Les Caprices de Marianne, mise en scène par Galin Stoev, m'a, personnellement déçue. Pourtant l'intention du metteur en scène, un bulgare conquis par les subtilités de la langue de Marivaux, m'avait accrochée. " À force de parler, ses personnages inventent un cheminement, un labyrinthe où l’autre peut se perdre. Mais tout cela se fait avec la langue et non pas malgré la langue. J'ai mis du temps à comprendre cela… Travailler avec les comédiens de cette distribution m’a beaucoup appris, parce que j'ai compris le rapport qu'ils ont avec les mots : ils les prennent au sérieux...
Le Jeu de l'amour et du hasard parle, entre autres, des rapports entre deux classes sociales ; aujourd'hui, cette notion de classe est difficile à aborder, à décrire. On pourrait presque dire que les classes n'existent plus... L'ennemi est devenu invisible !..
Marivaux, lui, ne se préoccupe pas de savoir qui est gentil ou méchant ... Que fait-il dans Le Jeu de l’amour et du hasard ? C'est d'une simplicité enfantine : deux couples échangent leurs rôles et ne le savent pas. On sait au bout de cinq minutes comment cela va se terminer, on sait qui va se marier avec qui. En apparence, la structure est donc très prévisible, sans surprises. Cependant, tout en dessinant ce cadre, Marivaux y « fourre » ses personnages et les laisse compliquer tout seuls la situation. Il observe alors jusqu’où ils peuvent aller en compliquant leur situation de la sorte et c'est là que surgit leur monstruosité ; ces petites figurines arrivent à compliquer la situation à un point tel qu'ils finissent par nous toucher vraiment, à nous plonger dans ce paradoxe existentiel qui produit la joie et la souffrance, joie et souffrance qui sont interchangeables. Tout cela, il le place sur le terrain de l’intime. C'est sa spécialité..."
Avouez que cette approche avait de quoi séduire. Mais la résolution m'a laissée sur ma faim : j'ai trouvé que le rythme tournait trop à la farce, l'idée d'avoir placé l'action dans un labyrinthe mobile étant en soi intéressante, elle permettait des jeux de scène vifs et enlevés. Mais trop c'est trop, et l'accoutrement excessif des acteurs, leur jeu surexcité, en montagnes russes, gommaient l'aspect tragique de la pièce et la rendaient, à mon sens, exacerbée.
Je trouve que Marivaux aurait mérité mieux et que ces mimiques un peu trop destinées à faire rire étaient inutiles, voire complaisantes. Koka, qui a joué les Caprices, nous a annoncé à la fin, péremptoire "Toi papa, tu as aimé, et toi maman, cela ne t'a pas plu !!"... jugement bien posé, agrémenté du fait qu'elle, la spécialiste, n'a pas détesté, même si elle était globalement d'accord pour admettre que ces excès de pose n'étaient pas vraiment utiles.
Marivaux, lui, ne se préoccupe pas de savoir qui est gentil ou méchant ... Que fait-il dans Le Jeu de l’amour et du hasard ? C'est d'une simplicité enfantine : deux couples échangent leurs rôles et ne le savent pas. On sait au bout de cinq minutes comment cela va se terminer, on sait qui va se marier avec qui. En apparence, la structure est donc très prévisible, sans surprises. Cependant, tout en dessinant ce cadre, Marivaux y « fourre » ses personnages et les laisse compliquer tout seuls la situation. Il observe alors jusqu’où ils peuvent aller en compliquant leur situation de la sorte et c'est là que surgit leur monstruosité ; ces petites figurines arrivent à compliquer la situation à un point tel qu'ils finissent par nous toucher vraiment, à nous plonger dans ce paradoxe existentiel qui produit la joie et la souffrance, joie et souffrance qui sont interchangeables. Tout cela, il le place sur le terrain de l’intime. C'est sa spécialité..."
Avouez que cette approche avait de quoi séduire. Mais la résolution m'a laissée sur ma faim : j'ai trouvé que le rythme tournait trop à la farce, l'idée d'avoir placé l'action dans un labyrinthe mobile étant en soi intéressante, elle permettait des jeux de scène vifs et enlevés. Mais trop c'est trop, et l'accoutrement excessif des acteurs, leur jeu surexcité, en montagnes russes, gommaient l'aspect tragique de la pièce et la rendaient, à mon sens, exacerbée.
Pieusement conservée sur un placard de la cuisine, l'affiche de la pièce quand Koka la joua, il y a quelques années déjà (7 ou 8 ans ??)
Je trouve que Marivaux aurait mérité mieux et que ces mimiques un peu trop destinées à faire rire étaient inutiles, voire complaisantes. Koka, qui a joué les Caprices, nous a annoncé à la fin, péremptoire "Toi papa, tu as aimé, et toi maman, cela ne t'a pas plu !!"... jugement bien posé, agrémenté du fait qu'elle, la spécialiste, n'a pas détesté, même si elle était globalement d'accord pour admettre que ces excès de pose n'étaient pas vraiment utiles.
