lundi 21 février 2011

DE L'AUTRE COTE


Une corvée de taille ce week-end, corvée dont le poids ne cesse d'aller en s'aggravant, et que nous avons toujours tenté d'accommoder avec des escapades réconfortantes, pour "faire passer la pillule"... Quelques événements à fêter, et dont je vous passerai le détail, car chez les Alter Michelais quand on fête, ça dure, on adore "repasser les plats" et finalement ce ne sont que prétextes pour croquer la vie autrement.

Donc samedi soir, embarquement pour le Médoc. Cythère d'un nouveau genre, où Bacchus joue allègrement le rôle d'Aphrodite et dont les pages de sable fin sont bordées, côté Gironde, de carrelets et baignées de cette boue épaisse qui fait la caractéristique de l'estuaire.

Mais pour nous, c'est toujours agréable d'aller "en face", là où rugit l'Océan, et du côté où coule la Garonne, puisque nos eaux, celles qui passent sous nos fenêtres, proviennent, quant à elles, de la Dordogne.


Nous avons fait une halte vespérale à Vertheuil dont l'abbatiale XVIIIème est construite autour d'une des rares églises romanes de ces terres un peu à l'écart des routes médiévales. Cet ensemble architectural grandiose s'orne de deux clochers, formule fréquente dans les églises de l'Est, mais peu courante en Guyenne. Pas de façade principale, mais sur le flanc sud s'ouvre un beau portail d'inspiration saintongeaise, malheureusement un peu massacré au XVIIème par l'adjonction d'un décor à mascarons, qui viennent grignoter la suite vertigineuse des vieillards de l'Apocalypse, au départ bien plus nombreux que les 24 règlementaires !

On y admire aussi un déambulatoire au voûtement fort rare: au lieu d'être une sorte de couronne qui serpente tout le long de l'axe arrondi, chaque chapelle est rattachée au passage par un berceau radiant formant en plan des trapèzes qui se succèdent avec régularité. A l'entrée du choeur, une élégante construction gothique s'élève à hauteur respectable et constitue le mystère du lieu : trop haute pour être une chaire, trop petite pour accueillir un orgue, le "monument" s'offre à la curiosité sans autre explication répertoriée. Je dédie les fonds baptismaux, en forme de cannelé géant et creusés dans une énorme pierre monolithe du XVème siècle à Autour du Puits, spécialiste de ce genre de mobilier clérical. 


Alter avait organisé la virée et je vous épargnerai le détail du menu : un chef réputé sévissait en ces lieux jusqu'à l'an dernier, copieusement "macaronné". Appelé vers de plus hautes destinées, tant parisiennes qu'Asiatiques*, il vendit son affaire à son "premier", qui continue une cuisine traditionnelle mais inventive, qui nous a fort réjouit les papilles.

Mais ce qui fait le charme essentiel du lieu, planté au milieu de vignes prestigieuses, c'est l'accord "mets et vins", qui s'égrenne selon un plan parfaitement orchestré par un sommelier plein d'astuces et d'audaces : il nous a fait découvrir un Médoc blanc, alerte et quasiment citronné : sur un fois gras, c'était inattendu et pourtant bienvenu. Cela nous a permis aussi d'apprendre qu'on fabrique en local ces délicieux petits vins blancs qui n'ont, bien sûr, droit à aucune étiquette prestigieuse, les classements médocains étant réservés aux rouges. Bordeaux Blancs donc, en toute simplicité et qui, foi de michelaise, vous laissent un agréable souvenir. Les vins allaient crescendo tout au long du repas et l'accord final, plaqué avec élégance, revenait à un Château Lynch Bages 1988 : il faut être en plein terroir pour espérer déguster un vin de cet âge et de cette tenue, sans finir sa vie en faisant la vaisselle dans les cuisines de l'hôtel !


* Il s'agit de Thierry Marx, "promotteur" de la cuisine moléculaire, sans doute trop hardie pour ces terroirs médocains et qui a délaissé les rives de la Gironde pour les sirènes aux yeux bridés du Mandarin Oriental ... un lieu que nous n'aurons vraisemblablement jamais l'occasion de découvrir !

14 commentaires:

  1. Je connais le Mandarin Oriental de Kuala Lumpur mais pas celui de Paris...
    Bon séjour à vous deux.

    RépondreSupprimer
  2. La dernière mosaïque de photos est bien sympathique... Cordeillan Bages rien que ça !! et le blanc de Lynch Bages est une petite merveille. Quant au rouge c'est mon Pauillac préféré...mais le stock s'amenuise !!! et le réapprovisionnement hors de portée....

    RépondreSupprimer
  3. ripailles à tout va dans le médoc où les excès ont recours aux "médocs"

    RépondreSupprimer
  4. Je pense connaître aussi ce type de corvée, mais vous avez su l'agrémenter drôlement bien !
    Bonne journée !

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour, Michelaise...
    J'aime beaucoup cet harmonieux mélange de cultures...celle qui tient de l'histoire et celle qui relève de la succulence des mets et des vins...

    Et la nécropole, dans tout ça ?
    Merci beaucoup.
    Je t'embrasse.

