Article dédié à Koka
Le terme, dès qu’il appliqué à une quelconque entité, la couvre de poussière et de grisaille, perçu souvent comme symbole de la désuétude. Selon les cas, on y voit l’antithèse de l’originalité (en matière de look par exemple), du non-conformisme (en matière de mœurs), de l’insolite et de l’innovation (en matière d’art) ou simplement de la modernité (en matière musicale). Le vocable, appliqué à l’architecture, lui applique une étiquette de rigidité, voire de raideur, qui parfois rebute. Et pourtant, le classicisme, tel qu’il s’est développé en France au XVIIème siècle, en réaction contre la démesure et l’extravagance de l’art baroque, cet art tonitruant de la Contre-Réforme, nous a laissé de superbes traces. Ordre, rigueur, équilibre, discipline en sont les principes directeurs, aussi bien pour la littérature (Boileau, Corneille, Racine) que pour les arts plastiques (Poussin, Le Brun, Coysevox) et l'architecture (Le Vau, Jules Hardouin-Mansart). Que l’on pense simplement au château de Versailles !
Certes, cela correspond à l'idéal de la monarchie absolue et l'art classique est soutenu par le pouvoir. La nature est maîtrisée, la sérénité de l’environnement impose celle de l’âme et cet art fait foin des agitations tumultueuses des passions et des ardeurs mal contenues.
Certes, cela correspond à l'idéal de la monarchie absolue et l'art classique est soutenu par le pouvoir. La nature est maîtrisée, la sérénité de l’environnement impose celle de l’âme et cet art fait foin des agitations tumultueuses des passions et des ardeurs mal contenues.
Paradoxalement, quand il s’applique à la musique, le qualificatif de classique la pare d’une aura de sérieux et d’érudition. Ce n’est pas sans provoquer quelque bâillement étouffé, mais la musique dite « classique » est respectée, d’aucuns aimeraient l’apprécier mais avouent leur incompétence et regrettent de ne pas savoir l’apprécier. Comme s’il fallait être maître du contrepoint pour aimer Mozart ou Chopin. En tout cas, le vocable rend toute musique ainsi étiquetée honorable. Témoin l’aventure qui m’est arrivée en parcourant l’autre jour la cathédrale Saint Pierre de Saintes. Un sévère monument gothique dont le charme tient plus à la majesté qu'à l’élégance, mais j’étais en train de déambuler dans cette merveilleuse cité romano-romaine, profitant du soleil d’automne qui parait les pierres de teintes chatoyantes, et pourquoi pas une visite ? En entrant, quelques notes discrètes attirent mon attention. Carmen… pas possible… la musique était très douce mais pas de doute, l’opéra de Bizet dans ce lieu vénérable ?? J’ai parcouru nefs et déambulatoire au son « l’amour est enfant de Bohême », fredonnant sous les voutes « Si tu ne m’aimes pas je t’aime, et si je t’aime prends garde à toi ! ». Totalement déplacé n’est-ce pas ? Certes, ce n’était qu’une version instrumentale, mais le choix de ce morceau n’avait trouvé sa respectabilité, lui méritant de jouer le rôle de musique d’ambiance religieuse, propice j’imagine à la méditation et à la prière, que grâce à l’estampille « classique ». Etonnant tout de même !
Alors, pour décloisonner les genres, afin de permettre au plus grand nombre d’apprécier cette musique dont on regrette, à raison, qu’elle se soit toujours voulue élitiste, la mode est au mélange des genres. Généreuse mode, et qui donne parfois des résultats remarquables : mélange de poésie, danse, jonglerie, musique comme à Bourg sur Gironde ou à Eyrignac. On se souvient avec émotion du concert qui mêlait avec brio Rameau et Berio. J’ai récemment salué avec enthousiasme le concert de la Roche Posay où Pernoo nous a offert avec son complice Ducros un ébouriffant concert Brahms Piazzolla d’une intelligence et d’une sensualité peu communes. Piazzolla compositeur savant, Brahms compositeur populaire, c’était plus que convaincant, avec eux c’était une évidence !
J'ai fait ce que j'ai pu grâce à Google, en respectant totalement l'interdiction ABSOLUE de prendre des photos, ce qui est, cela aussi, de plus en plus tendance !
Du coup, Monteverdi Piazzolla, à Saintes, nous n’avons pas hésité. La Capella Mediterranea s’est fixé pour objectif, dans son programme « Angel y demonio », d’effacer les 350 ans qui séparent Monteverdi et Piazzolla, en s’attachant à mettre en avant les thèmes fondamentaux qui les agitaient : la mort, l’amour, la nuit, la guerre, l’abandon. L’idée est séduisante et même si la forme peut en sembler étrange, Monterverdi au bandonéon et Piazzolla au théorbe, cela aurait dû marcher. Alors, pourquoi des réticences ? Parce qu’il nous a semble que l’ensemble, pourtant consacré, manquait de virtuosité et la soprano, particulièrement, n’a pas réussi à nous « arracher les tripes ». Or, quoi de plus émouvant que le lamento della Ninfa ou la milonga des anges ? Les micros, qui donnent à un concert classique l’allure d’une prestation de variétés, en tout cas dans une aussi petite salle, brouillaient la délicatesse des interprétations, et peut-être sont-ils finalement les responsables de notre relative déception. Mais cela ne rend pas caduques de telles initiatives, bien au contraire, elles doivent et peuvent être le fait des plus grands, et non un créneau pour tenter de se faire reconnaître. Quant à la Capella Mediterranea, elle a fait, semble-t-il, un remarquable travail sur Barbara Strozzi, ou sur Peter Philips... et mérite à cet égard le respect.
Le début de ton billet me fait penser à cette émission de France Inter : "c'est du classique, mais c'est pas grave"...
RépondreSupprimerBonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerTa fille a de quoi méditer...
Le classique, l'antithèse de tout ?
Mais c'est tout qui est l'antithése de rien...
Merci beaucoup.
Je t'embrasse.