Le mois de janvier est un mois terrible. Non content de compter 31 jours en plein coeur de l'hiver, de nous aligner intempéries et fatigues post réveillon, c'est le mois durant lequel il faut payer les assurances. Bref, pas le mois le plus fécond en inspiration pour les blogs. On pare au plus pressé et les réflexions volent au ras des nuages. Toujours est-il que, alors que nous allions faire une petite promenade pour profiter de la douceur et flamber un peu avec mon makhila, Alter a pris son appareil photo. L'estuaire en long, en large, en matin, en soirée, l'été, l'automne, bref l'estuaire à toutes les sauces, on ne s'en lasse pas. Quand il a voulu descendre le long de la falaise aux carrelets, j'ai décrété que, finalement, étant donné le marasme ambiant, cela me ferait un article.
- Mais tu en as déjà fait plein sur les carrelets
Je viens de vérifier en tapant "carrelet" dans la zone de recherche qui me permet, selon les cas, de retrouver une recette, l'adresse d'un bon resto, la date d'un événement. Car ainsi qu'elle le soulignait justement dans un dernier billet, les blogs sont devenus notre mémoire. Ils remplacent étrangement mais efficacement les carnets d'autrefois, même si, on conserve l'habitude de ces petits livres où l'on notait tout. J'ai tendance à penser, me posant la question du sort que je ferai subir à mes journaux intimes quand je sentirai la camarde se rapprocher de trop près, que les blogs laisseront à nos enfants moins de blessures exposées à contre-temps. Les correspondances, les vraies, ont quasi disparu de l'univers quotidien, ces longues lettres pleines de confidences et d'état d'âme que l'on n'ose lire après le décès des intéressés, ayant peur de violer leur intimité. Les jouraux intimes sont devenus une curiosité, et s'il m'arrive de relire ceux que j'écrivis, et ils sont nombreux, au cours de ma vie, j'en suis toujours bouleversée. Ils avaient propension à être rédigés par temps d'orage et l'on y cherchait un exutoire cathartique aux peines du moment. Relus à distance, ils donnent une impression de mlaheur et de désespoir, faussée par le peu de pages consacrées aux moments heureux. Quand tout va bien, on a tendance à agir, vivre, courir, et alors pas le temps d'écrire. Le journal est un confident des heures noires, un moyen aussi d'exprimer ce qui ne va pas, façon banale mais efficace de le dédramatiser. On est beaucoup plus réservé dans un blog, même s'il arrive qu'on s'y découvre, on se sait lu et l'abandon n'est pas possible. Voire on y fait bonne figure aux jours de découragement, et finalement cela fait autant de bien que d'épancher ses infortunes sur un petit cahier soigneusement rangé dans un tiroir.
Bref, il est assez peu mention de carrelet dans les 915 articles qui précèdent. L'occurence n'est présente que dans 5 articles, dont un qui traite de bande dessinée, l'autre de la pêche à la crevette à pied, le troisième d'aménagements de la côte. J'explique là à quel genre de pêche on s'y livre, armé d'un grand filet qui descend quelques fois l'an, les jours de grande marée, car il faut être bien à l'affût pour avoir vu un carrelet en service. Leurs propriétaires les entretiennent, y viennent passer parfois un moment entre hommes ou avec des copains pour y boire l'apéro, mais ce n'est pas d'un usage courant ! Donc cette petite série de photos ne vous semblera pas forcément une redite.
Ces petites cabanes qui permettent une pêche épisodique, obligatoirement non lucrative et pas forcément très efficace, sauf quand il s'agit d'y piéger une sirène bien sûr, ont beaucoup de succès auprès des estivants. C'est pittoresque et chacun rêve d'en acheter un car on se dit que cela doit être bon marché.
Il faut savoir que l'on est propriétaire de l'installation mais pas de son emplacement. Pour construire, le propiétaire doit obtenir au préalable une autorisation d’occupation temporaire du terrain. Il paiera ainsi une redevance de l'ordre de 250€ par an pour maintenir son droit. Une fois cette autorisation expirée, il peut la renouveler. Dans le cas contraire il devra remettre les lieux en état. S’il ne démonte pas la cabane, elle reviendra alors à l’Etat. Ensuite, pour pouvoir pêcher il faut solliciter une licence auprès du service gestionnaire de la pêche, licence annuelle qui tombe si l'on ne la paie plus, et qui ne l'autorise qui recueillir des quantités propres à sa consommation personnelle. Il faut savoir qu'en outre, il est interdit de louer ou de sous-louer les intallations.
