mercredi 15 décembre 2010

MAKHILA D'HONNEUR

Au départ, c'était un simple bâton de berger, conçu et utilisé pour conduire les troupeaux. Un bout ferré, bien solide, et sous le pommeau, une pique propre à réveiller les brebis égarées ou les vaches récalcitrantes, en leur chatouillant la couenne.
Mais le soin apporté à la réalisation de ces objets, la richesse de leur décoration, la beauté de l'ensemble en fait rapidement une canne de marche, voire même, comme c'est le cas aujourd'hui, un véritable objet d'art. L'aiguillon devient arme de défense, et l'ensemble se pare d'atours précieux. La mode développe l'artisanat du makhila et au XXème siècle, tous les basques en ont plus ou moins un, qu'ils conservent précieusement tout au long de leur vie. Ceux de bourgeois ou des notabilités sont équipés d'un pommeau d'argent, les autres sont en corne, ou en laiton  et quand on veut honorer la personne à qui il est offert, en maillechort. Car une des caractéristiques du makhila est qu'il doit être offert, on ne peut en aucun cas, dit la tradition se l'acheter soi-même. Et les plus belles pièces, fruit d'un cadeau collectif, sont dits des makhilas d'honneur.
Alter en avait reçu un de la part de ses amis pour ses 50 ans, et j'avoue que, chaque fois que je le lui empruntais, je rêvais moi aussi d'avoir "le mien". Or, un makhila ne s'achète pas sur le marché de Bayonne, ou c'est une vulgaire imitation. Il ne reste aujourd'hui qu'un véritable fabricant : la maison Ainciart Bergara, installée à Larressore, minuscule village du Pays Basque qui abrite cette entreprise familiale. Et Bergara ne réalise que des makhilas sur mesure, en fonction de la taille de la personne et surtout, avec une devise personnalisée.
Le makhila est fabriqué dans une branche de néflier sauvage, choisi avec soin, dans des endroits tenus secrets par les Bergara. Au printemps, quand la sève monte, ils repèrent les plus belles branches qui sont scarifiées à la main, à l'aide d'outils tranchants afin de donner au baton un décour de vagues en relief qui fera sa singularité. Les Bergara considèrent cette étape comme primodiale et mon ami Pascal, qui est ébéniste et rêvait d'un makhila, leur a rendu visite et était décidé à commander le sien. Mais, son amour du bois justifie la requête, il voulait choisir son néflier. Et là, ce fut un refus définitif. Il n'avait pas pensé que les bois sur pied sont repérés à l'avance et qu'il n'est pas question de divulguer les lieux de cueillette : car ce sont des taillis éparpillés dans le Pays Basque qui fournissent le fabricant. Un secret de fabrique donc !
Au début de l'hiver, on retourne en forêt pour la coupe et les branches sont mises à sécher. Le bois est durci au feu, longuement préparé, coloré, bref ce sera l'âme de la canne.

Plus tard, lorsqu'une pièce est commandée (Alter s'y est pris au mois d'avril pour être certain d'être livré à temps), on choisit un baton, on fabrique, en fonction de sa taille adaptée à chacun donc, une virolle de laiton ou d'argent, parfois de corne. Au bout de la virolle, un pommeau, qui permet la prise en main aisée de la canne. Comme vous le voyez sur la photo, le pommeau se dévisse et dévoile une arme redoutable, petite épée d'acier parfaitement affutée qui vous permet de vous promener en forêt sans trop d'appréhension si vous êtes une femme seule !
Le bout ferré de la canne est lui aussi orné d'une feuille d'argent décorée, et se termine par un trèfle solide qui assurera une meilleure prise au sol, surtout dans les montées ! C'est dans la partie basse qu'on trouve la signature d 'artisan et l'année de réalisation.
Mais surtout, chaque pièce est personnalisée, et la tradition veut qu'on y fasse graver une devise en basque, qui peut être parfaitement sur mesure. J'avoue que celle d'Alter comportait une des devises classiques de l'atelier :

NERE LAGUNA ETA LAGUNTZA
Mon camarade et mon aide
Il y en d'autres, qui toutes font référence aux vertus du bâton : Avec moi le chemin est court, Aide les vieux, embellit les jeunes, Pour la plaine ou la montagne, je suis bon partout, Dur à l’ennemi, doux au possesseur... Et de fait, tenir cette canne dans le creux de la main provoque une sensation délicieuse.
Mais Alter a voulu personnaliser la mienne, en y faisant inscrire une devise qui me soit propre. Il a mobilisé la garde et l'arrière-garde (les filles et leurs amoureux) et j'ai eu droit à une formule délicieuse qui me va droit au coeur :
ADITU METATZEKO LASTER EGIN GARRAITZ EKO

ce qui signifie ECOUTER POUR AIMER, SOURIRE POUR VAINCRE

Avouez que c'est une merveilleuse déclaration d'amour collective... s'"ils" me voient ainsi, c'est un vrai bonheur ! Voilà, je suis hyper heureuse de cette attention qui m'a permis de vous présenter cette canne basque mythique, et maintenant, mon bâton de marche (un vrai makhila d'honneur) voisine à côté de celui d'Alter, un peu usagé mais nettement plus grand !

