Les grandes marées et leur comptant de rêve ramènent sur les plages les traditionnels pêcheurs de crevettes et autres ramasseurs de crabes, bulots et berniques en tous genres... D'aucuns y vont chercher l'apéro familial et Alter n'a pas failli à la règle, dès midi il pataugeait dans la boue épaisse de l'estuaire à marée descendante. Certes, Meschers sur Gironde ce n'est pas Saint Malo, et si l'on aperçoit au loin le phare de Cordouan en lieu et place du Mont Saint Michel, l'affluence reste plus que discrète sur la confidentielle plage des Nonnes. Pourtant, depuis quelques années maintenant, on croise ici aussi lors de ces jours de marée à forte amplitude des chasseurs de trésor. Equipés de bottes, casque et poële à frire, ils arpentent la plage devenue pour l'occasion presque grande et creusent comme des perdus dès qu'un bip se fait entendre.
Celui que j'ai croisé hier matin avait transformé notre grève en un paysage impressionnant de taupinières désordonnées. Il creusait avec entrain dès qu'un petit bip jaillissait de son détecteur, repoussant la motte de loin en loin, pour finir par isoler le métal qui avait déclenché le son. Quand je vins vers lui pour admirer sa prise, il exiba sans trop de conviction une petite masse informe, qu'il identifia comme un morceau de fermeture éclair. Malgré l'urgence de son entreprise, il faut balayer la plage avant que la marée remonte, il accepta de me montrer ses prises : capsules rouillées, plombs de pêche plus ou moins sophistiqués, douilles et cartouches datant de la dernière guerre, et quantité de petits morceaux de ferraille tordus. Puis il entreprit de m'expliquer que "certains sont de véritables requins", ils viennent nuitamment (NDLR mais comment font-ils pour voir leurs prises dans l'obscurité alors qu'en plein jour c'est déjà une gageure de les discerner), ils sont équipés d'instruments hyper-sophistiqués qui indiquent la nature de métal détecté, et ratissent la plage en un rien de temps, ne laissant que ruines et désolation. Pas comme lui, qui rebouche ses trous (???!!!) et qui se contente d'une prospection discrète. En espérant le gros lot.
- Des bijoux ??
Oui, il parait qu'on en trouve parfois, fort abimés certes, mais leur évocation faisait briller de concupiscence les yeux de mon chercheur d'or ! On aime à raconter sur les sites spécialisés, de légendaires histoires de trésors authentiques, de cassettes précieuses, de pactoles inespérés et de fortune assurée. Car finalement ce qui compte le plus dans cette histoire c'est le plaisir de la recherche, le mythe du trésor fait toujours florès et Aloïs se souvient sans doute des fureteurs croisés à Rennes le Château sur la piste des indices du bon Abbé Saunière.
L'espoir de tomber sur la perle rare, la fortune, l'objet de grande valeur vous propulse pendant des dimanches entiers, pelle à la main et le rêve effleuré à chaque bip vaut à lui seul ces heures d'arpentage, nez dans le sable et oreilles écrasées par les écouteurs. C'est le même espoir qui anime les amateurs de jeux à gratter, lotos à cocher et autres brocantes à écumer. Ma mère, friande de puces et autres ventes publiques, ramenait à la maison des objets encrassés, englués de poussière et de traces supectes, que mes parents nettoyaient, astiquaient puis identifiaient. Ils découvraient parfois des merveilles, qui encombraient leurs placards et leurs greniers. Etant quelque peu collectionneurs sur les bords, ils accumulaient, thésaurisaient, amassaient sans jamais se lasser. J'ai hérité de tout ce fatras, de réelle qualité car maman avait bon goût et du nez ! Cela valait grand prix mais s'est révélé invendable ou mal vendu, ou revendu à la mauvaise période, tant il est vrai que les objets d'occasion, tout extraordinaires qu'ils soient, ont toujours une forte cote quand on veut les acheter mais ne valent plus grand chose quand on décide de les vendre ! Il en est des trésors comme des histoires d'amour, c'est le désir de les trouver qui compte le plus, la quête, la recherche têtue et obstinée, et l'espoir opiniatre qui vous propulse oeil à l'affût vaut plus que le trésor lui-même. Et cette passion de la recherche est un moteur qui enrichit plus facilement les fabricants de détecteurs de métaux que les gratouilleurs de sable et les fouilleurs de vase !
Oui, mais se déclarer "chercheur d'or" a qelque chose de profondément valorisant, un côté ludique sans doute qui évoque l'enfance, en tout cas la CHANCE...
RépondreSupprimerBelle journée à toi !
Et oui, qu'il s'agit de petits ou grands trésors cachés sous le sable, de reliques débusquées aux puces ou bien de bulletins à gratter, c'est le bonheur, je crois, que nous cherchons. Au moins un petit moment, de ce bonheur qui comme le sable et l'eau nous échappe toujours des mains...
RépondreSupprimerQuel envoi, et quel style. On s'y croirait.
RépondreSupprimerMerci pour ce beau récit.
Amicalement,
Roger
Nous avons la même passion et je me reconnais dans cette recherche de je ne sais quels autres, quels objets, quel passé où souvent la quête, qui tient en haleine, est plus gratifiante que la possession ; le moment de la découverte étant comme le « plateau » d’une jouissance…
RépondreSupprimerPour autant je n’aime guère les «poëlaffairistes» qui dans ma colline pointent de temps en temps le bout de leurs étranges machines dans une recherche effrénée d’as ou sesterces qui ne donnera au mieux, sous quelque bout de ferraille, qu’une tegula ou un moignon de brique.
