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Le Groeningemuseum de Bruges accueille jusqu'au 30 janvier une exposition intitulée "De Van Eyck à Dürer", qui a en partie motivé notre déplacement et qui, à elle seule, valait le voyage. Consacrée aux primitifs flamands et d'Europe Centrale de 1450 à 1550, elle s'attache à mettre en lumière les réseaux assez denses de relation qui existaient en ce début de pré Renaissance entre le nord et le nord-est. Nous avons déjà vu plusieurs expositions dédiée aux liens existants entre l'Europe du Sud et particulièrement l'Italie et la Flandre (à Venise en et à Bruges en 2002), le sujet est d'autant plus classique qu'on connait parfaitement les liens commerciaux entre ces deux pays, liens doublés de relations diplomatiques et dynastiques particulièrement intenses. Mais les liens entre les anciens Pays-Bas et les pays d'Europe Centrale, quoique reconnus, ont été moins approfondis, ce qui rendait cette exposition d'autant plus passionnante. Le talent de Van Eyck, l'extraordinaire qualité de sa facture, l'éblouissant rendu de ses compositions, sont pour beaucoup dans la diffusion de l'influence de la peinture flamande sur les pays situés plus au Nord. Tous les puissants désiraient posséder une de ses oeuvres, et chacun de ses "confrères" avait plus ou moins pour ambition sinon de l'imiter mais au moins d'atteindre un degré de perfection égal au sien. Son approche résolument novatrice des paysages, des intérieurs, de la mise en scène, se double d'une qualité technique proprement ébouriffante. Le rendu des matiériaux, du plus précieux au plus humble, la qualité d'observation de phénomènes optiques complexes, la restitution de la lumière et des ombres, font encore aujourd'hui de ses panneaux des chefs d'oeuvre incontestés. Que de jeunes peintres aient voulu comprendre sa technique, appliquer ses "recettes", s'inspirer de ses réalisations, n'a donc rien de surprenant. Que des puissants aient demandé à leurs peintres locaux de tenter de se rapprocher de l'esprit des composition du maître, non plus. D'autant que les uns et les autres, peintres et commanditaires, étaient beaucoup plus mobiles qu'on ne l'imagine et que les oeuvres elles-mêmes étaient souvent transportées sur de longues distances.
Il faudrait des pages et des pages pour vous raconter en détails les merveilles de cette exposition, mais, vous en serez d'accord, l'exercice serait fastidieux et la lecture ennuyeuse pour qui n'a pas eu la chance de cotoyer au plus près ces oeuvres savamment rapprochées les unes de autres, afin de mettre en lumière les influences réciproques. Koka et moi avons donc décidé de vous offrir une petite visite inusitée de cette manifestation, au travers de détails à lire et regarder comme un livre d'images.
Commençons par le plus simple, quelques détails de fleurs, qui nous ont obligées à réviser nos classiques, tant en botanique qu'en symbolique. Le lys, synonyme de pureté est présent sur toutes les annonciations, mais que signifient l'ancolie, l'oeillet ou l'iris ? La forme de la première évoquant une colombe, cette fleur symbolise le Saint Esprit. L'oeillet quant à lui matérialise l'engagement et la fidélité conjugale, comme le petit chien qu'on croise parfois sur les tableaux représentant des couples. Il figure aussi l'amour pur et sacré que Dieu ne cesse de porter aux hommes. L'iris, s'il est bleu évoque la Vierge et le surnaturel, l'éternité divine, l'immortalité humaine; c'est un emblème divin, païen comme chrétien, laïque comme religieux ; le symbole royal par excellence du bleu, évoque donc la royauté du Christ. Cependant que sa forme, qui ressemble à une lance, annonce les futures douleurs de Marie au cours de la Passion. S'il est blanc, il équivaut au lys (dont il est d'ailleurs la forme stylisée) : symbole marial, évocation de la pureté, donc de l'Immaculée Conception.
Les oiseaux présents sur de nombreux panneaux ont aussi leur signification : la colombe personnifie le Saint-Esprit, le perroquet à défaut d'être déjà un papagallo (pape français... ainsi que l'utilisera Le Greco en jouant de façon ambigue sur ce jeu de mot), il peut se voir attribuer l'éloquence ou une certaine forme d'intelligence réthorique. Le chardonneret de son côté, avec sa tâche rouge est le signe de la mort violente du Christ et de son destin tragique. Il est présent sur de nombreux scènes de l'enfance, jouant ainsi un rôle prémonitoire.
Il y en a souvent sur les représentations, fort en vogue aux XV et XVIèmes siècles, de Saint Luc portraiturant la Vierge... et nous ne pouvions faire moins, Lulu, que de t'en offrir quelques unes : ces sorcières sont prétexte à montrer l'envers de la scène, voire une fenêtre, et des personnages extérieurs à la composition, souvent le peintre lui-même.
C'est en partant du chef d'oeuvre absolu de l'exposition, la Vierge au Chanoine Van der Paele Van Eyck, que Koka et moins avons décidé de traquer pour vous les lunettes dans les autres peintures.
