jeudi 18 novembre 2010

DETROQUAGE

Ah ah !!! je suis (presque) sûre que vous ne connaissez pas le terme (sauf Aloïs, parce que Aloïs, pour la prendre en défaut, faut se lever de bon matin, et comme je suis une marmotte, je pars battue d'avance). Le détroquage, c'est l'opération qui consiste à séparer les jeunes huîtres des capteurs.

Mais commençons par le commencement : j'avais aujourd'hui quelques obligations professionnelles qui m'ont amenée à visiter des parcs à huîtres dans un endroit délicieusement appelé les Boucholeurs*, près de Chatelaillon Plage. Toute raillerie sur la nature de mes corvées sont dores et déjà promises à censure, car faut pas se moquer de moi ! Je vous assure que c'était pour le boulot !

N'empêche, comme je ne suis pas égoïste, j'ai décidé de vous en faire profiter : les fêtes de fin d'année approchent, et il est bon de savoir ce qu'on a dans son assiette. D'autant qu'on nous annonce que les huîtres vont (re)devenir un met de luxe, pour cause de rareté, et que leur prix va augmenter. Alors, afin de vous éviter de hurler devant les prix annoncés, je vais vous expliquer un peu comment cela se "fabrique", et vous verrez qu'obetnir une douzaine d'huîtres, c'est un long travail, compliqué et fatiguant.

L'histoire commence en été, en juin, juillet. Peut-être avez-vous déjà entendu dire qu'il est déconseillé de manger des huîtres durant les mois sans "r". En fait les huîtres sont excellentes en été, mais elles sont "grasses" c'est à dire gorgées de laitance, ce qui les rend plus fragiles à transporter. Et seuls les vrais amateurs d'huîtres apprécient cette consistance très particulière des mois d'été. Donc nos mollusques bivalves donnent durant ces mois-là naissance à environ un million d'oeufs qui, si les conditions sont bonnes, eau aux alentours de 20-22°, et si possible pas trop salée, vont pouvoir éclore. Nous sommes dans une région de production des huîtres à partir de naissain naturel. Pour "récuperer" (on dit capter) les bébés huîtres qui se forment alors, on place des collecteurs (tubes striés, tuiles, coquilles saint jacques etc) dans les zones de reproduction et les mollusques s'y accrochent dès la fin juillet. Il faut éclaircir assez souvent ces systèmes de captage pour éviter que les mollusques en se chevauchant ne s'étouffent mutuellement.

Ce n'est que 18 mois après, quand ils seront assez solides qu'on pourra récupérer les naissains (en détroquant !!) et commencer à les "cultiver". On remet alors les huîtres, ( qui ont alors à peu près la taille que vous voyez dans la main de l'ostréiculteur) dans la mer, dans les poches en plastique posées sur des tables de fer, et on commence à surveiller leur croissance, à les balader, à les emmener en Bretagne l'été car l'eau est à meilleure température, à les ramener sur la côte charentaise plus tard.

On change régulièrement les poches pour d'autres poches à maille plus grosse, on les retourne tous les un ou deux mois pour qu'elles se développent harmonieusement. Bref, l'ostréiculteur qui nous faisait visiter ses parcs, nous disait qu'une huître est manipulée environ 150 fois avant d'atteindre votre table. Certaines sont affiinées en claire, où la navicule bleue (une algue) leur donne la couleur particulière de l'huître de Marennes Oléron, mais tel n'est pas le cas de l'huître de Chatelaillon.

Enfin, il faut les récolter, les laver, les conditionner et cela se passe dans l'eau glacée de l'hiver, la plus grosse partie des ventes se faisant en décembre. Cela fournit de nombreux emplois saisonniers particulièrement durs et fatigants. Une huître numéro 3 a environ 3 ans, une huître numéro 1, en a 5 !! Bref, si vous ajoutez à cela que c'est un animal fragile et qu'en ce moment il y a des problèmes de mortalité anormale des huîtres juvéniles, vous comprendrez pourquoi le produit a tendance à augmenter ! Que cela ne vous empêche pas de vous en régaler bientôt !


* Le nom des Boucholeurs vient de ce qu'on y cultive aussi des moules, qui, vous le savez sans doute, poussent ici sur des pieux de chêne ou de pin, largement enfoncés dans la mer : les bouchots. Car à Chatelaillon, on produit aussi des moules !



