Visiter Parma, c'est, inévitablement découvrir l'immense piazza della Pace et celle proche, bordée par le palazzo della Pilotta. C'est s'immerger dans la superbe galerie nationale, admirablement réaménagée, qui abrite selon un parcours muséographique passionnant, des chefs d'œuvres notables, parmi lesquels la Scapagliata de Léonard de Vinci.
A la place de la Schiava Turca de Parmiginiano, un petit carrtel indiquait son prêt à l'exposition de Torino la Bella Italia, dont les organisateurs ont sélectionné les oeuvres, à leurs yeux, les plus représentatives du génie pictural italien, pour célébrer les 150ème anniversaire de l'Unité. Selon un phénomène qui nous réjouit, au sens non péjoratif du terme, toujours fort en Italie, les yeux a gardienne du musée qui nous expliqua cela brillaient de fierté en nous expliquant que l'oeuvre voisinait avec Giotto, Beato Angelico, Donatello, Botticelli, Leonardo, Raffaello, Michelangelo, Correggio, Bronzino, Tiziano, Veronese, Tiepolo, Bernini et tant d'autres !!
C'est flâner dans le théâtre Farnèse, d'autant plus passionnant qu'il s'inspire du teatro olimpico de Palladio et qu'il est le grand frère de celui de Sabbioneta.
Puis, quittant les quartiers dévastés par les bombardements qui ont perdu dans l'aventure une partie de leur âme, on se dirige vers le quartier du Duomo, en se laissant surprendre par cet ensemble sinon harmonieux du moins majestueux. On muse le nez en l'air et les cervicales en compote dans le baptistère aux fresques médiévales presqu'intactes, on musarde dans la cathédrale où chaque pas réserve une surprise, des fresques innombrables aux sculptures d'Antelami. Après avoir visité tout à loisir le musée diocésain, plus riche qu'on ne l'imagine, il faut laisser vos pas vous mener derrière le Duomo et là, sans plus de façon, entrer dans l'église renaissance San Giovani Evangelista. On s'y dévissera le cou un grand moment, en abreuvant les machines à sous de pièces de 1€ pour contempler tout à loisir la coupole peinte par Corrège.
Voilà, le grand maître local est découvert. Il est temps de se rendre dans un petit endroit assez reculé, situé au fond d'une impasse, et où l'on pénètre par une porte modeste et discrète. L'ancien logis abbatial du couvent des bénédictines de San Poalo, situé au bout d'une agréable allée ombragée, ne paie forcément de mine. En entrant, on se trouve confronté à une immense toile assez terne, mais tout de même impressionnante, reproduction un peu pataude de la cène de Léonard. Elle fut peinte en 1514 par Alessandro Araldi (1460-1528) et témoigne du goût de l'époque pour la peinture romaine. Son intérêt réside dans son rôle de mise en évidence de l'originalité et de l'inventivité de l'autre peintre présent dans cet ensemble : il Corregio. Car c'est pour admirer les fresques de ce dernier qu'on est venu ici.
Dans les années 1510 le couvent, récemment reconstruit, était dirigé par une abbesse raffinée et cultivée, Giovanna da Piacenza. Cette dernière était en butte avec la papauté qui prétendait imposer la clôture à son ordre et interdire à quiconque d'entrer au couvent. Or cette femme de caractère ne l'entendait pas de cette oreille et son monastère tenait plus du salon que du cloître. On y parlait poésie, littérature et religion, et quand il s'agit de décorer le petit réfectoire du couvent, elle fit tout naturellement appel à ses amis humanistes pour définir avec eux le programme iconographique de la commande qu'elle allait confier à un jeune peintre déjà fort en vogue, il Correggio.
