samedi 18 septembre 2010

SILENCE

Des hommes et des dieux. Pas facile de parler de ce film rare et précieux, dont l’écoute et la vision relèvent plus de la contemplation que du spectacle. A la beauté purement cinématographique des images, des photos, au plaisir du jeu très juste des acteurs s’ajoute un ressenti qui reste du domaine de l’indicible, un peu intime, un peu secret. Xavier Beauvoir va à contre-courant des standards actuels, comme son film se déroule dans un rythme qui n’a rien à voir ave celui de nos vies pressées, stressées, surtout préoccupées de rentabilité et d’efficacité. Et c’est ce décalage qui provoque l’émotion. Car il nous met en face de nous-mêmes, quelques précieux instants, et nous fournit l’occasion d’une pause, paisible, sereine, douce malgré le tragique du propos.
Vous avez forcément, car le film a été très relayé par les médias lors de sa sortie mercredi dernier, eu connaissance de l’argument. "Un monastère perché dans les montagnes du Maghreb, dans les années 1990. Huit moines chrétiens français vivent en harmonie avec leurs frères musulmans. Quand une équipe de travailleurs étrangers est massacrée par un groupe islamiste, la terreur s’installe dans la région et la question du départ devient de plus en plus pressante pour les moines". Nous avons tous plus ou moins vécu ce drame en direct il y a une quinzaine d’années de cela et été frappé de stupeur lors de cet enlèvement. Xavier Beauvois en fait une ode à la liberté et à l’humanité, une incitation à la paix entre les peuples et à la fraternité. Les frondeurs systématiques s’insurgent contre le succès « populaire » du film, crient au scandale devant le sacrifice consenti (pas si facilement que ça d’ailleurs) par les moines, ressortent les vieilles badernes de l’anticléricalisme qui se révèle ici plus de l’anti-humanité. Il ne faut pas être sectaire, ni dans un sens ni dans l’autre, et l’homme a le droit d’avoir des aspirations spirituelles sans que chacun se récrie au nom d’une laïcité qui n’est belle que lorsqu’elle est tolérante. Comme le sont ces moines.

Le scenario est d’une simplicité totale, et s’il prend à certains de reprocher au film une réel esthétisme, j’avoue que la beauté des images m’a vraiment enthousiasmée. Les acteurs sont tous étonnants de naturel et de conviction : le fait que Beauvois les ait traînés avant le tournage pour faire une retraite dans un monastère les a sans doute imprégnés de l’atmosphère particulière des offices et autres aspects pratiques de la vie monastique. Lonsdale est d’une justesse tirée au cordeau et il impulse à la communauté une vraisemblance parfaite. Une mention particulière pour l’acteur qui joue Amédée, craquant de jeunesse dans le regard. Par contre Lambert Wilson ne m’a pas convaincue, il en fait un peu trop selon moi, il chante avec trop d’application, décide avec trop de pathos. Mais bon, c’est une critique très mineure, parce qu’il faut bien ne pas avoir l’air béate ! Autant, si l’on en croit Lorenzo, la Palme d’Or est contestable, autant ce prix du Jury semble mérité et on se réjouit de voir une salle comble, sous le charme, venir voir un tel film.

11 commentaires:

  1. Je n'ai pas vu le film, mais j'aime beaucoup ton texte qui sonne si juste, lui aussi empreint d'une grande simplicité, donc d'une grande force.

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  2. J'avais lu le "Pour" et le "Contre" dans Télérama et avais décidé de redonner ma confiance à Pierre Murat; il reprochait au film son manque de grâce, une absence de toute spiritualité,le fait que Beauvois ne s'interroge pas sur le mystère de la foi chez les êtres, enfin sa critique était très convaincante, je ne sais si vous l'avez lue, mais le mieux est de se faire son propre avis , n'est-ce-pas ?
    Merci d'avoir donné votre point de vue et bon dimanche.

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  3. Je ne sais pas si ce film est sorti en Italie, j'ai en tout cas laissé passer l'occasion de le voir...
    Thème important et difficile, film donc précieux, j'imagine.
    (J'adore l'allegretto de la 7ème symphonie de Beethoven qui accompagne bien les images de la première bande-annonce).

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  4. Juste un moment inoubliable...as-tu vu le dernier Lelouch, Adèle a adoré !
    Belle semaine.

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  5. Tout à fait d'accord avec toi, un beau film émouvant parce qu'il présente des moines devant un choix terrible, "rester ou partir" mais des hommes avant tout...
    L'humanité au delà des religions...

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  6. Je n'ai pas non plus été convaincue par la performance de Lambert Wilson, qui manquait de sobriété.
    Par contre, j'ai adoré Lonsdale, humble, courageux et tellement humain.
    Je craignais que le film ne défende une thèse, ce qui aurait affaibli le propos... mais nul débat sur les circonstances exactes de la mort des moines, et c'est mieux comme ça.

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  7. Norma, si tu en as l'occasion pourquoi pas, c'est vraiment un film qui mérite le détour
    Miss Lemon, non je n'ai pas lu Murat, je ne suis plus abonnée à Telerama depuis longtemps, n'ayant pas la télé j'ai préféré les "fiches du cinéma" qui, elles, en disaient grand bien ! mais faut dire qu'aux fiches "ils" sont gentils !! absence de spiritualité, non je ne crois pas, pas de prosélytisme ça oui, et surtout Beauvois par sa sobriété ne heurte personne : il souligne l'humanité de ces hommes, leur foi aussi, mais avec discrétion

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  8. Siu, le film est sorti il y a deux semaines en france, il va sortir sous peu en italie, si tu le croises, n'hésite pas !
    ENitram, tu l'as vu aussi et tu as raison, des hommes avant tout, devant un choix terrible et qui hésitent, doutent, ont peur et sont courageux.
    Mandarine, oui Lambert est trop "appliqué", il chante avec trop d'ardeur, mais bon, il a le rôle difficile de celui qui décide. Pourtant, autant tous les autres sont d'un naturel étonnant, avec comme tu le dis une mentions spéciale à Lonsdale, parfait, autant il "joue" son rôle. Mais au-delà ce qui fait, comme tu le souligne la force du film, c'est sa parfaite neutralité, tout en ayant du caractère, ce n'est pas du consensus mou, c'est l'homme sous son meilleur jour, cela fait du bien pas vrai !

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  9. J'ai beaucoup entendu parler de ce film à la radio. Ton billet donne très envie de le "contempler". Reste à voir si je vais prendre le temps d'aller au cinéma ou attendre pour le louer...

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  10. Astheval, si tu n'as pas réussi à trouver le temps d'y aller, tu ne vas tout de même pas abandonner ton tendre et cher malade pour te payer une toile toute seule, ce sera un film à louer en effet, pour une contemplation maison !

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  11. Mon tendre et cher malade est en effet très peu à l'aise en position assise alors j'attendrai pour voir ce film !
    Bon week-end.

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