Par contre, la mise en scène de Bérénice, par Muriel Mayette qui a aussi monté un Andromaque qui m'avait un peu ennuyée l'an dernier, m'a enthousiasmée. Pourtant, il ne s'y passe strictement rien et les états d'âme des personnages, qui se répètent sans surprise et tournent en rond en virant presque aux tics de langage, n'en font pas la pièce la plus passionnante de Racine. L'intrigue qui, dans l'opéra la Clémence de Titus, occupe une ou deux scènes sur une oeuvre de deux longs actes, est mince. "Bérénice est l’histoire de la traversée d’une nuit. Cela fait huit jours que Rome attend la décision de Titus, empereur héritier depuis la mort de son père, amoureux d’une reine que les lois de Rome n’acceptent pas comme impératrice. Aimer ou régner ? Le courage manquant, Titus ne décide rien et le temps répond pour lui. Lorsque l’intrigue commence tout est joué, Titus régnera et Bérénice partira. Qu’y a-t-il donc à jouer ? Le nécessaire voyage de deuil, mêlé de violences, de lâchetés, de reproches et de larmes." L'idée d'avoir monté la pièce avec des acteurs sexagénaires déroute un peu au début, mais permet d'insister sur l'inexorabilité du passage du temps qui dévore les aspirations et les sentiments, et transforme des personnages fragiles, faillibles, en héros malgré eux. Les acteurs servent Racine avec émotion et au prix d'un ciselage que l'art du verbe bien dit leur permet de peaufiner pour notre plus grand plaisir.
Enfin, de retour dans nos pénates, nous avions hier au soir une nouvelle pièce, montée dans le cadre de ce qu'on appelle dans chez nous "une résidence". Cela signifie que, pendant une semaine, la compagnie Haute Tension, compagnie professionnelle de Charente-Maritime créée en 1996, a pu travailler à Saint Georges de Didonne, puis répéter et mettre en place son spectacle à Royan afin que soient présentées deux soirées de leur nouvelle pièce "L'avare".
Le grand écart : entre la Comédie Française et le théâtre de province (pardon, en région comme aiment à dire les parisiens pour rappeler qu'ils ne nous méprisent point), Alter n'y a pas résisté. Dérouté par le jeu un peu trop marqué de l'actrice jouant Elise, il a jeté l'éponge dès les premières minutes, et j'ai senti durant tout le spectacle qu'il n'aimait décidément pas.
Difficile dans ces conditions de défendre mon bout de gras, mais j'ai apprécié cette mise en scène inventive qui propose un Avare revisité, joué par trois ouvrières des textiles, enfermées dans leur usine en grève et qui mènent leur dernier combat syndical pour défendre leur travail, et tenter de sauver leur avenir. Pour tromper leur désarroi et surmonter leurs peurs (l'une d'entre elles a, manifestement, en plus des problèmes de coeur), elles jouent, jouent et retrouvent, extrait du tréfonds de ce qui nous construit, les vers classiques de Molière qui leur permettent d'affronter l'inéluctable. Comment les mots permettent de lutter, comment la comédie est parfois un refuge contre l'angoisse, comment nos repères classiques peuvent aussi, parfois nous rassurer... à ces propositions s'ajoute l'évident parallèle entre Harpagon, l'avare qui s'accroche à sa cassette et qui est prêt à tout pour elle, et notre société ultra-libérale où le financier prime, trop souvent, sur l'humain. Les actrices donnent volontairement dans le burlesque et pourtant, le texte de Molière est là, intact, bien dit, Alter lui-même en a convenu, et peu importe que l'argument permette des coupures : la pièce n'en souffre pas.
Le personnage de l'Avare, concupiscent, autoritaire, paranoïaque, est campé de façon très convaincante par Martine Fontanille (?? en fait je n'ai pas la distribution exacte) et l'actrice qui joue les hommes (Marie-Claire Vilard ou Sylvaine Zaborowsky ??) alterne avec brio les rôles, allant même jusqu'à en jouer deux dans une même scène. Sa voix bien timbrée "pose" le texte et scande le rythme un peu frénétique de la pièce. J'ai moins aimé les maquillages plâtrés qui donnent aux personnages des visages patibulaires, même si l'idée n'est pas, en soi, déplacée. Je pense qu'il faudrait que la qualité du fard soit telle que le plâtrage ne se délite pas au cours du spectacle. Je reconnais enfin que certains cris prolongés mettent vraiment mal à l'aise et que l'ensemble de la mise en scène suffit à insister sur le côté absurde de l'avarice.
La pièce sera donnée fin novembre début décembre à la Fabrique du Vélodrome à La Rochelle, et je ne saurais trop recommander aux spectateurs de cette ville d'y aller, ils ne prennent pas grand risque et ils pourront, qui sait, ensuite laisser un commentaire et prendre parti en étant soit de l'avis d'Alter, réservé car il n'a pas aimé ce qu'il appelle "la gratuité" de la transposition dans un atelier de confection, soit du mien, qui est beaucoup plus bienveillant !
Après Avignon, Paris ! Le théâtre est une passion, dans la famille !
RépondreSupprimerMerci de nous en faire profiter !
Ne pouvant profiter du théâtre en France, je te lis et me sens au courant de ce monde qui me manque.
RépondreSupprimerAh oui Enitram, c'est vraiment un bonheur que le théâtre... le répertoire d'Avignon est surtout composé, pour cause d'impératifs techniques, de transcriptions, de one man show etc... donc pouvoir avoir de "grandes" pièces du répertoire classique, parfois, c'est agréable !
RépondreSupprimerAlba, le théâtre nous manque aussi ici, car les responsables de salle sont frileux et il est rare qu'on ait un "Avare", ils ont peur de faire un flop !! Du coup, quand on va à Paris, un peu de Comédie Française, ça fait du bien