Et s'il vous prend l'envie de devenir propriétaire de ces quelques mètres carrés fragiles au-dessus de l'eau ? On en trouve parfois à vendre mais comme il en reste à peine 5 ou 600, les affaires sont rares. Les prix demandés ont d'autant plus grimpé que beaucoup sont tout neufs et qu'il a fallu compter de 15 à 20 000 euros pour les retaper. Donc un carrelet se vend entre 20 000 et 30 000 euros, selon sa taille, son état, son emplacement. Il faut ajouter à cela les frais d'entretien, c'est exposé un carrelet, ainsi que les droits divers d'occupation et de pêche dont j'ai parlé ci-dessus, et qui eux, sont annuels. Quant à l'assurance en cas de tempête, je me demande bien quelle compagnie vous l'assure de façon efficace ? Mais ces cabanes font rêver et s'il vous prend l'envie de vous offrir un balcon sur l'estuaire, n'oubliez pas que les plus belles prises qu'on y fait sont de charmantes sirènes qui en font fantasmer plus d'un !
Après la tempête de 99, il semble qu'il ne restait qu'une soixantaine de carrelets debout, dont les deux tiers étaient fortement endommagés. Cela a donné lieu à tout un artisanat de reconstruction assez florissant qui a permis de rajeunir des cabanes parfois vétustes, et de redonner à l'estuaire une allure pimpante. Les reconstructions se sont faites selon des règles strictes : il concenait d'utiliser des matériaux nobles comme le bois (les pieux métalliques étaient déconseillés), d'éviter les constructions de dimensions disproportionnées (pas plus de 20m² pour la plateforme, 10m² pour le cabanon et 1 mètre de large pour la passerelle). Les couleurs devaient rester discrète, pour une bonne intégration dans le paysage : couleur sombre pour les pieux ou la passerelle, gris clair pour les garde-corps et la cabane abri. Seule concession un peu économique pour ces baraques qui autrefois étaient toutes de guingois et faites de bric et de broc, un toit en onduline était admis. Du coup, l'ensemble est devenu nettement plus harmonieux, presque prestigieux. Même si la tempête Xynthia en a abimé pas mal, les dégâts ont été moindre qu'en 99 et c'est sûr que ces petites cabanes, au coucher du soleil, quand le soleil ricoche sur les falaises, ont une allure franchement princière ! On en loue pour une la durée d'une marée, soit environ 6 heures, au tarif fort attractif de 40€ à Vitrezay, où l'on peut d'ailleurs s'être exercé à la pêche auparavant, en compagnie d'un accompagnateur, pour la modique somme de 7€ par personne. Et comme l'ajoute le site de Pauillac (en face !) qui propose le même service, le temps où l'on ne pêche pas peut être occupé par des pique-niques ou simplement le repos en pleine nature. Pourtant les locations sont rares car s'y ajoutent les problèmes de responsabilité qui, l'endroit étant par définition dangereux, pour des enfants ou des adultes ayant abusé de pineau, sont très lourds. Les demandes, pour un mariage, pour une fête, pour une simple soirée entre amis, sont très nombreuses, les loueurs téméraires très rares.
Et s'il vous prend l'envie de devenir propriétaire de ces quelques mètres carrés fragiles au-dessus de l'eau ? On en trouve parfois à vendre mais comme il en reste à peine 5 ou 600, les affaires sont rares. Les prix demandés ont d'autant plus grimpé que beaucoup sont tout neufs et qu'il a fallu compter de 15 à 20 000 euros pour les retaper. Donc un carrelet se vend entre 20 000 et 30 000 euros, selon sa taille, son état, son emplacement. Il faut ajouter à cela les frais d'entretien, c'est exposé un carrelet, ainsi que les droits divers d'occupation et de pêche dont j'ai parlé ci-dessus, et qui eux, sont annuels. Quant à l'assurance en cas de tempête, je me demande bien quelle compagnie vous l'assure de façon efficace ? Mais ces cabanes font rêver et s'il vous prend l'envie de vous offrir un balcon sur l'estuaire, n'oubliez pas que les plus belles prises qu'on y fait sont de charmantes sirènes qui en font fantasmer plus d'un !
Très intéressé par cet article. La pêche au carrelet est en voie d'extinction dans le Midi où elle servait surtout à prendre de petites fritures. Marseille, l'étang de Berre, ceux du Languedoc...Il y a encore une trentaine d'année les bords du Rhône étaient parsemés de poteaux-potences généralement sans cabane et, à Avignon ou Arles on pêchait les aloses au vire-vire. Aujourd'hui les poissons ont déserté le fleuve (la mer aussi, amusant de voir nos restos de la côte servir soit du surgelé soit des poissons du Guilvinec ou de Dieppe...)ou sont contaminés aux PCB (interdiction de les consommer). Plus de barques. Restent de mauvaises péniches qui squattent les rives au mépris de tout droit fluvial...
RépondreSupprimerVu le niveau des prix j'imagine que l'on est passé, d'une pêche familiale et populaire à un loisir pour néo-citadins ?
Et bien je ne pensais pas que les carrelets coûtaient autant de sous ! Quand je les ai pris en photos, je ne pensais pas qu'il valait mieux les avoir en photo que de devoir les entretenir !!!
RépondreSupprimerDe vraies danseuses sur l'estuaire !
