samedi 11 juin 2011

VESPA VELUTINA


Assis sur sa chilienne Alter lit le journal, et soudain s’exclame :

- Quelles sauvages ces bestioles, il y en a une qui vient d’en estourbir une autre.

Je n’écoute que d’une oreille distraite et ne prête pas particulièrement attention à son cri d’étonnement. Le lendemain, la scène se reproduit à l’identique sauf que je lui demande de quoi il parle et il me précise que ce sont abeilles qui s’entretuent. Un peu blasée par la rumeur du monde, je ne trouve pas que la nouvelle mérite qu’on la relaie et je continue à vaquer à mes occupations. Par contre, quand quelques instants plus tard, j’entends un bourdonnement entêté, je cherche la responsable de ce raffut inquiétant et aperçois un énorme frelon qui s’entête contre une vitre pour sortir. Alter, appelé à la rescousse, joue à ravir son rôle de tueur à gage, parfait défenseur de sa pauvre moitié effarouchée, mais l’insecte à terre, je l’examine et soupçonne avec horreur qu’il s’agit d’un frelon asiatique. En sortant sur la terrasse, nous découvrons le pot aux roses, ou plus précisément le début d’un nid d’une rondeur attendrissante mais d’une allure menaçante.

Branlebas de combat : internet est sollicité, Alter parle d’appeler les pompiers mais je sais qu’ils ne veulent rien entendre. Nous fermons portes et fenêtres, mais à la perspective de passer mon été enfermée dans la maison, je me dis qu’il faut agir vite. Une entreprise de lutte contre les nuisibles se proposent de venir dans l’heure qui vient pour nous débarrasser de ces hôtes indésirables.


L’affaire sera rondement menée par un martien hilare, pas impressionné pour deux sous mais qui n’a pas l’air très fixé sur le sort que nous devons faire subir au nid vidé de ses frelons après l’application d’une dose incontestablement efficace d’insecticide. Il nous affirme que si les frelons s’entretuaient c’est qu’il y a un autre nid à proximité et qu’il s’agissait d’une bataille pour le territoire, ce qui n’a pas pour effet de nous rassurer sur la suite des événements. Il ajoute qu’en principe on est tranquilles pour la saison. Ce qui, au prix de l’intervention, est rassurant !!

C’est en novembre 2005 dans le Lot et Garonne, qu’un entomologiste amateur repère le premier frelon asiatique, intrigué par sa taille et sa livrée particulièrement foncée, présentant des segments abdominaux bruns, bordés d’une fine bande jaune. Le 4e segment de l’abdomen est presque entièrement jaune orangé. Tandis que la capture faite à Nérac alimente les conversations des entomologistes locaux, non loin de là, un habitant de Tombeboeuf observe avec intérêt, depuis le mois d’avril, la construction d’un nid et le développement d’une colonie sous la terrasse de sa maison, sans savoir quelle espèce le construit. À aucun moment, les ouvrières, de couleur très sombre, ne se montrent agressives. Le nid, de 40 cm de diamètre, renferme six gros rayons de cellules comme on pourra le voir lorsqu’il tombera fin novembre, détaché par l’eau de pluie coulant des fissures de la terrasse. C’est alors qu’une parente du propriétaire, institutrice parisienne à la retraite, décide d’emporter des spécimens au Muséum national d’histoire naturelle pour les faire identifier. Claire Villemant, très surprise, identifie ces insectes comme des mâles de V. velutina et, après vérification de leur origine et au vu des photos envoyées par le propriétaire, en conclut que c’est la première observation de la nidification de cette espèce en France. Selon le spécialiste européen des Vespidés contacté alors, l’acclimatation en Europe de ce Frelon asiatique est toutefois peu probable, et la présence dans le nid d’un grand nombre de mâles s’explique s’explique par la mort précoce de la femelle fondatrice (voir encadré). Cette hypothèse s'avère fausse lorsque, quelques mois plus tard, en avril 2006, de nouvelles femelles de V. velutina sont capturées dans des pièges à vin placés par Jean-Philippe Tamisier pour inventorier l’entomofaune de la réserve de la Mazière, près de Tonneins, à une trentaine de kilomètres de Nérac. La présence du Frelon asiatique en France étant confirmée, J. Haxaire et ses collaborateurs publient leur découverte, en juin 2006.

Il ressort de toutes ces observations que le Frelon asiatique est bel et bien acclimaté dans notre pays puisqu’il est capable d’y nidifier, de s'y reproduire, et que les femelles reproductrices y passent l’hiver.

