Bon, il s'agit de relever le défi proposé par Chic dans son commentaire : après la joggueuse et le joggueur, la rencontre du 3ème type ! Chic nous a offert un vrai extra-terrestre, je vous propose un terrestre 100%. Dans ce petit récit, il y a bien le premier type, le dragueur, le deuxième type, en l'occurence "la" parisienne, et le troisième type : un homme un peu timide mais tellement sincère ! A moins que finalement, le troisème type ne soit le contrôleur... c'est vous qui en jugerez.
J'étais en train de lire "L'heure du Roi" de Khazanov, ce texte de contrebande forcément subversif, qu'elle m'avait offert avec toute son amitié... Avec le plaisir de sa présence sur la quai à mon arrivée et la délicatesse d'avoir été là, fut-ce quelques minutes, pour ensoleiller ma journée un peu terne, lors d'un voyage rapide et pas très radieux à Paris. Une de ces convocations de dernière minute qui vous fichent un planning en miettes, vous font vous demander à quoi servent les visioconférences et vous font maugréer contre le sort qui vous est imparti. 8h de train dans la journée ça vous rend un peu maussade, sauf si un rayon d'amitié éclaire ce pensum. Et le rayon en question, passage éclair de mon aminaute de prédilection, m'a valu ce livre au style ciselé avec délicatesse et sans ostentation, une façon d'écrire entre évidence et rêve que j'affectionne particulièrement, et que je dévorais dans le TER de retour reliant Niort à Royan.
Derrière moi, un petit monsieur, plus tout jeune mais charmant et jovial, "draguait" avec enthousiasme une jeune parisienne égarée, manifestement affolée d'aboutir dans un lieu aussi reculé que notre bonne ville. Elle s'inquiétait fort bruyamment de l'endroit où pouvait se nicher le Novotel, et de la probabilité qu'un taxi puisse l'y conduire. Notre Don Juan plaisantait, mais ignorait manifestement l'emplacement de la seule ressource hôtelière potable de la ville de Royan, pourtant terriblement repérable sur son rocher altier. Il m'a semblé plus tard l'entendre dire qu'il regagnait ses pénates à Meschers, de là à conclure que les michelais ne connaissent pas bien Royan...
Face à moi, un monsieur très rangé, plutôt rond de cuir et réservé en diable, prit soudain la parole, et, avec l'audace des timides, déclara tout de go au vibrion un peu déçue du manque de serviabilité de celui qui se donnait tant de mal pour la faire rire un instant avant : "Je vous y déposerai mademoiselle, ce n'est pas très loin de la gare".
Remerciements enthousiastes de l'intéressée, son séducteur désappointé engageant du coup un autre conversation sur sa gauche. Et mon vis à vis, étonné de sa propre bravoure, la voix d'abord un peu étranglée par l'absence d'habitude de s'imposer, entreprit de se justifier de cette invitation, somme toute hardie.
Encouragé par nos regards interrogatifs il poursuivit
"A Paris, je me suis trompé de train".
"Comment est-ce possible ?"
"Et bien j'étais en avance, parfaitement détendu, et je suis monté trop vite dans un train. J'ai cru vérifier pourtant, mais après le départ, je me suis rendu compte qu'il allait direct à Bordeaux, avec un seul arrêt à Angoulême". Il faut expliquer que pour rejoindre Royan, on prend le train de La Rochelle, on fait un peu omnibus jusqu'à Niort et que là, on change pour un TER raliant le bord de l'Atlantique.
In petto, je compatis, sans trop savoir ce que nous réservait pour la suite notre héros d'un soir. Mais il faut savoir que depuis Angoulême, pour cause de travaux sur la voie qui durent jusqu'en mai 2011, il faut se livrer à un vrai parcours du combattant pour rejoindre Royan, un bus qui fait tous les villages jusqu'à Saintes, puis de là, un train qui hahanne jusqu'au terminus océan. Sans compter que ce système aléatoire et inconfortable ne doit plus guère exister de nuit.
"Donc j'avise le contrôleur qui m'annonce qu'il ne me comptera pas de supplément, mais qui a l'air désolé pour moi, car le voyage risque d'être impossible pour ce soir. Obligé de coucher à l'hôtel à Angoulême pour rejoindre Royan demain matin. Gentil le contrôleur, serviable même, cherchant avec ardeur dans sa machine comment je pourrais m'en sortir...