15 commentaires:

  1. C'est vrais, terme invconnu à mon vocabulaire. Ben voyons, la Suisse n'est pas un pays de mer.

    Un jour, à Paris une cliente m'invite * Au Pied de cochon * pour manger des huîtres. Débit infernal, les huîtres sont renommées et surtout très fraîches. A 4 h. du matin drôle de symptôme. Les huître ont refusé de se digérer dans mon estomac. Je me suis sentie obligée de laisser un très bon pourboire à la femme de chambre.

    A Bruxelles, l'ami que j'accompagnais dis * tu es dans un pays d'huîtres, tu ne peux pas ne pas en manger *. Délicieuses, l'allergie momentanée avait disparue.

    Ma mère, Française, les mangeait comme ça sur le rebord de l'évier. Je ne pouvais pas comprendre comment elle pouvait avaler une chose aussi gluante.
    Je pensais la même chose des escargots, jusqu'à ce que ... ... ... La façon de les apprêter à Barcelone est délicieuse. Mais je change de sujet.

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  2. Ton reportage est impressionnant, comme tout sujet qui sort de l'ordinaire.

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  3. J'aime bien cette "histoire des huîtres"...
    Quand j'ai lu "détroquage", j'ai pensé à quelque chose de l'ordre du commerce, du type "dégriffe", peut-être, ignare que je suis !
    Bonne journée, Michelaise !
    Norma

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  4. J'avais appris le terme pour avoir accompagné la classe d'un des garçons lors d'une visite chez un ostréiculteur.Mais je ne m'en souvenais pas
    Tu as ainsi rafraîchi ma mémoire.
    Je fais partie de ceux qui se gaveraient d'huîtres en été et j'ai un souvenir extraordinaire lors du mariage d'une de mes cousines en juillet à Bordeaux d'une pinasse miniature recouverte d'huîtres!
    J'ai été offusquée l'autre jour lorsque à Dieppe j'ai vu des huîtres en provenance d'Irlande.
    Pour moi c'est comme les moules de Hollande.
    Il n'est de vraies moules que "les bouchot" qui ne proviennent pas comme certains le croient de la région de Bouchot,hihihi et les huîtres de Marennes,spéciales pour moi ou encore mieux pousses de claire qui vont devenir un vrai luxe.
    Mais habiter dans 150m² ne coûte-t-il pas plus cher de nos jours que dans 50m²?
    Un de mes meilleurs souvenirs ,une éclade dégustée dans une cabane à La Tremblade à même une planche posée sur des tréteaux,un petit blanc sans prétention,bon c'est certain ensuite on a un peu les ongles demi-deuil!!
    Mais je m'en moque quel régal

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  5. Ah! des huîtres, des huîtres, des huîtres avec du bon pain, du beurre salé et un gentil petit blanc : c'est le bonheur !

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  6. Ah, les huitres... un univers à elles seules. Comme il y en a des choses à asvoir sur elles... et comme elles sont bien bichonnées, ces marennes olerons. Sans vouloir être chauvine, ce sont vraiment les meilleurs ! Bien vertes... je persiste à dire que les "fameuses" plates de Bretagne, elles sont vraiment trop salées pour mon palais difficile !
    Bisous

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  7. Mais non Norma, pas ignorante, c'est vraiment un terme technique et côté vocabulaire technique, on ne peut pas tout connaître. Et puis, faut bien trouver des sujets d'articles pas vrai !!
    Koka, tu vas te faire incendier par nos bretonnes, mais bien sûr je partage totalement ton point de vue... et en plus, ce vert, qui donne un goût nettement plus fin, moins iodé, à l'huître, est tellement "joli"...