Finalement, notre moisson s'est révélée plutôt riche, assortie du jeu qui consistait à envoyer l'autre tenter de débusquer la paire découverte dans une salle donnée ! Ne vous y trompez pas, les lunettes ne sont nullement un accessoire moderne, puisqu'on en a découvert sur le site de Ninive, au nord de la Mésopotamie, qui auraient environ 4000ans. Quant à nos ancêtres, ils en portaient volontiers et ce, dès le Moyen-Age. Témoin Sandro di Popozo, qui déclare dans un traité de 1299 "Je suis si altéré par l'âge que sans ces lentilles, appelées lunettes, je ne serais plus capable de lire ou d'écrire".
Prises au jeu des détails, nous avons savouré particulièrement ceux qui émaillent cette scène de Saint Luc en train de réaliser le portrait de Marie, peinte par Derick Baegert vers 1480. Chaque centimètre carré du panneau est une vraie miniature, et intriguées par l'ange qui "follâtre à côté" (dixit Koka), nous avons finalement compris qu'il est en train de broyer les couleurs pour le peintre, alors qu'autour de lui s'étalent des instruments techniques (pots, pinceaux etc...)
Comme il n'est pas de bon billet sans quelque jeu pour les lecteurs, nous vous proposons pour finir de trouver l'intrus dans les particularités de cette Nativité de Martin Schongauer de 1469... C'est trop facile, je sais, mais vous aurez participé !!
Michelaise et Koka
Absolument passionnant ton billet.
RépondreSupprimerCette exposition que j´aurai tant aimé voir.
Merci Michelaise
magnifique note et images et explications
RépondreSupprimerque je regrette d'être si loin!
en plus l'expo se termine...
montres nous plus aussi de Durer, j'aime tellement son oeuvre! il y a quelques années je me sentais même amoureuse de lui...
Il ne reste que quelques heures !! Mais tu as raison Alba, c'était un vrai événement dans l'histoire de l'Art
RépondreSupprimerJulie normal d'être un peu amoureuse de Durer, il est tellement beau d'après son autoportrait !
Trés intéressant! à vrai dire je n'avais jamais repéré autant de lunettes dans ces tableaux anciens ... Merci pour cette visite de détails, c'est un biais trés pédagogique!
RépondreSupprimerBonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerMerci beaucoup à toi et à tes filles pour cet itinéraire passionnant et varié...
Le lys, les oiseaux , les lunettes et tout ce qui s'y rapporte...
Et tu trouves trop facile la devinette de la fin ?
Moi j'y vois un visage sans visage qui voit quand même.
Absurde.
Je sais.
Merci beaucoup.
Pour tout.
Je t'embrasse.
Mais non Herbert pas si absurde ! Merci de ta visite toujours fidèle.
RépondreSupprimerArtemise en fait on a cherché assiduement pour trouver toutes ces lunettes !! Quant aux détails, on a trouvé qu'ils étaient si jolis qu'ils méritaient à eux seuls une visite
Passionnant ce billet encore une fois on découvre ce qu'on ne voit pas...le jeu de piste à partir des fleurs, des oiseaux,toute une symbolique oubliée (hélas) par beaucoup, les lunettes ...je ne les avais jamais remarquées !
RépondreSupprimerj'ai apprécié particulièrement l'ange broyant les pigments...
Bravo pour ton "oeil"
une visite à la suite de Pégase qui m'a conduit ici...
Durer jeune qu'est qu'il m'a fait rêver celui-là !
bonne journée
Moi je n'ai pas mes lunettes alors je ne trouve pas l'intrus!!
RépondreSupprimerJe la fais façon Chic!
Je suis un peu idiote Bruges n'est qu'à un peu plus de deux heures de train de Paris,pourquoi se priver d'une telle beauté?
Certainement parce qu'à Paris nous sommes trop gâtés et aussi un peu méprisants vis à vis du reste du monde,un peu trop nombrilistes certainement.
Allez Cranach arrive!
mon commentaire de ce matin s'est évaporé,
RépondreSupprimerpassionnant comme toujours , la recherche sur les fleurs, les lunettes...tous ces détails et leurs symboliques qu'on ne voit pas si on regarde trop rapidement
l'intrus ? pas si facile...le paysage peut-être ?
Bonne soirée (Josette)
Mais non Aloïs, ce n'est pas du mépris : vous êtes "gâtés" vous avez tant et tant à voir que vous ne pouvez déjà pas visiter tout ce que vous offre Paris. Alors, aller faire un saut à Bruges, pourquoi aller si loin, car 2h de train c'est pas long, mais le prix du Thalys, bonjour les dégâts, quand on a tant à portée de main. Il faut, et c'est normal, profiter de ce qui est simple d'accès, le reste après. J'avoue tout de même que cette expo brugeoise est, à mon sens, un véritable événement de l'histoire de l'art et une telle mobilisation de chefs d'oeuvres, venus du monde entier, valaient bien un week-end.