On doit à Scipione della Rosa, administrateur de l'abbesse Giovanna Piacenza, la venue à Parme du Corregio. Antonio Allegri, originaire de la ville de Corregio située aux environs de Parma, venait de passer lui aussi quelques années à Rome et avait été impressionné par l'exemple de Léonard et de Raphaël. Mais l'influence dominante de sa jeunesse fut celle de Mantegna, lorsque ce dernier travaillait à l'église S. Andrea de Mantova. Le Corrège revint de Rome à la fin des années 1510, en ayant trouvé un style personnel, et abandonnant, selon la phrase de Mengs, " la manière sèche de ses maîtres (Mantegna) pour le style grandiose et noble qu'il suivit désormais ". Son classicisme, acquis au contact de Raphaël et de Michel-Ange, devint vivant, naturaliste, et la décoration du petit réfectoire du couvent des religieuses bénédictines de S. Paolo, peinte en 1519, en est une des premières expressions.
Le réfectoire est une pièce carrée, de taille moyenne, dont les murs étaient tendus de tapisseries, on le voit au fait qu'ils sont dépourvus de décor mais pourvus de chapiteaux peints dans la partie haute qui donnent l'illusion d'un support pour les tentures. La salle est dominée par la peinture de la hotte de la cheminée représentant Le triomphe de Diane sur son char. Au-dessus d'une frise en trompe-l'œil, à la base de la voûte, s'ouvrent 16 lunettes en grisaille, ornées de fausses sculptures et formant un véritable antiquarium humaniste : Bellone opposée aux Trois Grâces, la Fortune et la Vertu, les Parques et le temple de Jupiter, Vesta et le Génie, symbole des quatre éléments de la vie. Éclairées par une lumière artificielle qui semble venir du foyer de la cheminée, ces figures, d'une tonalité rose doré, allongent leurs ombres violacées sur le fond courbe de la niche. De ces lunettes partent les 16 tranches concaves de la voûte, sorte de tonnelle formée de 16 roseaux qui se rejoignent au centre, liés par un nœud de rubans terminés par des grappes de fruits ; la lumière du jour surgit des oculi percés dans le treillage, où apparaissent des putti joyeux.
C'est l'abbesse Giovanna da Piacenza, conseillée par le poète humaniste Giorgio Anselmi, qui définit le programme savant et d'une grande complexité de ces fresques. Si certains n'y ont vu qu'une élégante allégorie de la chasse, d'autres ont voulu y lire une allusion plus complexe à l'évolution de la vie sociale et individuelle en ce début de XVIème siècle. Le climat humaniste dans lequel est née la décoration de cette pièce et l’extraordinaire originalité de son programme se vérifient quand on examine les devises latines, toutes d’origine classique, qui s’inscrivent sur les fresques.
La décoration se base sur la représentation des vertus de l'abbesse (miroir moral), des quatre éléments (miroir naturaliste) et de la divinité (miroir doctrinal). Mais surtout on lit dans le triomphe de la déesse, une allégorie de la lutte et de la victoire de l'abbesse, s'identifiant à Diane, pour rester indépendante à l'égard de la clôture que voulait lui imposer par le pape. On remarquera au passage que Diana est la déesse de la chasteté et que son nom est une sorte de transposition phonique de celui de la supérieure, Giovanna.
Et de fait, Giovanna da Piacenza réussit à protéger son couvent : de son vivant, le pape n'osa lui imposer la clôture. Par contre, à sa mort en 1524, les portes furent refermées sans ménagement sur les soeurs bénédictines et personne n'y pénétra durant 250 ans. Ce qui fait que la fresque du Corrège, vue par certains avant cette date mais jamais depuis, resta longtemps oubliée. Elle ne fut redécouverte qu'en 1774 grâce à la curiosité et à la culture d’un grand érudit parmesan, Ireneo Affo et au peintre allemand Anton Raphaël Mengs qui visitèrent le couvent et en parlèrent avec enthousiasme.Cette semi-légende rendit l'oeuvre encore plus prestigieuse. On découvrit alors que la Camera di S. Paolo avait été une source d'inspiration pour il Parmigianino, peu de temps après, lorsque ce dernier réalisa la "Stufetta" de Fontanellato... que nous visiterons demain !