    RépondreSupprimer
  6. Oh Evelyne, n'ayant jamais fait de voyages lointains, je ne pratique guère les palaces... Cela doit être étonnant d'après ce que j'ai lu des projets confiés à Marx pour le Mandarin de Paris.
    Robert c'est exactement cela, des vins qu'on n'a pas les moyens de s'offrir, mais dont, à l'occasion d'une petit folie, on peut déguster un verre. Et c'est déjà tout une fête. Grâce à une invention qui fleurit dans les bars à vins, l'Eonoline...
    Norma, corvée en soi mais qui, ce week-end s'est transformée en catastrophe à l'état pur. Deux jours pour s'en remettre. Cela me fait du bien de parler des atours dont Alter avit eu la bonne idée de la parer.
    Gérard, à "nos âges" (oups !!) le recours au médoc pour supporter le Médoc s'impose, mais on n'est pas encore totalement interdits de Médoc !! Ouf, on en profite vite...
    Aïe Robert, on a raté quelque chose, la nécropole ??? Il va falloir que je révise mon Médoc !!

    RépondreSupprimer
  7. Toujours par monts et par vaux pour gouter certainement du veau du haut des vents qui vous emportent et nous enivre un peu aussi, normal en jonchant les côtes viticoles et les plafonds médiévaux des abbayes, lieux de vie, moments fondamentaux par là et surtout ici !!!

    RépondreSupprimer
  8. Un de mes beaux souvenirs étape lors d'un mariage dans le Bordelais!
    Pas très loin d'ici à Bourron Marlotte un restaurant "offre " le même genre de repas,avec des accords de vin parfaits
    Il va falloir que je revienne à Vertheuil d'autant que son baptistère ne fait pas partie de ma collection.
    Allez savoir pourquoi je suis si attirée par les baptistères?
    Je ne suis pourtant pas tombée dans le bénitier et je ne suis pas une grenouille non plus!!

    RépondreSupprimer
  9. Que oui Mathilde, les enivrements, les ébriétés viti-vinicoles, y a que ça de vrai dans la vie ... hips !! Je plaisante mais cela fait du bien parfois de décoller un peu du quotidien sinistre grâce à une légère légèreté que le Médoc, entre autres, nous offre avec courtoisie.
    Aloïs, mon ami Fred, catho s'il en est, te dirait qu'il doit y avoir une nostalgie, une fascination qui révèle un manque... enfin peu ou prou !! je pense, quant à moi, que le côté "humain" de ces lieux, de ces pierres, te parle de ceux qui nous y ont précédés, qui les ont choisies, construites, élevées... c'est là le mot, élevé... tu aimes ce qui élève l'homme !!!

    RépondreSupprimer
  10. Pour aller "de l'autre côté"...il faut souvent traverser...un pont :))...symbolique ou pas...et passé le pont...;)

    RépondreSupprimer
  11. Eh bien! La croisière s'amuse et Madame aussi dans ces contrées! Comme je fais petits bras, moi, avec mon baby turbot du KadeWe et comme ton assiette avait l'air alléchante. Pas que l'assiette d'ailleurs! J'aime beaucoup la comparaison des fonts baptismaux avec un cannelé géant... De même l'abside de l'église ressemble à s'y méprendre à un presse-citron géant! Allez, arrêtons-là mes élucubrations, il est bientôt l'heure de passer à table!

    RépondreSupprimer
  12. ET oui Chic, il suffit de passer le pont, c'est tout de suite l'aventure ! A part que le nôtre est symbolique, et comme dit GF la croisière s'amuse : on prend le bac et on a l'impression de partir loin !!!
    GF Tes victuailles KaDeWeènes (esques ??) sont tout de même une autre parie de manche, il faut, comme tu avais eu soin de la faire(pas forcément exprès d'ailleurs) avoir perdu quelques kilos avant d'y aller ! Sous peine de virer au poids moyen teuton !
    Cannelé et presse-citron, cela pourrait faire un petit déj parfait en tout cas.

    RépondreSupprimer
  13. Il y a de nombreuses années déjà nous avions fait à deux un repas à Cordeillan-Bages... j'en ai gardé le souvenir ému d'un vin divin et de mets délicieux mais hélas les portions étaient si chiches...que le souvenir final en est tempéré et que à ce moment là cela représentait tout ce qu'on a reproché à la "nouvelle "cuisine. T. Marx commençait à être bien connu mais pas encore il me semble par la cuisine moléculaire...

    RépondreSupprimer
  14. Oui Catherine la sus-dite "nouvelle cuisine" semble toujours chiche, mais quand le restaurateur est de talent, entre "amuse-bouche", "pré-dessert" et "mignardises", on finit par manger pas mal. J'avoue que nos nouveaux modes d'alimentation, plus légers et plus nature, s'accomodent mieux de ces "touches" discrètes et que, l'âge aidant, on ne sort plus de table affamé comme c'était le cas il y a 10 ans !!
    Enfin Marx nous a quittés pour de plus hautes destinées, tu as senti la petite pointe de dépit de mon propos... un grand chef en Médoc, c'était quand même une chance !

    RépondreSupprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...