samedi 20 août 2011

FEMMES EN PEINTURE : LE XIXème


La Grande Galerie du Louvre, telle qu'Hubert Robert la rêvait en 1789 (on en 1801, j'ai mis des détails provenant de plusieurs toiles), était éclairée d'en haut par une succession de dômes vitrés, subdivisée en plusieurs espaces délimités par des niches contenant des statues, elle offrait à l'admiration de petits groupes de visiteurs les grands chefs d'oeuvres picturaux. Essaimés de-ci de-là, les copistes travaillaient auprès des anciens pour apprendre le métier, et parmi eux, pourquoi pas, des femmes. Apparaît en Europe, avec les idées nouvelles nées de la Révolution, la notion de peintre "dilettante". Et alors, pourquoi un tel loisir ne serait-il pas féminin ? Les femmes de la bourgeoisie doivent s'occuper de manière délicate, et entre la broderie, le piano et la conversation, pourquoi pas une petite visite au Louvre... On s'essaie au dessin ou à l'aquarelle, et le travail de copiste est la meilleure des formations. On peut même pousser l'audace jusqu'à créer ses propres sujets, en se cantonnant, bien entendu, à des sujets "jolis" et agréables. Pas question de sombrer dans les scènes héroïques mais quelques fleurs ou natures mortes élégantes sont tout à fait convenables !! Ce n'est plus malséant, au contraire cela signe une certain raffinement et augure d'une culture intéressante.


Voyez Eva Gonzales 1847-1883, peinte par Manet en 1869 (elle a 20 ans), elle exécute avec grâce et vêtue d'une impossible robe de satin blanc, un bouquet sophistiqué... et, de fait, ses oeuvres, chaussons de danse, portraits intimistes, restent très "féminines".


Berthe Morisot, 1841-1895 (dont Eva sera d'ailleurs fort jalouse) reprend la même thématique mais sans doute douée d'un tempérament plus affirmé, elle nous offre des toiles qui ont plus de caractère mais dont les sujets restent "aimables" : elle montre des intérieurs lumineux et paisibles, des scènes intimes sans impudeur.


Anna Ancher 1857 -1935, Louise Abbema 1853- 1927, Louise Breslau 1856-1926, Cecilia Beaux 1855-1942, et bien d'autres revisiteront la scène de genre en observant les femmes d'une façon différente de celle de leurs collègues masculins :  elles posent sur les femmes avec un regard tendre, domestique et familier, l'ambiance est douce et délicate, dépourvu d'ambiguïté. Rien d'indécent dans ces toilettes surprises ou ces mouvements coquets esquissés en tout confiance.


D'autres, comme Mary Cassatt 1843-1906, privilégient les enfants, et se font une spécialité de ce genre de sujets pas forcément très prisés par les hommes. Elle excelle dans cette forme de sentimentalisme qui au fil des années s'affirme, s'épure et se teinte même de japonisme. Rassurante malgré son grand talent et son indépendance affichée (elle refuse le prix Walter Lippincott en 1904), elle se verra décerner la Légion d'honneur.


Quelques unes s'échapperont des sujets "réservés" comme Rosa Bonheur 1822-1899, peintre animalier adulée, avec une prédilection marquée pour les bovidés (elle atteignait des cotes incroyables tant elle était réputée pour ces sujets), ou Anna Boch 1848-1936, qui ose assez franchement le paysage. Elles sont de plus en plus nombreuses et s'enhardissent, même si, globalement elles restent assez réservées, voire exclues par les hommes. 


En 1895, le comité d'organisation du banquet Puvis de Chavannes décide de lancer une souscription pour que la Clotho (ou Parque qui tient le fil des destinées humaines) réalisée par Camille Claudel deux ans auparavant en plâtre et diversement accueillie, soit sculptée en marbre. L'oeuvre, réalisée avec une virtuosité technique saluée comme une prouesse, est destinée au Musée de Luxembourg, mais Camille Claudel n'est même pas invitée à l'inauguration. On reconnaît son talent en l'accusant plus ou moins d'avoir plagié Rodin et on la tient à l'écart de son propre succès. Elle a osé un art qui semble encore difficilement compatible avec la réserve attendue du "beau sexe" !!

Voir aussi :

7 commentaires:

  1. Je crois que de nos jours, dans certaines familles, il faut encore "oser la peinture".
    N'ai-je pas été accueillie par un : "Il ne manquait plus que ça !", quand j'ai décidé de peindre ?
    Il faut dire que la psychologie avait déjà pas mal irrité...
    Bon dimanche, Michelaise.
    Norma

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  2. J'aime beaucoup ces coincidences, j'ai relu il y a peu une biographie de Rosa Bonheur et les rangements de ma bibliothèque ont fait ressortir le catalogue d'une expo à Martigny avec Manet et Berthe Morisot, du coup je suis passée de l'écran aux livres et retour
    j'admire en plus les montages qu'autour du puits m'a gentiment appris mais je n'ai pas encore cette maitrise :-)

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  3. Il en est qui s'échapperont davantage il me semble comme Anna Bilinska ou Marie Bashkirtseff.
    On assiste tout de même à une forte progression au Salon entre 1863 et 1889 on passera de 101 à 418 oeuvres dans la section Peinture.
    Un article très intéressant ici

    http://clio.revues.org/index646.html

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  4. Dominique, les montages c'est ici parce que je prends forcément les reproductions de-ci de-là et comme je n'aime pas trop les plagiats, j'y mets ma touche !! Rosa Bonheur m'a, quant à moi, toujours fascinée, je ne sais pas trop pourquoi !
    Aloïs, j'ai tenté d'éviter la "liste" mais de dégager quelques idées par époque, pour retracer l'évolution des mentalités à l'égard des femmes artistes.
    Norma, j'avoue que je ne pensais pas que tu aies pu subir un "il me manquait plus que cela", car selon moi à l'époque actuelle le sexisme n'est plus de mise, mais la conférencière avait l'air de penser qu'on n'était pas encore à une parfaite évidence ! Ce sera mon dernier billet sur les femmes peintres...

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  5. J'attends un article sur la peinture abstraite féminine.

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  6. Bravo pour ce beau travail, j'attends aussi le 20eme siècle sur un mode beaucoup plus international sans doute.

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