samedi 6 août 2011

RITA STROHL : UNE CARRIERE FULGURANTE

Rita enfant entre son père et sa mère d'après le site Rita Strohl

Elle nait en 1865 au sein d’un couple uni et amoureux. Son père,  Jules La Villette est un lieutenant colonel qui décrochera la légion d’honneur à la suite de la bataille de Saint Privat durant la guerre de 70. Mais c’est, malgré son héroïsme et sa prestance, un doux, beaucoup plus préoccupé de progresser en violoncelle que d’en découdre avec les prussiens. Sa mère, Elodie La Villette née Jacqier est, quant à elle, une artiste peintre soutenue et admirée par son époux. Douce mais de caractère bien trempé, elle se consacre avec ardeur à son art et sera reconnue et exposée de son vivant. C’est pour lui permettre de pratiquer la peinture que son époux décide de leur installation à Portivy. Ils achètent une maison sur le port où le couple qui aimait l’art et admirait les artistes, tiendra salon : on y croise Romain Rolland ou Corot pour lequel Mme La Villette nourrissait une réelle admiration.

 Rita jeune, peinte et croquée par sa mère, Elodie La Villette, photos provenant des archives de la famille

En 1878 le colonel La Villette est nommé à Paris et la jeune Rita, douée pour la musique, rentre au Conservatoire où elle suit des cours d’écriture et d’harmonie. Elle prend aussi des cours de chant et de piano mais se révèle assez rétive au solfège, ses bulletins notant qu’elle a tendance à faire l’école buissonnière durant ces enseignements dont la rigueur la rebute. Elle compose déjà puisque le directeur lui permet de présenter à certains examens des œuvres écrites par elle. Elle commence par de la musique de chambre, trios, quatuors, mais écrit sa première symphonie à 20 ans, une symphonie intitulée Jeanne d’Arc, qui sera jouée mais malheureusement brûlée plus tard en sa présence. Non, je ne plaisante pas, Jeanne d’Arc a été réduite en cendres en 1926 par son auteure qui ne la juge pas digne d’elle.
En 1888 elle épouse Emile Strohl, militaire lui aussi et alsacien comme sa mère. Commence alors une vie d’épouse d’enseigne de vaisseau, 4 enfants naissent rapidement, enfants dont elle ne s’occupera guère, continuant à se consacrer à son art. Comme sa mère qui se préoccupait beaucoup plus de sa peinture que d'elle-même enfant !
Son époux l’encourage à composer, et c’est même lui qui lui rapporte l’exemplaire des « Chansons de Bilitis » de Pierre Louÿs, lui suggérant d’écrire des mélodies sur ces textes alors très en vogue, mélodies qui feront son premier succès. Ce sont les brus de sa deuxième fille, qui elle-même avait eu des jumeaux mariés à deux sœurs, Marie Madeleine et Marie France, qui ont proposé à Lydia Jardon de redécouvrir Rita Strohl et qui sont venues assister à tout le festival. Marie-Madeleine, en fière descendante de ces femmes douées, a aussi beaucoup oeuvré pour faire connaitre l'oeuvre peint d'Elodie La Villette, à laquelle elle a consacré un livre passionnant.
Rita joue, donne des concerts de charité ou mondains mais surtout elle continue à écrire. Ce bonheur simple va se trouver bouleversé en 1900 par la mort de son époux, atteint à l’âge de 36 ans par une septicémie,  qui marque pour Rita un véritable tournant. Elle vient plus souvent à Paris, recontre des musiciens et sa carrière prend un véritable envole dès 1901. Elle écrit des symphonies, « La Forêt », « La Mer » - pour deux orchestres – qui seront jouées par l’orchestre des concerts Lamoureux et fort appréciées. La critique la repère et elle est félicitée par ses pairs : Saint Saëns, Chausson, Duparc, Vincent d’Indy ne tarissent pas d’éloges. Son talent magistral fait forte impression sur son auditoire et Madame Erard lui offre un piano. Elle est déjà très indépendante et peu soucieuse de se soumettre aux effets de mode. Son ambition est déjà d’explorer des territoires musicaux inédits et de dépasser le genre instrumental pour faire passer dans la musique d’autres enjeux. Elle veut décrire des sentiments mais portés par l’action, sa musique doit vivre, bouger, vibrer.


Cet article a été écrit grâce à l'intervention de Feriel Kaddour, conférence donnée dans le cadre du Festival Musiciennes à Ouessant le 2 août 2011, qui s'appuie elle-même sur le mémoire de DEA de Sylvie LE COZ, Rita Strohl, soutenu en 1991 à l'Université de Rennes 2, 1990/1991 et sur les souvenirs mis en ligne par Marie-Madeleine Martini, présente avec sa soeur Marie-France, à la conférence. Madeleine et Marie-France avaient épousé des frères jumeaux, petits fils de Rita. Ce site est un vrai réservoir d'anecdotes et d'informations personnelles sur la musicienne, précieux et passionnant, mais tout le travail musicologique reste à faire, un travail qui permettrait de mieux apprécier le talent de cette femme libre et hors normes et de le reconnaitre à sa juste valeur. C'est le grand mérite d'un Festival comme celui de Lydia Jardon de permettre d'exhumation de pareilles merveilles. Ce serait absolument formidable que cette première étape, franchie avec une grande émotion en présence de plusieurs descendantes de Rita Strohl, soit le début d'un véritable approfondissement de l'oeuvre de cette dernière, qu'un généreux mécène ou une fondation permettre le classement, l'archivage et l'édition de toutes ces partitions, enfouies vaille que vaille dans une grande malle, comme le faisait plaisamment remarquer Marie-Madeleine. Rien que le cahier qui renferme les reflexions de Rita Strohl sur son approche des couleurs en musique constitue, à lui seul, un petit trésor dont la publication serait passionnante.

3 commentaires:

  1. Passionnant, je me plonge dans cette histoire de femme musicienne dès que j'aurais un moment !
    L'air de Ouessant te convient bien !!! Bravo !

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  2. Je trouve que les lieux correspondent au genre.
    Une musique absolument inconnue pour la quasi totalité du commun des mortels,pas très facile d'approche,pas donné à tout le monde de savoir l'apprécier.
    Je ne vois pas ce genre de "festival",dans des lieux hautement touristiques.
    C'est un festival qui se mérite.
    En réponse à ton billet précédent cela me rappelle La nuit de l'art à Venise,j'avais assisté à une répétition à Santa Maria dei Miracoli,cela avait été passionnant,je ne comprenais pas tout mais j'avais saisi à un moment qu'un des choristes se mettait dans la peau du compositeur,c'était un échange étonnant et un moment rare.
    Ta violoniste me fait penser à Mi-Sa Yang

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  3. Je suis allée sur le site et j'ai lu la vie de cette musicienne qui a suivi sa route comme elle l'entendait.
    Difficile cette époque où la femme devait avoir la force de se battre comme un soldat sur un champ de bataille pour obtenir son droit de dire non ou oui.
    Ce sont des personnalités comme celle-ci qui ont tracées le chemin. La famille est intéressante, cela vaudrait la peine d'éditer quelque chose pour faire connaitre cette musicienne. Pour ma part elle m'était inconnue.
    J'aimerais beaucoup écouter une pièce pour me faire une idée plus précise de son talent de compositrice.
    C'est ainsi que j'ai rencontré Lili Boulanger, lors un concert donné par de jeunes amies avec une musique d'exception également.

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