C'est vrai qu'au crépuscule, ils sont d'un très bel effet sur l'estuaire !
Comme je ne connais pas ton blog depuis longtemps je découvre et elles sont très belles ces photos, dans la lumière dorée. Tu as tout-à-fait raison sur le côté dramatique des écrits intimes. J'ai commencé à détruire les miens, horrifiée à l'idée que si quelqu'un les lisait après moi, il aurait l'impression que j'ai eu une vie épouvantable, ce qui n'est tout de même pas le cas.
RépondreSupprimerEt voilà que cette fois tu nous dévoiles tes super-pouvoirs, meme comme excellent... syndicat d'initiative et agent immobilier! (traduction: tu as écrit un texte+photos fort intéressant).
RépondreSupprimerBonne journée, Mic-SuperWoman.
Manque d´inspiration ?
RépondreSupprimerCet espace m´enchanterait pour y vivre...
J´adore estuaires, embouchures, confluents... mon esprit s´envole...
Je salue ton âme de journaliste. En ces moments de disette, je me permets tout de même de poster un commentaire, car rester scotchée sur le zéro, après un tel travail est trop injuste. Il y a bien des magazines de tourisme qui ne t'arrivent pas à la hauteur et pourtant, ça se vend. Mais enfin, je suis certain que tu prends beaucoup de plaisir à écrire tes billets, cela se sent, et moi, à les lire, lorsque je ne t'oublie pas.
RépondreSupprimerLe monde des pêcheries est très curieux et en m^me temps, captivant. Ce type de pêche avec ces cabanes qui traversent le temps, quand elles ont bien entretenue, semble faire un pied de nez à notre époque moderne, où les loisirs sont plutôt "informatisés".
Tu m'as fait retrouver des souvenirs d'enfance, car j'ai aussi connu des lieux identiques et pour un enfant, c'était le rêve.
Belle soirée à toi.
Amitiés,
Roger
Tu es une coquine Michelaise de dire que les plus belles prises sont celles de sirènes... Notre ami Chic risque de se convertir très vite à cette pêche...
RépondreSupprimerEn tout cas, tout ce bel article me fait immanquablement penser à la BD que j'avais achetée sur ton conseil et dont les dessins sont si proches de la réalité. De plus c'est une magnifique (et terrible) histoire de sirène...
Je voulais aussi te dire que j'ai évidemment beaucoup apprécier ton manque d'inspiration si riche en différentes informations sur ces étonnants carrelets.
Tout ce que tu as dit aussi des journaux intimes et des blogs est bien analysé et correspond exactement à ce que je pense et ressens.
Bonne balade belge à toi Michelaise et à bientôt !
Oui, Roberto, c'était en effet souvent un moyen de survie car ces pêches étaient, il y a peu encore très abondantes. Quant aux néo-citadins, ils utilisent leurs carrelets tous les 46 du mois ! les locaux aussi s'en offrent un parfois, pour le plaisir.
RépondreSupprimerENitram, j'adore, des danseuses sur l'estuaire en effet ... mais bon, par rapport au prix de certains 4x4 !! au moins, c'est sain.
Alba, vivre sur un estuaire c'est en effet très spécial, plus humain que la mer à perte de vue, plus large et plus ouvert vers le rêve que la simple rivière.
Merci Roger de ton commentaire, oui, je prends un réel plaisir dans la rédaction de ces billets, prétexte à souvenirs, bonheur de jouer avec les mots, et encore plus de plaisir, tu l'as compris, à lire les commentaires... c'est tellement étonnant de s'imaginer lue ! je n'aurais jamais imaginé que cela puisse exister.
Ah oui Oxy, la sirène de la BD était presque convaicante ! je suis même allée vérifée sur la plage si elle n'y avait pas laissé quelque trace ! pas trouvé le rosier non plus !
bonjour je suis tres interressee par cet article sur les carrelet
RépondreSupprimerJe suis moi meme proprietaire d'un carrelet
et je cherche desesperement un texte de loisqui interdirait la location ou non de ces cabanes ! sachant qu il existe 2 legislations celle des carrelet du port d'autre sur ceux de l'estuaire vous pouvez me contacter par mail aupadra@hotmail.fr
Merci d'avance
J'avoue que je n'avais pas pensé à la location : en fait, pour savoir si elle est possible, il faut que vous regardiez votre contrat d'occupation temporaire du terrain : car vous êtes, en principe, propriétaire de l'installation mais pas du droit d'occupation. Pour ce dernier, vous avez, forcément, signé un contrat avec le littoral, la commune ou le port où vous êtes. Et, dans ce contrat, il doit y avoir des indications sur le droit de location (ce serait en définitive une sous-location !!). C'est pour cette raison qu'il n'y a pas de texte "général" mais sans doute, des situations différentes selon le contenu du contrat signé avec l'organisme qui vous a autorisé à construire le carrelet puis à l'occuper. Et auquel, normalement, vous payez une redevance, un loyer en fait, chaque année.
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