23 commentaires:

  1. Le bonheur est, j'en suis sure, qu'ils te voient exactement comme tu es.
    Et quel cadeau précieux... Grand merci pour nous en avoir fait connaitre l'histoire!

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  2. Quel magnifique cadeau Michelaise ! je suis heureuse pour toi car c'est vrai que c'est un objet mythique qui me fait rêver moi aussi... et la devise choisie en dit beaucoup sur la belle personne que tu es...Tout ce qui entoure la fabrication de cet objet superbe est passionnant, chaque makhila est unique ! Il me semblait qu'il y avait un autre atelier qui perpétuait la tradition il y a quelques années mais on n'en entend plus parler et seul l'atelier de Laressore est mis en avant quand on parle makhila...bonne soirée !

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  3. Que de tendresse dans ce billet, merci Michelaise...et merci aussi de la part de Camille (j'ai retrouvé dans sa valise une carte de Venise).
    Ce makhila serait le cadeau idéal pour mon randonneur de mari.
    Bonne nuit.

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  4. Un tel cadeau prouve ô combien vous êtes aimée, Michelaise. Merci de nous faire partager votre joie et de nous avoir raconté l'histoire passionnante de ces trésors du pays basque. Je rêve maintenant d'y aller pour visiter l'atelier.
    Anne

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  5. Oui Catherine il y en a d'autres qui sont cités, mais je crains que seul Laressorre fabrique encore de vrais makhilas d'honneur.
    Siu, tu sais c'est vraiment une spécialité basque et même les français ont rarement entendu parler de makhila. J'avoue qu'outre le plaisir d'avoir un bel objet, je suis très sensible à la formule qui y est gravée !
    Evelyne, c'est simple : pour un anniversaire important, avec quelques amis ou avec les autres membres de la famille, en vous y prenant de longs mois à l'avance et grâce à l'adresse du fabricant, tu peux offrir une pareille merveille à ton "randonneur de mari" ! Il ne vous reste plus qu'à trouver, ensemble, sa devise ! Avec tous mes voeux pour lui, par avance. Alter a juste passé un coup de fil pour se faire confirmer le délai de fabrication, mais apparemment il a passé sa commande par internet ! C'est génial tout de même ! Le pays basque en direct !

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  6. Impossible de paresser maintenant, avec ce merveilleux Makhila.
    En route, direction Saint-Jacques.

    Tout un symbole.

    Merci de nous faire partager ces beaux moments.

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  7. Te voilà gâtée !! La fabrication des makhilas est un vrai art... Et le tien est très beau !
    Bisous

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  8. C'est une très très belle idée de cadeau que je retiens. Merci Michelaise !
    J'imagine combien tu devais baver d'envie (je suis sure qu'en plus tu marches plus que lui hm), marcher à deux avec le même bâton c'est une symbolique qui vous va comme un gant. Nous, pour le moment on marche avec le bâton GamVert, bon c'est pas terrible mais on est assorti, et on a la même grosse veste verte de chasseur achetée il y a 20ans, chez Mamouth ;-)..
    J'ai à la maison, une très belle canne poignard, la lame est du coté du pommeau, je vois qu'elle sertie de l'autre coté pour ce bâton de marche.
    Très beau aussi en corne cet objet !
    Le temps d'écrire deux trois bêtises et j'ai même trouvé la p'tite phrase à graver....
    Belles balades à vous !
    Bises

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  9. Koka, et en plus c'est basque, cela me rappelle notre virée là-bas !
    Alba, comme tu y vas, saint jacques ?? on en a fait de petits bouts en France ! toujours agréable
    Lulu, je serais curieuse de connaitre ta future devise ? Toujours en avant avec toi ?

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  10. Il me reste à vous souhaiter de belles randonnées tous les deux avec vos précieuses makhilas ! Un beau cadeau d'amoureux !!!!

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  11. C'est un peu ça Michelaise.Phrase est à partager à deux, et je n'en suis pas l'auteur. Elle me suit depuis longtemps.
    C'est un poème d'Antonio Machado que je résumerai bien d'un bâton :
    - Caminando no hay camino...
    à l'autre :
    - ...Se hace el camino al andar.
    Traduit en basque of course !
    Le premier qui m'pique ma phrase ça va barder ;-)

    Et au fait !!! Joyeux anniversaire Michelaise !!! C'était ton anniv' non ?? La même année qu'Odile, si je fais mon Sherlock...

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  12. Merci Lulu-Sherlok... spécialiste en années et en devises basques (enfin pas encore, mais bientôt !! Tu nous raconteras quand vous aurez vos 2 makhilas !! tu verras on marche encore mieux

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  13. Superbe cadeau ! et la devise ... c'est bien toi !je te reconnais là !

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  14. vraiment un très bel objet ce makhila et j'aime beaucoup cette devise qui te va si bien
    ecouter pour aimer
    sourire pour vaincre

    BZ BZ BZ BZ DDDDDDDDDDDDD

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  15. Cette histoire est vraiment très belle et j'aime beaucoup l'image très symbolique des deux makhilas côte à côte.