Et de fait, Giovanna da Piacenza réussit à protéger son couvent : de son vivant, le pape n'osa lui imposer la clôture. Par contre, à sa mort en 1524, les portes furent refermées sans ménagement sur les soeurs bénédictines et personne n'y pénétra durant 250 ans. Ce qui fait que la fresque du Corrège, vue par certains avant cette date mais jamais depuis, resta longtemps oubliée. Elle ne fut redécouverte qu'en 1774 grâce à la curiosité et à la culture d’un grand érudit parmesan, Ireneo Affo et au peintre allemand Anton Raphaël Mengs qui visitèrent le couvent et en parlèrent avec enthousiasme.Cette semi-légende rendit l'oeuvre encore plus prestigieuse. On découvrit alors que la Camera di S. Paolo avait été une source d'inspiration pour il Parmigianino, peu de temps après, lorsque ce dernier réalisa la "Stufetta" de Fontanellato... que nous visiterons demain !
Je ne me souvenais pas de ces merveilles, mais je n'y suis restée qu'une journée !
RépondreSupprimerLa visite de la bibliothèque a eu lieu par hasard grâce à un moine qui avait les clés.
Quelles merveilles, encore une ville à visiter !
RépondreSupprimerBientôt j'espère...
Bonne semaine, Michelaise !
Norma
Il faudrait que j'aille là aussi, ah ! Michelaise qu'elle envie d'aller partout tu donnes avec tes beaux commentaires.
RépondreSupprimerBises du jour, il fait chaud.
Quelle belle visite ! Cette petite escapade devait être super ! Merci pour la carte...
RépondreSupprimerBisous, bonne journée
Tu m'excuseras mais je suis d'astreinte et je ne fais que passer.
RépondreSupprimerConnais-tu ce roman:
L'Abbesse Giovana de Flora Cès
Editions L'Age d'Homme
Flora Cès après une visite en 1990 s'est intéressée à cette Abbesse qui décora ses appartements du Couvent San Paolo et à ses rapports avec le Corregio
Bella Italia. Bella Parma
RépondreSupprimerQue de sites à visiter.
Merci Michelaise de ce billet.
Heureux hasard, Evelyne, pour nous c'était ouvert, mais fermé pour une cause indéfinie !!
RépondreSupprimerAh oui, Norma, à visiter, GF est en fou de Parme !
Danielle, qui sait, depuis Venise ? Mais bon, soyons francs, quand on est à Venise on n'a pas vraiment envie d'aller ailleurs !!
Oui Koka, c'était super en effet !
Aloïs, j'ai croisé ce titre en essayant, sans succès, d'en savoir plus sur l'abbesse. Et me suis dit que ce serait peut-être une lecture marrante, qui sait, même instructive ! Et moi aussi je ne fais que passer...
Alba, merci de ton intérêt, c'est un peu loin Parma mais qui sait ??
Ah Parma! Ma ville préférée! Je te promets un commentaire plus fourni à mon retour de vacances parce que là je suis dans ma voiture et c'est pas pratique. Mais une idée me vient en lisant ton billet, celle de te conseiller, que dis-je, de te recommander chaudement la lecture du livre de Panofsky, intitulé sobrement La Camera di San Paolo à Parme. C'est absolument lumineux, et les moindres détails, jusqu'au museau du chien qui renifle l'air, t'apparaîtront sous un jour nouveau, criant de significations multiples. Bonne lecture, même si je crois que ce livre extraordinaire est épuisé depuis longtemps, mais on peut se le procurer je pense en allant sur Price Minister ou Maxichoice!
RépondreSupprimerAllons bon, me voila pourvue de 2 livres sur ou à propos de Parma !! A trouver sur ebay ou price... Merci GF, as-tu lu celui que conseille Aloïs ? Merci de tes interventions lozériennes !
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