RépondreSupprimerNon Josette, ton commentaire ne s'est pas volatilisé, mes commentaires sont modérés, donc parfois ils paraissent avec un temps de retard, le temps que je les lise avant de les publier. Cela me permet surtout de répondre à chacun, ce qui me semble très important. Tu as raison, il faut prendre le temps de déguster les détails ainsi que nous l'avons fait avec Koka, et l'idée du blog n'y est pas étrangère : on avait envie de publier quelque chose d'original sur une exposition très (trop ??) sérieuse. Tout le monde n'est pas censé aimer les détails techniques, donc c'était notre façon de partager avec tous.
Je sors la tête de mes parchemins, je garde mes binocles et j'arrive !
RépondreSupprimerBravo les filles pour ce billet magistral à la hauteur des trésors que vous avez cotoyés.
C'est une peinture que j'adore pour tous ces p'tits détails qui font qu'il faudrait vivre avec, s'assoir et savourer, revenir encore et s'étonner.
Merci pour les sorcières et aussi pour les lunettes, incroyable d'en avoir tant trouvé ;-)
Un jeu pour jouer à mon tour. Armée de mes lorgnons, j'ai détaillé, compté les doigts, les phalanges...Le boeuf louche un peu quand même, ou alors un téléphone portable caché quelque part ??
Je vais regarder encore !
Bises !
Bravo à vous deux Michelaise et Koka pour ce billet passionnant. Je me suis régalée à découvrir tous ces détails mais je viens de m'user les yeux à chercher un intrus que je n'arrive pas à trouver... Ça m'agace ;-)
RépondreSupprimerEn tout cas tu peux proposer cet article comme préparation de classe aux instits qui organisent une visite de musée. L'idée de faire repérer aux enfants, les fleurs, les oiseaux, les lunettes est absolument géniale. J'adore !
Merci Michelaise et Koka , j'ai trouvé passionnant cette approche originale des tableaux ! et comme toujours enrichissant sur la symbolique des fleurs , des oiseaux...c'est une formidable façon d'amener vers des oeuvres sérieuses en effet...
RépondreSupprimerAh, je vois que tu as réussi à tirer une image satisfaisante de tous ces détails !
RépondreSupprimerC'est encore plus fascinant avec toutes les significations et anecdotes... quoi que se demander ce que peut bien représenter l'Iris ou le chardonnet a son charme !
Bisous
A mon tour de réagir à cette petite promenade muséale, après plein de déboires informatiques, qui me rendent un peu moins disponibles, mais moi aussi j'ai bien aimé cette sélection de tableaux ainsi que ces zooms thématiques, les oiseaux, les fleurs, etc... C'est amusant! A noter, en complément de ces passionnantes informations (je n'avais jamais fait attention aux iris, je ferai gaffe mardi à la Gemäldegalerie) que l'oeillet, s'il est rouge, comme le sang du Christ, peut aussi être un symbole de rédemption... Pas comme mon ordinateur qui vient d'expirer etq ue je vais aller changer cet après-midi à la Fnac!!!
RépondreSupprimerCoucou Michelaise. Juste une petite question : as-tu reçu mon com au sujet de cet article ? Je ne sais pas si c'est parce que tu ne l'as pas encore mis en ligne ou si c'est parce que j'ai eu un problème d'envoi qu'il n'apparaît pas.... J'ai quelques problèmes de connexion en ce moment et je ne suis jamais sûre de rien....
RépondreSupprimerAh oui Lulu, tes besicles sont efficaces, le boeuf louche très nettement !! tu as tout juste !!
RépondreSupprimerTu as tout compris Oxy, le jeu de chercher les détails nous vient du temps (lointain) où nous trainions nous deux malheureuses minettes dans les musées, et où, pour leur permettre de supporter nos visites qui n'en finissaient plus, nous jouions à compter les perroquets, à chercher les chapeaux ou à découvrir les détails les plus divers !! Le jeu est aussi excellent pour des adultes et Koka et moi adorons le refaire quand l'occasion s'en présente. En fait, on est du coup beaucoup plus attentif aux peintures et cela offre une vision bien plus complète de l'exposition !
Et en plus, Catherine a raison, grâce à cela on apprend le sens de ces détails qui ne sont pas, jamais, pittoresques, cela c'est une idée moderne, mais qui ont toujours un sens. Les commanditaires étaient fort exigeants et rien n'est jamais laissé au hasard. L'idée du pittoresque est moderne et hors de propos sur des peintures forcément détaillées et épluchées par ceux qui payaient les artistes !!
Ah oui Koka, tu aurais préféré que je laisse planer le mystère ? c'est vrai que nous deux, on n'avait pas beaucoup de solutions, et certains détails nous ont laissées perplexes !!
RépondreSupprimerGF toutes mes condoléances pour ton ordi, mais je vois que tu ne te laisses pas abattre !! faut dire qu'on a du mal à survivre sans cette étrange lucarne ! je pense bien à vous et compte sur ton oeil acéré pour repérer oeillets rouges et lys blancs !!! chasse au trésor à Berlin !!
Oxy, ton comm était bien arrivée mais j'étais à Bordeaux et viens juste de rentrer, et de mettre en ligne tous ces merveilleux commentaires ! quel bonheur de trouver tous ces mots gentils à mon retour ! Rassure-toi, ton ordi ne fait pas comme celui de GF, il fonctionne bien !