    Bonne soirée Michelaise.
    Miss Lemon.

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  16. Bonsoir,
    Superbe histoire autour de cette merveille qu'est le makhila. Depuis 2 mois j'arbore dans mes déplacements autour de mon village et ailleurs un modèle très personnalisé (tressage à damiers et sentence : jakinduria - indarra - eta edertasuna) signifiant sagesse , force et beauté..tout un programme. En dehors de Larressore(que j'ai visité voici 10 ans environ)Il existe Alberdi (Irun) un autre près de St Jean Pied de Port et Guy Lanartic.Vous pouvez voir son travail sur mon blog :
    alainlegourmet
    Bonnes balades avec vos compagnons de route.

    Alain

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  17. Merci Alain de votre commentaire, et ravie de découvrir d'autres fabricants. J'avoue que les makhilas de Bergara sont superbes mais l'amabilité de leur fabricant assez limitée... alors pour le prochain, je vais précieusement conserver vos adresses

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  18. Magnifique ces bâtons de marche et la devise est une merveille de trouvaille d'autant plus que un c'est une déclaration d'amour et deux ceux qui te connaissent trouvent qu'elle te va bien .Sans nul doûte que tu le vaux bien !!!

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  19. Merci Brigitte, oui cette devise m'est allée droit au coeur ! Quant au bâton c'est un plaisir de l'utiliser chquae jour, bien en main et ferme sur le sol !!!

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  20. Non, heureusement au Pays Basque il ne reste pas que que "Jauna Bergarra" Monsieur Bergara. Il y en 2 autres, mais caché, préservé pour les basques, et les amis des basques.
    Un Makila se mérite, ce n'est pas un cadeau d'Honneur commercial, c'est bien plus que cela, c'est une transmission de valeur, de passage de la vie d'enfant à la vie d'adulte, de droiture, de parole, d'honneur, de Valeur et de respect pour devenir Gizon bat "un Homme", mais un Vrai !
    Le Makhila au Pays Basque était offert à tout jeune homme rentrant dans la vie d'adulte. C'est un symbole pour un changement de vie...........c'est ainsi que se transmet le Peuple Basque. C'est pour cela le Makhila n'est pas un objet de décoration,qu'il doit être replacé dans son contexte, qu'il se mérite d'être offert pour un acte, un comportement, une assistance, une valeur humaine, mais surtout loin du folklore.
    Un Makhila se doit d'être offert par un "Plaza Gizon" Basque
    "Homme Respectueux et élus pour ses valeurs morales" ou représentant du Peuple et de l'Identité Basque. Un basque n'appréciera jamais de rentrer dans une maison et de trouver un 0Makhila accroché à un mur, parce que cela fait beau ou pour de la déco. Tout basque au Pays Basque qui détient un Makhila, ne l'a obtenu que par reconnaissance, mais pour son honneur et ses valeurs, jamais il n'acceptera d'en détenir un chez lui pour l'exposer. Ceci pour vous expliquer , ce que que représente pour nous Peuple Basque le "MAKHILA".........de la part d'un Basque de Soule

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    1. Merci de ce témoignage, très convaincu. J'imagine que mon article vous a, donc, énervé et je l'admets. Cependant, même s'il s'agit d'un cadeau fait par mon mari (homme juste mais pas Basque) et mes enfants, même si, circonstance fort aggravante, je suis une femme (et votre commentaire semble vouloir les exclure de l'honneur du makhila) je puis vous assurer que les nôtres ne sont pas en décoration et sont deux bâtons de marche, de vie, de cheminement (la photo vous le prouve, ils sont posés près de la porte, prêts à partir) ! D'ailleurs les valeurs que vous liez au don du makhila ne sont pas exclusivement basque et il me semble légitime d'avoir le désir de les partager de façon symbolique, même si on n'est pas basque ! Sans verser dans le folklore... mot d'ailleurs à double tranchant : folklore qui dénature certes, ô combien parfois, mais qui permet aussi de faire survivre des traditions que la vie moderne aurait tendance à faire disparaître. Tout n'est pas toujours entièrement noir !

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  21. Bonsoir il existe aussi un autre fabricant de makhilas ahurrissants, totalement revisités
    avec du carbone et des métaux utilisés dans l'aéronautique.
    Il s'agit de Bergara pantxoa "Xabaltx" basé à Espelette.
    voici le lien de son site www.gaurko-makila.com
    a voir...

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    1. Merci de cette information. C'est d'ailleurs chez ce fabricant que Pascal, dont je parle dans l'article, décourage comme je le disais par la "bougonnerie" (??!!) du Bergaga de Larressore, a finalement acheté (enfin pas lui, mais ceux qui l'aiment et qui le lui offert !) son makhila ... mais le sien n'est pas en carbone ni aérodynamique (!! je plaisante bien sûr), il l'a choisi classique, car Bergara d'Espelette en fabrique aussi des classiques.
      Je crois que grâce à vous tous cet article devient vraiment exhaustif : on trouve dans les commentaires toutes les informations sur le makhila et tous les avis ! même ceux des puristes qui veulent en garder l'exclusive !

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