Soudain, bien qu'aucun arrêt n'y soit prévu, le train ralentit. On approchait de Poitiers et on avait pris une allure poussive. Le contrôleur me demande si cela m'intéresserait de descendre à Poitiers. Oui, lui dis-je, ma fille y habite, j'aurai au moins un hébergement pour la nuit, et ce sera toujours mieux qu'Angoulême. Deux autres voyageurs qui avaient, c'est étrange - je me demande finalement s'il n'y avait pas une fausse indication quelque part - fait la même erreur que moi, décident qu'eux aussi aimeraient descendre à Poitiers. Le contrôleur alors s'empare du téléphone d'alarme et demande, juste pour nous trois, au train de faire halte en gare de Poitiers. 30 secondes d'arrêt : nous descendons, reprenons nos esprits,et soudain alors que le direct pour Bordeaux repart, un autre train entre en gare. Un train qui n'aurait pas dû être là, celui que j'aurais dû prendre à Paris, et qui passe plus tôt en principe. Il avait ce soir10 minutes de retard ! Nous sautons dedans, et me voilà. Je suis tellement content de rentrer dans les temps, que je me dois de vous rendre service à mon tour mademoiselle !!"
On raconte sur le net assez d'histoires de contrôleurs acariâtres, d'employés désagréables, d'humains revêches pour vous conter à mon tour celle-ci, qui réconcilie avec la SNCF, les hommes de bonne volonté qui y travaillent dans des conditions pas toujours évidentes (et qui n'ont pas forcément besoin du néotaylorisme pour être aimables), et qui, en prime, vous rassurent sur les capacités d'altruisme de vos semblables. Ce monsieur, heureux d'avoir eu de la chance, se sentait redevable envers le sort, et voulait à son tour aider quelqu'un dans l'embarras. C'est pas joli ça ?? Et il tenait sans doute par son récit à nous préciser que ses intentions à l'égard de cette jeune citadine, fort inquiète d'atterrir sans parachute au bout du monde, étaient pures ! Mais je ne connais pas la fin de l'histoire !! Dieu sait quels souvenirs lui laisseront son équipée aux confins de notre province, sur fond d'Océan et de vent marin.
Un passant en avance ou un train en retard et tout bascule, dans le bon ou le mauvais sens !
RépondreSupprimerIl n'y a pas d'hasard ????
A-t-on un destin ????
Enitram, tu as raison c'est carrément existentiel !!!
RépondreSupprimerIl nous est arrivé un peu la même histoire il y a bien des années
RépondreSupprimerNous avions à l'aller laissé notre véhicule à Châteauroux.
Au retour ,fin de grand WE nous prenons le train à Brive et tous contents de trouver un de nos très bon copain nous montons dans le train avec lui ,il y avait deux trains qui partaient à cinq ,six minutes d'intervalle.
A peine le premier train parti nous nous entendons que notre train desservait Limoges et Paris son terminus!!!!
Le gentilhomme descend à toute allure voir le chef de gare lui explique la situation.
Celui-ci de lui dire de remonter vite dans le train et que à Limoges on lui dira ce qu'il en est!
A Limoges on nous annonce que le train s'arrêtera à Chateauroux,je passe sur le contrôleur acariâtre durant le parcours qui veut nous faire payer un supplément et ne croit rien de ce que nous lui contons.
Le train s'est bel et bien arrêté à Chateauroux sous les regards médusés des voyageurs qui se demandent encore quelles sont ces deux huiles pour lesquelles on a arrêté un train!!!!
Par contre nous n'avions personne à qui rendre service!
Elle est très sympa cette histoire de trains et de messieurs, et c'est vrai aussi que le hasard a ses conséquences existentielles pas du tout négligeables...
RépondreSupprimerEt puis il y a ce coté parfois heureusement rassurant sur les capacités d'altruisme de nos semblables, ce qui est agréable au point de nous redresser une journée...
Il y a quelque mois, à la boulangerie, une jeune femme avait acheté un pain aux noix. Mon tour arrivé, j'ai demandé s'il y en avait encore: "désolée" m'a répondu la vendeuse, "nous l'avons terminé". La fille alors a dit "mais on peut partager le mien", et a resorti son pain de son sac. Meme si j'ai dit et répété avec toute ma conviction que je la remerciais mais ne voulais absolument pas la priver d'une partie de son pain, elle a tout simplement et avec un sourire donné sa miche à la boulangère pour qu'elle la coupe en deux.
Je vous assure, je lui ai souhaité tout le bien du monde, et ce pain aux noix ce jour là était plus bon que jamais.
J'adore ton histoire dans le train, comme quoi, la chance, ça arrive et les rencontres savoureuses, aussi...
RépondreSupprimerMais c'est le début d'un roman (peut-être...)!
RépondreSupprimerAnne
Mouais....pas mal....;)))))))
RépondreSupprimerOn aime bien les histoires qui se terminent bien hein Michelaise, plus encore, si elles sont bien contées !
RépondreSupprimerFrançoise, je me doutais que tu m'avais caché ton vrai statut !! A great people !!!
RépondreSupprimerSiu, elle est trop belle ton histoire, cela laisse un souvenir imperissable : cela me rapelle (décidemment !!) le jour où un jeune couple est passé devant ma maison vers 20h30, c'était l'été et j'étais dans mon jardin. Ils me demandent où se trouve la boulangerie. Je leur dis "mais à cette heure-ci elle sera fermée"... et bien nous n'aurons pas de pain "que si ! le mien est encore frais, je vous en donne la moitié". Ils étaient ravis !! Et cela ne m'a même pas manqué, mais laissé un beau souvenir aussi !
