmement variés, certains même pratiquant un autre instrument que le violoncelle. Davantage qu'à l'étude particulière propre à chaque instrument, c'est au sens même de la musique qu'Arsène tâche d'intéresser ceux qu'il appelle ses apprentis, usant d'expériences très diverses, parfois déroutantes, pour y parvenir. Prenant souvent appui sur les techniques théâtrales, puisant chez Stanislavski mais aussi chez Diderot, il dévoile l'importance du monde intérieur chez le musicien, et refuse de dissocier technique et musique, considérant l'art d'interpréter comme un tout. Dans ce cadre idyllique et propice à l'épanouissement personnel, l'apprentissage n'est pas circonscrit aux leçons proprement dites, mais se prolonge et se développe bien au-delà, à la faveur des nombreuses discussions qui animent les repas, les promenades, ou les rencontres impromptues dans le grand jardin. Si l'inlassable exigence d'Arsène trouve toujours un écho, y compris chez les plus jeunes, c'est qu'elle est servie par un perpétuel enthousiasme, parfois débridé, toujours communicatif. En se disant professeur amateur, il réhabilite le sens premier de ce mot à ce point dévoyé qu'on en a oublié la racine, amare : aimer. Très largement inspiré d'expériences personnelles de Jérôme Pernoo, cet ouvrage les rassemble et les organise de telle sorte qu'il puisse être aussi bien lu comme un roman que consulté comme un guide." En fait L'Amateur se lit en suivant les oeuvres traitées sur le site de Jérôme Pernoo "Web Label", un site étonnant dont je vous recommande chaudement la visite, avec ou sans le bouquin ! Prenez votre mal en patience, ça bouchonne pas mal ces jours-ci ! Normal, tous les festivaliers s'y sont donné rendez-vous...

8 commentaires:

  1. Ce festival me fait penser à celui des Serres d'Auteuil.
    A part que celui de La Roche Posay est plus "romantique".
    Mais comme à Auteuil l'ajout d'une pièce contemporaine,la décontraction tout en nous présentant un spectacle de qualité.
    Rien à voir avec le livre que tu nous présentes mais cela m'a fait penser va-t-en savoir pourquoi qu'il vient d'être édité chez Bourgois ,un livre de Pessoa consacré à des intrigues policières.
    Quaresma déchiffreur

    La quatrième de couverture est alléchante

    http://www.christianbourgois-editeur.com/fiche-livre.php?Id=1178

    RépondreSupprimer
  2. Romantique dans le programme pas dans le cadre car les serres d'auteuil cela a l'air romantique !! Super le bouquin de Pessoa, tu te souviens que je suis une grande consommatrice de policiers, pour leur aspect sociologique ! Alors avec Pessoa pourquoi pas...
    Rassure-moi, l'Amateur, tu ne l'as pas déjà ?

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour, Michelaise.
    L'esprit vacances, c'est un foisonnement de rencontres musicales avec la simplicité qui en fait la beauté.
    Foisonnement de sons et de paroles que l'on cueille comme un fruit dans l'arbre...
    Tu me fais succomber à la tentation...
    Tant mieux.
    Merci beaucoup.Je t'embrasse.

    RépondreSupprimer
  4. Bonsoir Herbert... Tu as parfaitement saisi l'esprit Vacances ! Un festival qui est une vraie gourmandise !

    RépondreSupprimer
  5. Bonsoir Herbert... Tu as parfaitement saisi l'esprit Vacances ! Un festival qui est une vraie gourmandise !

    RépondreSupprimer
  6. Merci pour ce résumé si bien tourné et qui nous va droit au coeur !!
    Faites-nous savoir qui vous êtes l'année prochaine, histoire que nous vous remercions de vive voix !

    A bientôt,
    La bande à Haydn

    RépondreSupprimer
  7. Merci les vacanciers !! j'espère ne pas avoir trop d'âneries dans ces 4 billets... encore que Serge au lieu de Stéphane, mais bon, vous ne cafterez pas auprès de Monsieur Delplace !

    RépondreSupprimer
  8. Nous ne cafterons rien promis !
    Par contre, nous avons quelque chose à vous demander... Vous est-il possible de nous écrire sur la boite du festival : haydnfestival@hotmail.fr en nous laissant votre numéro de téléphone, ou nous appelez directement (05.49.90.79.43) ?
    Merci d'avance, à très bientôt

    L'équipe de Monsieur Haydn

    RépondreSupprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...