vendredi 5 août 2011

MUSICIENNES A OUESSANT : A MI FESTIVAL


Les deux premiers jours nous ont permis de découvrir une violoniste aussi talentueuse que sympathique. Ayako Tanaka, voilà un nom à retenir d'urgence car elle fait preuve dans son jeu d'autant d'engagement et de sensualité que dans la vie. Aussi gourmande de musique que de ragoût sous les mottes ou d'un bon petit vin, elle joue avec une générosité pleine de charme ! Elle rentre dans l'interprétation avec une fougue qui transporte les auditeurs et ferait aimer la musique classique à n'importe quel néophyte. Dans le trio opus de 50 de Tchaïkovsky, oeuvre longue et complexe, "élégiaque" et riche en variations, elle a fait preuve d'un enthousiasme communicatif. Le public en redemandait !  


Le lendemain dans la sonate de Franck, on la sentait habitée par la partition. Sa maîtrise du tempo, son étonnante souplesse de jeu lui ont permis de maintenir à leur apogée tension et émotion. Nous étions sous le charme.


Un autre moment fort de ce début de festival fut la découverte du trio pour violoncelle, clarinette et piano de Rita Strohl. Inutile de chercher un enregistrement sur Google pour voir à quoi il ressemble, vous n'en trouverez pas. L'œuvre, créée au début du XXème, n'a été jouée qu'une fois par Pablo Casals et deux acolytes. Les artistes d'Ouessant ont donc dû travailler sur du matériel pas toujours simple à déchiffrer, parfois imprécis ou manifestement erroné, et surtout créer de toutes pièces leur interprétation du morceau. Arlequin et Colombine, c'est le sous-titre du trio, est une pièce qui conte l'histoire d'amour de la fausse ingénue, taquine, douce et malicieuse avec le valet comique et facétieux qui lui court après. A l'instar d'Arlequin dont elle évoque les élans amoureux, la partition est multicolore et très imagée.Et c'est sans doute une des caractéristiques les plus remarquables de Rita Strohl : ce sens de la couleur dans la simplicité. En opposant avec sobriété les timbres, elle crée un espace sonore simple et jamais boursouflé, plein de charme et très "lisible". Ce goût marqué pour le chromatisme est, certes, légèrement wagnérien mais, à la différence de ce dernier, pas d'emphase, les grandes phrases retombent avec légèreté et "esprit", elles sont toujours circonscrites (Rita était aussi, une grande admiratrice de Franck). Le déploiement romantique sait s'arrêter à temps : le thème est alors stoppé, ramené à une dimension beaucoup plus intérieure, plus intimiste et laisse toujours place à une immense retenue, quand ce n'est pas à un trait d'humour.


Ce qui est merveilleux dans Arlequin et Colombine, c'est la limpidité de l'histoire, teintée de comedia dell'Arte mais sans la moindre mièvrerie. Le trio composé de Feriel Kaddour au piano, Ingrid Shoenlaub au violoncelle et l'excellent Christelle Pochet à la clarinette, a "abattu" pour nous offrir cette œuvre un travail magnifique de découverte et d'interprétation : imaginez un terrain vierge, pas de références, des partitions éditées en ce qui concerne cette oeuvre mais non exemptes d'imprécisions... Pour qui avait la chance d'assister aux répétitions, cela donnait quelque chose dans ce genre :

- Et... pourquoi tu joues en même temps que moi là (la pianiste)
La clarinettiste :
- Ben, c'est la mesure suivante
- Mais non, tu as quatre mesures silencieuses...
- Ah ??? mais elles ne sont pas marquées sur ma partition ! C'est vrai, elles sont sur la tienne (la partition de piano comprenait, heureusement, les trois parties !)
La pianiste aux deux autres :
- Mais enfin pourquoi vous trainez ici ???
Les autres, en choeur :
- On a un point d'orgue
- Alors ça ?! Moi je n'ai rien... mais sûr, ça va nettement mieux avec, je trouvais que ça reprenait trop vite.
La clarinettiste :
- Etrange ce bécarre, ce trouve que ça sonne mal
La violoncelliste, qui reprend la même phrase juste après la clarinette :
- Pas étonnant, moi j'ai un bémol
- Allons bon, c'est manifestement un erreur donc, avec un bémol c'est quand même nettement mieux. Ah voilà ! le bécarre c'est pour après.


Je vous épargne l'intégralité de la transcription de leurs doutes et de leur travail : mesure après mesure, tempo après tempo, plan sonore après plan sonore, tout était à inventer. C'était exaltant mais quel mérite ! Un travail qui mériterait d'aboutir sur un enregistrement de l'œuvre, d'autant que ce trio est un vrai bonheur. Le public était enthousiaste et la famille de Rita Strohl, présente pour ce concert, était tellement ravie d'entendre ces partitions prendre vie que tous ont décidé de prolonger leur séjour, pour entendre le lendemain, la création du quintette. Jamais joué celui-là. 
Un peu de détente : on croque un morceau de chocolat, on esquisse quelques pas de tango et on dit bonjour à des amis...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...