Norma, il y en a tant des petits moments d'altruisme ! mais on est souvent pris par autre chose et on ne les remarque pas. Dans un train, on est dispo !
Anne, je suis juste une blogueuse, et cela suffit à mon bonheur ! Merci de ce compliment .
Miss Lemon, la happy end c'est important... mais pas toujours possible.
Monsieur Chic, je vous trouve bien difficile, j'ai fait un effort pour vous mon jeune ami et voilà comment vous le saluez !!!!
Heureusement que de temps en temps on vit ou bien on entends raconter une jolie histoire comme cela ! je pense quand même que des hommes du troisième type , il y en a plus que l'on ne le croit !
RépondreSupprimerjolie aussi l'histoire de Siu ...
Le petit livre est bien arrivé... Merci !
Bonjour, Michelaise.
RépondreSupprimerQuand tu prends le train, il se passe toujours quelque chose.
Avant de le prendre, après l'avoir pris ou dedans.
Aujourd'hui, c'est dedans et je me demande si ce n'est pas toi la miss Marple de Royan..
Merci beaucoup . Pour tout.
Je t'embrasse.
P.S.
N'ayant pu trouvé le mail de Koka, j'ai laissé quelques mots dans un commentaire de son blog.
Par contre, moi je ne me suis pas trompée de blog, une fois qu'on a eu la chance d'être aidé, on s'en souvient... Vive les trains.
RépondreSupprimerL'entraide et la drague ont de l'avenir...:-)))
Merci Michelaise, de la belle ouvrage.
Bises du jour.
Il est vrai, pour moi au moins, que faire un cadeau donne encore plus de joie que de le recevoir... Et tu viens de m'en faire un, assez stupéfiant dans un certain sens: j'avais pensé "il ne serait pas l'heure de changer cette en-tete un peu phallique..?" Et voilà que littéralement la fois suivante que j'ai ouvert Bon Sens j'ai trouvé ces vagues extraordinaires, adjectif pas du tout exagéré pour quelqu'un qui vit au bord d'une mer qui ressemble plutot à un lac...
RépondreSupprimerBon Siu, je suis contente que ça te plaise, je ne veux pas avoir l'air d'être une girouette, mais cette image du phare de Cordouan dont on céléèbre en cette année 2011 le 400ème anniversaire commençait, moi aussi, à me souler un peu !!
RépondreSupprimerHerbert que veux-tu, quand je prends le train, ça me sort et je suis toute ouïe... sans plaisanter, on ne peut guère imaginer ce que "la foule" "la ville" procurent comme étonnements à une personne qui vit un peu en dehors du monde !!! Alors je suis très curieuse ! J'adore l'idée d'être une Miss Marple, le personnage est candide et pas naïf, ça me plait !! Merci pour ton mot, je transmets !!
Ah Danielle, je note : l'entraide et la drague ont de l'avenir ! Pensée qui me semble de saison ! Pourvu que tu dises vrai.
Mais en effet Catherine, il y en a beaucoup plus qu'on ne croit car on s'attache aux grincheux qui nous perturbent et on oublie les jolis gestes qui devraient nous émerveiller ! Si, si, y a beaucoup de gens biens !
Ce récit d'aventures que je découvre un samedi matin me donne le sourire pour la journée. Comme ça semble bon d'entendre dire du bien des autres. Ta super aminaute qui a un geste si gentil pour toi, le contrôleur qui n'est pas un méchant bourru, le dragueur un peu rigolo, et surtout ce monsieur qui veut rendre la gentillesse et offrir aussi en échange un peu de la chance que le hasard et les rencontres lui ont offert. Ouhhhhh... Que cela fait du bien lorsque l'on n'entend parler en général que de violences et d'agressions... `Moi, j'aime vraiment ça. Merci Michelaise !!!
RépondreSupprimerJe te reconnais bien là Oxy, mais tu sais finalement c'est ce qui fait du bien dans nos blogs, au lieu de se raconter des horreurs, de faire du catastrophisme, on essaie tous et toutes de voir le petit détail qui rend espoir !
RépondreSupprimerÇa c'est une histoire sympathique !
RépondreSupprimerLa 1ère fois que j'ai pris le train, c'était avec une amie et nous avions environ 11 ans. Lors de l’arrêt, nous n'avions pas réussi à ouvrir les (vieilles) portes du train. Aucun voyageur n'était alors venu nous aider et, au final, le contrôleur nous avait sermonnées car nos billets ne nous permettaient pas d'aller à la gare suivante théoriquement...
J'aurais beaucoup aimé avoir la chance de tomber sur deux personnes aussi serviables ce jour-là !
11 ans mais c'est tout petit pour prendre le train toute seule ! même avec une copine ! Vous ne deviez pas en mener large. Mais d'habitude ça attendrit les autres voyageurs.
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