Sur les plages d’Arles boîtes de conserves, câbles abandonnés, piquets de frise, boulons de barcailles échouées, bassines et seaux rouillés, plombs de batteries, ferrailles de blockhaus constitueraient les jolies trouvailles de ce pêcheur à pied d’un nouveau genre.
A propos d’Arles, j’ai réussi à laisser un com chez notre amie à la Baguette mais depuis un autre ordi et sans trop m’étendre de telle sorte que mon allusion aux démêlées de la Nyssen’Family n’a guère dû être compréhensible. En tous cas pour moi ce qui ne l’est pas c’est ce blocage devant deux deux ou trois portes. Peut-être mon anti-virus ?
PS: merci pour Anne un peu trop oubliée aujourd'hui.
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerTon article est si savoureux que j'irais bien, à nouveau, sur la plage de saint-malo ...pour y chercher le mant Saint-Michel...
Celui-là, au moins, je suis sûr de le retrouver par grand vent mais sans brouillard.
Puis, c'est une quête qui ne lèse personne...Puisque cet objet-là n'est capté que par le regard...
Merci beaucoup pur ces évocations de plage aux trèsors aussi futiles que précieux...pour qui les trouvent à son image.
Bonne journée.
Je t'embrasse.
Roger, je suis sûre que tu en croises souvent des chercheurs à poële à frire pendant tes périples qui, eux, créent des trésors fugaces mais ô combien précieux !
RépondreSupprimerHerbert je partage tout à fait ton point de vue... sur le Mont que je n'ai jamais vu !!! Ton analyse du trésor est parfaite et très fine !
C'est bien sûr la jouissance de la quête qui anime ces chercheurs car les malheureux trésors "inventés" (on parle bien de l'inventeur d'un trésor) serait trouvé à vil prix en bien meilleur état chez "ma tante" (mont de piété ?)... Roberto tes démêlés avec internet ont quelque chose d'une quête épredue !! Si ton anti virus s'en même, nous sommes cuits !
Oui Norma, j'avais omis de signaler ce facteur qui compte pourtant tellement : se savoir aimé des dieux, bénéficier de "la chance", celle qui nous distingue alors du commun des mortels !
RépondreSupprimerSiu, ce sable qui nous coule des mains, je t'assure qu'il en brassait des pelletés mon chercheur d'or ! Avec entrain et conviction !!
Aloïs à du mal à refaire surface mais elle se souvient bien de Rennes le Château et de l'abbé Saunière remis au goût du jour avec le controversé Da Vinci Code
RépondreSupprimerJe ne sais si cela mènera la poêle à frire jusqu'à la Méridienne de Saint Sulpice et son gnomon...
J'avais pensé il y a quelques années à utiliser ces moyens pour m'aider à retrouver un bracelet auquel je tenais.
Alter a-t-il rencontré le père Mille-Goules?
Je vois que notre paloise à la sauce corse (à moins que ce ne soit l'inverse ??) a des lettres, le père Mille-Goules ! J'espère que cette forme de littérature qui ne t'est pas vraiment habituelle, t'a amusée !
RépondreSupprimerAh ces bijoux perdus, égarés dit-on, qu'on finit par retrouver sous une épaisse couche de poussière ou sur lequels on ne remet jamais la main ! Et qui font, parfois, le bonheur de nos chercheurs d'or !
Merci pour votre humour, Michelaise. C'est un plaisir de vous lire! Les chercheurs de trésor débarrassent au moins les plages de quelques détritus supplémentaires, à défaut de trouver la fortune. Bonne soirée!
RépondreSupprimerAnne
Mais c'est vrai ça Anne, au moins ils font le ménage des déchets rouillés qui pourraient nous piquer les pieds !!!
RépondreSupprimerPour moi les gens sont fous, enfin au moins ils nettoient nos plages de quelques déchets dont d'autres fous se seront démunis !
RépondreSupprimerEn tout cas tes photos sont splendides et ton récit exquis !
(oups!, je n'ai pas pris le temps de lire les commentaires de chacun, je crois que je fais doublé ...)
Ton récit est plein de vie et d'entrain. Chacun cherche ses propres trésors et je trouve la diversité de tous ces rêves touchante. Moi j'ai "l'esprit cueillette" hérité de nos très anciens ancêtres et j'ai toujours les poches pleines de petits riens glanés lors de mes promenades.
RépondreSupprimerC'est comme jouer à la loterie ou au tiercé sans doute le fait d'attendre le résultat ou le trésor attendu doit faire monter l'adrénaline.
RépondreSupprimer"des chercheurs qui cherchent on en trouve, mais des chercheurs qui trouvent on en cherche".
RépondreSupprimerJoli texte.
Merci Françoise et Marisol... allez, il me faut bien l'avouer, faute de pratiquer la poëlle à frire, je fais souvent la "cueillette" de cailloux, alourdissant mes poches ou nos bagages en cas de voyage ! au grand dam d'Alter !
RépondreSupprimerVince, la citation est jolie elle aussi !
Finalement c'est le mot de la fin, une histoire d'adrénaline, Gérad a vu juste !