D’après des informations transmises par le Service de la Protection des végétaux de Tonneins, l’introduction en France date sans doute de 2004 : selon un producteur de bonzaïs de la région, le Frelon asiatique a pu être introduit accidentellement avec les cartons de poteries chinoises qu’il importe régulièrement depuis plusieurs années. Cet homme, qui les avait observés lors d’un voyage dans le Yunan, est sûr d’avoir vu voler des “frelons chinois” autour de sa propriété dès l’été 2004. L’hiver suivant, il signale au SRPV de Tonneins la présence dans la frondaison de grands arbres de deux nids sphériques, qu’il finit par détruire à coups de fusil. Sans savoir, à l’époque, que les colonies étaient déjà mortes et avaient essaimé…

Dans nos régions tempérées, les colonies de toutes les guêpes sociales de la famille des Vespidés (guêpes communes, frelons et polistes) ne vivent en effet qu’un an. On peut ainsi, au cours de l’hiver, détacher sans risque un de leurs nids car les habitants en sont morts. C’est vers la fin de l’été que les femelles reproductrices de la nouvelle génération quittent le nid en compagnie des mâles pour s’accoupler ; elles survivent seules à l’hiver tandis que mâles et ouvrières meurent. Au printemps, chaque reine fondatrice ébauchera un nouveau nid, pondra quelques œufs et soignera ses premières larves qui deviendront des ouvrières adultes (femelles stériles) capables de prendre en charge la construction du nid et l’entretien de la colonie.

La canicule de l’été 2006 en France a sans aucun doute été favorable à son développement. Seul un hiver très rigoureux pourrait entraîner la mort des femelles hivernant dans la nature, mais comme l’espèce nidifie volontiers à proximité de l’homme, bon nombre de futures reines peuvent survivre à l’abri du gel, dans une cave ou un grenier, par exemple.

Il est à craindre que le Frelon asiatique n’envahisse peu à peu les parties les plus chaudes de l’Europe. Or son expansion pourrait avoir des conséquences néfastes, puisque l’insecte est un prédateur avéré des autres Hyménoptères sociaux et notamment des abeilles. À l’automne, il s’attaque aussi aux fruits mûrs, comme le Frelon d’Europe qui fait parfois de gros dégâts dans les vergers.

Il est considéré comme un redoutable ennemi des ruchers. On estime que 20 à 30% d’une colonie de l’Abeille domestique orientale, Apis cerana, succombe après l’attaque du frelon. Après avoir décimé une à une toutes les gardiennes de la ruche, les ouvrières de V. velutina s’enfoncent dans le nid pour prélever le couvain dont elles nourrissent leurs propres larves.

Mais Apis cerana a développé contre son agresseur une stratégie de défense très efficace, qu’un chercheur chinois a mis en évidence à l’aide d’une caméra thermique : le frelon agresseur est rapidement entouré d’une masse compacte d’ouvrières qui, en vibrant des ailes, augmentent la température au sein de la boule jusqu’à ce que leur adversaire meure d’hyperthermie ! Au bout de cinq minutes, la température ayant atteint 45 °C, le frelon succombe mais pas les abeilles, qui sont capables de supporter plus de 50°C. Cette méthode est très efficace mais, trop souvent répétée, elle entraîne l’affaiblissement de la ruche car les ouvrières consacrent alors moins de temps à l’approvisionnement.

Dès 2006 V. velutina est largement répandu en Aquitaine. Le plus souvent, il façonne son nid dans la frondaison des grands arbres, et on ne le repère alors qu’au bruit produit par les allées et venues des ouvrières dans le feuillage (mais, aux dires de nombreux observateurs, il se déplace en vol beaucoup plus discrètement que le Frelon d’Europe) ou seulement en automne lorsque l’arbre a perdu ses feuilles.

Lorsqu’il s’installe dans un espace bien dégagé (habitation, arbre au port étalé), le Frelon asiatique est un artiste qui façonne un magnifique nid de papier dont la forme, quasiment circulaire, est très caractéristique. La paroi du nid, formée de larges écailles de papier striées de beige et de brun, est très fragile. Le diamètre atteint en général jusqu’à 70 cm de haut et sa colonie renferme en général moins d’un millier d’ouvrières.


On s’accorde sur le fait que V. velutina n’est pas agressif pour l’homme, mais je vous assure que son voisinage n’a rien de rassurant, et qu’il est possible d'observer son nid à 4 ou 5 mètres de distance sans risque. Les rares personnes piquées l’auraient été en tentant de détruire un nid ou en touchant une ouvrière par inadvertance.