    Aloïs, je trouve personnellement que les moules de mer du nord, en belgique, préparées à la belge, c'est autre chose, excellent aussi mais différent. Les "bouchot" sont moins... plus... enfin on ne mange pas la même chose !! Quant aux huîtres, tu connais les vraies valeurs, et j'avoue que, quand on a pris l'habitude des pousse en claire, on a du mal à revenir même à la spéciale de marennes qui pourtant, est déjà le top ! mais les pousse en claire c'est vraiment pour les amateurs, et tu en es car tu les aimes en été, bien grasses donc. La mode dans les mariages locaux est à la table d'huîtres, qui permet aux amateurs de se reconnaitre : beaucoup de gens n'aiment pas trop, donc ceux qui apprécient ont droit à double voire triple dose !! ils se retrouvent autour de la table et avalent les mollusques bivalves avec gourmadise tandis que les autres s'éloignent pudiquement, vaguement dégoûtés.
    Car Béatrice, tu as raison c'est un truc de fou ces bestioles gluantes qu'on avale sur un coin d'évier, au petit déjeuner parfois, en prétendant que c'est excellent pour se remettre d'un repas torp lourd la veille !!! oui, oui, pour ceux qui aiment, non seulement cela ne rend pas malade, mais cela guérit des embarras gastriques ! je t'assure que c'est vrai !! mais pas de honte à ne pas aimer, c'est TRES bizarre comme moeurs.
    Artemisia, tu as tapé dans le mille, le petit blanc qui accomagne forcément ces agapes doit être "gentil"... pas besoin d'un vin de haut vol, il est juste là pour souligner !

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  8. Et savez vous que la Bouchot du Mont St Michel enfin de la baie est la seule à avoir obtenu un AOC ?
    A bon entendeur.... Je rigole! Mais c'est vrai!
    Je les adore à la crème avec une pointe de safran. Quant aux huîtres, à me damner!!!!
    Bonne soirée Michelaise

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  9. M'dame,M'dame, je savais tout sauf le nom.
    Les huitres ne m'aiment plus depuis de nombreuses années, à chaque fois, elles me mettent dans le même état que Béatrice, j'ai fait quelques premiers pas vers la réconciliation, impossible, du coup j'ai rompu.
    Par contre je suis un as des mouclades avec trop de moules, trop de frites et trop de bière, l'été sous l'préau...
    Bon WE !

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  10. super ton article Nicole ! bon en tout cas pour avoir eu l'occasion d'aider des amis osctréiculteurs, je peux vous dire que c'est un métier dur ! génial la balade en bateau (mais par tous les temps...) et retourner les poches sur les tables avec des cuissardes enfoncées jusqu'au genoux c'est épuisant... je l'ai fait 1 fois ! sans oser dire que j'étais morte pour ne pas avoir honte car eux, de retour à la cabane, ont détroqué les huître, moi , je n'en pouvais plus j'ai été obligée des faire "chaise longue !!)

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  11. Un bon point pour Lulu... dus, si elles te rendent malades, ne te force pas, je me dévoue, je mange ta part !!
    Ah Enitram l'AOC du Mont Saint Michel, voilà qui a de la classe... c'est comme les agneaux de prés salés, on en a aussi dans la baie de Talmont, excellents mais sans AOC (j'imagine que celui de la baie Mont St Michel en ont une !!!)
    En tous cas, on a tous la gastro au patrimone !!!
    Françoise, ils sont durs et courageux et je comprends ta "honte", tu devais être épuisée. J'ai des étudiants qui quittent le cours une semaine avnnt les vacances de Noël pour "aller faire les huîtres"...

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  12. Leçon de choses.
    Intéressant pour nous les Gourmandes.
    Oui, profitons-en avant qu´elles ne deviennent un Super Luxe.
    Il est vrai que toi, tu les as à portée, veinarde...

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  13. Votre reportage est très intéressant et joliment illustré. Après avoir dégusté des huîtres accompagnées de diverses façons, fraîches, tièdes ou chaudes, j'avoue à présent les préférer nature, juste ouvertes, sans même un filet de citron. Un retour à la simplicité qui peut offusquer, peut-être, mais qui permet de laisser le goût se développer et d'apprécier la subtilité des saveurs qui se succèdent en bouche.
    Bon weekend!
    Anne

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  14. Qui n'a rêvé Gérard de trouver des perles dans ses huîtes !!!
    Anne, vous êtes aussi une vraie spécialiste, car l'huître, quand elle est bonne et fraîche, n'a besoin de rien, citron et vinaigre en gâchent le goût ! Ce sont des artifices destinés à rehausser celui d'huîtres qui ont un peu trop voyagé. Donc nature !! En alternant éventuellement des bouchées de crépinettes ou des tartines de rillettes ...
    Alba, quand tu es en Pays Basque, tu en as pas loin et elles sont forcément bonnes aussi. On ne peut pas avoir les musées, les expos et l'ambiance de Madrid plus les huîtres tout juste sortie du bassin !!! J'adore le nom de "leçon de choses" !!!

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