LA JOURNEE DE...

D'après Robert (oups !!), c'était aujourd'hui la journée (mondiale ?? va savoir ! internationnale en tout cas) de la gentillesse. Alter à qui je signalais le fait, s'est insurgé.

- Quelle gestion !!! la journée des femmes, celle des grands mères, celle du patrimoine, celle des secrétaires, celle des voisins, celle des gauchers, des oubliés des vacances ou des célibataires...

- Il y en a bien d'autres : celle des droits de l'homme, des déportés, des étoiles, des handicapés, des jardins, des métiers d'art, des moulins, des personnes âgées, des séniors, des talents, des verts, pour ne citer que les plus connues (vous en trouverez une liste déjà impressionnante ici : presque une pour chaque jour de l'année)

- En plus, tu ajoutes les obligations diverses, il faut ... manger 5 fruits et légumes, ou 5 fruits et 5 légumes par jour je ne sais plus, faire du sport, ne pas dépasser le 50 en ville et tutti quanti, ne pas fumer, ne pas boire plus d'un verre de temps à autre, ou en boire au moins un par repas, j'en passe et des meilleures.

- Ne rien jeter sur la voie publique, manger léger le soir, boire un litre, ou deux, d'eau par jour, ne pas trop s'exposer au soleil, ne pas avoir de cernes, payer ses impôts dans les temps et sans tricher, la liste est infinie

- Mais tu te rends compte, si l'on se conforme à tous ces conseils ...

- Sans compter que certains sont contradictoires !!

- ... il y a forcément un moment où on s'emmêle les pinceaux ! Et alors on est catastrophé devant sa liste, car il faut une liste, on a mauvaise conscience et on a tout raté !!

- Etrange tout de même cette manie de tout mettre en équations d'obligations... ça rassure ?

Pour en revenir à la journée de la gentillesse, il y avait autrefois une journée de la politesse au volant, on accrochait un mouchoir blanc au rétroviseur et on s'engageait à être courtois avec ses sembables, à ne pas leur faire de queue de poisson, à ne pas les injurier à chaque contrariété... un vrai programme, que personne ne respectait vraiment. Car au volant, l'être le plus pacifique, le moins agressif, le plus discret, peut devenir terrible. J'en ai connu un, parfait gentleman, d'une galanterie exemplaire, d'une civilité édifiante, qui se transformait en monstre de grossièreté dès qu'il était dans sa voiture. Il injuriait tout le monde, reprochant sans sourciller à chacun l'inverse et son contraire, jurant, sacrant, braillant à qui mieux mieux. Une véritable épreuve de faire la route avec lui !

Voilà maintenant la journée de la gentillesse. Moi qui ai une vision binaire de l'humanité, j'avoue que cela fait partie de mes étonnements, car je trouve qu'il y a "les gentils" et "les méchants". Et rien ne leur fait changer de rôle, sauf à jouer momentanément dans la cour adverse par intérêt, hypocrisie ou opportunisme. Il est d'usage d'admettre que qualifier quelqu'un de "gentil" est quelque peu minoratif, à défaut d'être vraiment péjoratif. Quant à la méchanceté, on la redoute, on la fuit, on s'en préserve, mais il est rare qu'on ose l'accoler à quelqu'un. Cela ne se dit pas. Les méchants eux-mêmes savent-ils qu'ils le sont ?? Pourtant, cela existe, ô combien ! Et la méchanceté me stupéfie. J'entends la malveillance, l'égoïsme, la violence, la cruauté. Au point que je reste persuadée qu'instituer une journée qui devrait permettre aux méchants de s'amender, fut-ce un jour par an, me semble illusoire. Car si l'on est capable une fois d'une vraie méchanceté c'est qu'on a cette capacité de préférer écraser son voisin plutôt que de se gêner pour lui. Et cela, ça ne se raisonne pas. Certes, le manifeste édité par Psychologie est plein de bonnes intentions :

Mais qui l'appliquera, si ce n'est les gentils qui seront, ce jour-là, un peu plus attentif aux autres ? Et qui relaiera la journée en question ?? Robert, qui, j'en suis certaine, est un "gentil" et qui propose d'ailleurs, 365 jours par an de gentillesse. Ceci dit, c'est vrai que quand on est de mauvais poil, ou contrarié, on peut avoir des gestes ou des mots désagréables, sans être pour autant mauvais.
En avez-vous fait l'expérience : se forcer à admettre à une caisse de supermarché, sans impatience, sans la vouer aux gémonies, qu'une petite manie ait du mal à extraire ses pièces de son porte-monnaie, ou vous retarde parce qu'elle a envie de parler avec la caissière, ou supporter sans rugir une voiture qui roule trop lentement devant vous, conduite par une personne âgée, ou un "prend-l'air", déjà cela demande de gros efforts, dont on peut, éventuellement être fier, face à soi-même, simplement parce qu'ils représentent une maîtrise, une capacité à relativiser. C'est sans doute cela, la journée de la gentillesse, celle de la patience et de la courtoisie, vertus dont on est d'ailleurs les premiers bénéficiaires quand on arrive à les pratiquer ! Car le sourire de la manie de la caisse, qui est ravie d'avoir taillé un bout de bavette avec vous, elle qui est seule toute la journée, valait bien à lui seul l'effort de rester calme !