Depuis 2006, l’invasion a prospéré et l’on compte des nids dans presque tout le grand quart Sud Ouest. Il semble que des individus ont été observés dans le Midi, mais on n’a pas encore signalé de nids. L’Espagne semble touchée depuis 2011. En un mot, il n’est pas impossible que vous croisiez à votre tour ces insectes énormes et peu engageants, mon article vous permettra, je l’espère, de les regarder avec un peu moins d’appréhension.

12 commentaires:

  1. Bonjour, Michelaise.

    Chassons ce frelon que je ne saurais voir...
    Mais à le lire il ne m'effraie guère...
    Et merci à l'habitant de Tombeboeuf...

    Merci aussi à toi, naturellement.
    Et bon dimanche

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  2. Comment Herbert, tu n'as pas PEUR ??? peut-être qu'ils ne sont pas encore arrivés chez toi, mais je t'assure ils sont impressionnants ces frelons ! ça fait froid dans le dos, ils construisent leurs superbes nids à une vitesse........

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  3. J'ai une frousse indescriptible des frelons, abeilles et autres guêpes. Il faut dire que lorsque j'étais gamin , je fus piqué à la tête par une bonne dizaine de guêpes après les avoir excitées en jetant des pierres sur l'essaim...je devrais être mort, par bonheur une dame me badigeonna la tête avec du vinaigre..Bon dimanche Michelaise et coucou Vendée.

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  4. Oui une belle cochonnerie qui a "niché" chez nous dans le cognassier .
    Le gentilhomme un peu kamikaze a fait tomber le nid à l'aide d'un tasseau de bonne section et longueur puis l'a incendié.
    Je n'en menais pas large

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  5. Ben moi ça me fait drôlement peur... j'ai vécu une histoire pareille il y a quelques années, dans le centre de la France, pas avec des frelons asiatiques... La panique à bord, le zorro avait revêtu sa tenue de scaphandrier pour me défendre...

    Mais alors ce frelon s'il tue les abeilles, déjà qu'il y en a de moins en moins et que c'est un problème grave, que faire ?

    Merci Michelaise pour ce beau billet qui fait peur !

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  6. Très impressionnant ce "vespa velutina".
    Quelle peur.J´ai horreur des insectes.
    Quelle préoccupation lorsque vous les avez découvert...
    Enfin, résolu, mais certainement vous allez maintenant avoir l´oeil aux aguets pour si...

    Bon dimanche

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  7. Alba, je me suis précipitée sur mon téléphone pour appeler le dé-insectiseur local qui est venu dans l'heure qui a suivi. En attendant j'ai fermé portes et fenêtres et me suis plongée dans internet pour apprendre tout ce que je vous ai raconté ensuite, dont le fait qu'il paraît que ces frelons ne sont pas très méchants avec l'homme... Sauf bien sûr si on l'attaque !!!
    Alter, qui n'a rien d'un zorro, m'a approuvée et a assisté, hilare, à l'intervention du dé-insectiseur (mais c'est quoi ce néologisme barbare ??). Il a cessé de rire au moment de payer la note et a décidé que le prochain nid, c'est lui qui le ferait !!!! car, l'intervention fut rapide mais le prix ... ouh là là, nettement plus douloureux qu'une piqure de frelon !!
    Ceci étant Aloïs, si le nid était vide, il semble qu'il était inutile de le brûler car ils ne reviennent jamais dans un vieux nid... et s'il ne l'était pas, cela pouvait quand même être dangeureux. Alter a prévu de faire la prochaine intervention, mais en empruntant la tenue ad hoc à un ami qui a des ruches !!
    Danielle, il semble que ces vilains frelons sont surtout dangereux pour les abeilles et qu'ils font des dégâts graves pour les apiculteurs qui essaient de les pièger pour éviter que leurs ruches soient dévastées.

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  8. Moi aussi avoir peur de tous insectes véloutés munis d'aiguillon, moi trouver qu'ils ne sont pas suggestifs du tout... beurk!

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  9. Siu, tu as trouvé le mot juste "beurk" !!

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  10. Déjà nous avions peur des guêpes mon Amoureux ayant été transporté à l'hôpital illico-presto à la suite de plusieurs piqûres sur le cuir chevelu mais ceux-là paraissent plus gros! Aie, aie, aie!!!!!!!!!!

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  11. Bonjour,
    effectivement les nids ne sont pas réoccupés d'une année sur l'autre il n'est donc pas nécessaire de les détruire en hiver. Attention aux interventions par soi_même car ce frlon peut transpercer 6mm d'épaisseur ! Pour en savoir plus : http://guepes_frelons.e-monsite.com/
    Amicalement

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  12. Merci Campy de votre visite et de ces infos, j'avoue que je n'ai pas très envie que ma tendre moitié s'y attaque par lui-même et lui prodiguerai vos conseils de prudence

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