J'AI LA VUE QUI BAISSE ?

Quand, l'âge venant, il s'est avéré que je devrais porter lunettes pour continuer à pouvoir lire sans problème, Alter m'a fait une véritable crise de refus : est-ce que le vieillissement de mes cristalins le renvoyait à sa propre avancée en âge ? est-ce que sa Pimpinette ne pouvait décemment pas arborer cet ustensile propre aux myopes et aux personnes âgées ? est-ce qu'il ne voulait pas affronter la dure réalité des rides et autres avatars de la vie ? Toujours est-il que, terrorisée (pas la peine d'avoir, soi disant, "fait" 68), je retardais l'équipement nécessaire jusqu'à ce qu'un mien ami, passant par là, s'en émut et déclara tout de go que ma libération était encore à faire ! Sus aux lorgnons...

Bref, j'ai des lunettes depuis une bonne quinzaine d'année maintenant, et "comme un malheur n'arrive jamais seul" (oups !!! ça c'est pour faire rire Siudegonde qui aime bien les dictons français), il me faut maintenant ajuster ma vision de loin. L'ophtalmo me l'avait prescrit, mais l'opticien chez qui j'allais m'équiper l'an dernier, ne jugea pas utile de me vendre les lunettes adaptées et, un moins d'un an, la chose s'est aggavée lourdement. Hier donc je changeais d'opticien et celui qui m'a reçue m'a carrément consacré deux heures de son temps. Autant vous dire qu'il a mesuré, expliqué, diagnostiqué, préconisé... et aussi, papoté pas mal. Nous parlions de nos enfants respectifs, de leurs études, de leur projets professionnels, voire, après tout ils n'étaient pas là pour s'en émouvoir et c'est bon, parfois, en tant que parents de se laisser aller, de leurs amours.

Et voilà que ce bon monsieur, qui déplorait que son fils fut, à 20 ans à peine, déjà installé dans une vie sentimentale planplan et terriblement conventionnelle, m'assena d'un air hilare : "oui, ils pratiquent le PAM"... devant mon air ahuri, il voulait de toute évidence me coincer, il rajouta goguenard "c'est la nouvelle mode chez les jeunes, pas avant le mariage".

Nouvelle mode ? Peut-être, mais très tendance alors, car "les miennes", déjà je l'avoue au centre de la troisième décennie (oui, Mandarine, je précise pour éviter les erreurs, entre 20 et 30), vous les auriez fait hurler de rire avec un tel sigle. Quant à mon opticien, il trouvait que si, pour une jeune fille (ah les filles soyez sages, il n'avait que 47 ans mais des idées bien traditionnelles !!) la chose s'avérait finalement salutaire, pour son fils, il aurait été bon qu'il jetât sa gourme avant de convoler afin d'affiner son choix et d'affirmer son expérience ! Non, je vous jure, on aurait cru entendre mon père. Mais finalement, car il évoquait de toute évidence sa propre expérience matrimoniale, n'exprimait-il pas simplement l'angoisse qui saisit tout jeune homme devant la responsabilité qui lui incombe, dès que l'intimité se referme autour du couple ? Car, en y réfléchissant côté masculin, on comprend mieux cette mode du PAM... terrible pour les garçons à l'heure actuelle la pression qui pèse sur leur libido. C'est comme les médecins, ils ne sont plus soumis à une obligation de moyens mais bel et bien, à une obligation de résultat ! Et comme chacun sait combien l'instrument "femme" est d'un art difficile, et qu'il y a loin des premières notes à l'excellence d'une interprétation raffinée, les jeunes hommes ont, dès l'adolescence, un challenge difficile à surmonter . De là à se dire que, sans comparaison, en limitant aux deux protagonistes les premières gammes, et en travaillant vaillament son interprétation une fois le mariage scellé, ils ont plus de chance de devenir de bons interprètes ! Bon, cette tendance "démodée" dont j'essaie de lire les tenants et les aboutissants, n'est peut-être que le fruit de quelques happy few qui ont inventé un concept un peu border line, mais j'essayais juste de comprendre comment va notre monde, même si ma vue n'est plus ce qu'elle était !