Lors de la finale, les photos furent interdites ... donc j'illustre ce billet de quelques instants de la demie-finale : en haut à gauche Ida Falk-Windland, puis Yulia Lezhneva, en bas Kihwan Sim et, en fond, Roman Burdenko
Après une semaine passée entre aficionados, quelques
dizaines de passionnés qui griffonnaient avec ardeur leurs impressions sur les
programmes, la finale avait des allures de pince-fesses, fragrances coûteuses,
tenues alambiquées, baisemains esquissés, et rumeurs de bon aloi. Entre
ministres et directeurs de tous poils, le Châtelet faisait salle comble et nous
nous sommes retrouvés dans des hauteurs qui auraient donné le vertige à GF,
spécialiste incontesté du premier rang.
Restaient en lice 6 candidats, dont trois n’avaient pas eu
nos faveurs lors des éliminatoires. Mais il faut bien avouer que ce concours
est musicalement hétérogène : la
seule obligation consistant pour les chanteurs à présenter lors du premier tour
deux compositeurs d’époques différentes, on naviguait entre bel canto et
musique baroque, en passant par Copland, Ravel ou Gershwin. L’impératif des deux langues
nous a fait sauter de la musique allemande à l’opéra italien, avec des détours
par des livrets russes (beaucoup de candidats de l’Est) et, bien sûr, des airs
français célèbres puisqu’en plus des prix de la Fondation Long-Thibaud, on
devait attribuer un prix de la meilleure interprétation d'une oeuvre en langue française. A ces répertoires presqu’incompatibles, s’ajoutait une difficulté
supplémentaire : le concours étant « unisexe », on se trouvait
dans la position d’avoir à choisir entre un baryton et un soprano, autant dire
des voix non comparables.
Notre petite chouchoute, Yulia Lezhneva, entendue cet été à l’île de Ré sous la baguette convaincante de Minkovsky, s’est tirée fort brillamment du premier tour, avec "Son qual nave ch'agitata de
Broschi qu’elle a exécuté avec brio et retenue. Lors de la demie finale, elle avait
choisi Mozart mais l’orchestre « classique » l’écrasait un peu et,
habituée à chanter avec un orchestre baroque, elle n’était pas au mieux de sa
voix. Cette tendance s’est confirmée lors de la finale, l’orchestre encore plus
« copieux » que l’avant-veille masquant ses élégances, la subtilité
de son phrasé et l’émotion qu’elle mettait dans son interprétation. Avec elle,
on est loin de la grosse cavalerie qui enthousiasme les salles de mélomanes et
transforme certains airs d’opéra en corrida, où l’on attend la note suraiguë
pour hurler de joie si elle est réussie. Le spectaculaire l'emporte sur le raffinement et le public du bel canto est très
particulier. En fait, la petite Yulia, toute en délicatesse d'interprétation, n’était pas à sa place dans cette arène, où d’autres l’ont
supplantée. Elle a terminé 6ème et ne s’est même pas vu attribuer le
prix de l’oeuvre en français, alors qu’elle avait fort bien interprété "Adieu notre petite table" de Manon. Le jury lui a préféré Marie Adeline Henry qui s’est tiré
honorablement de "Divinités du Styx", mais à mon sens, sans la touche éclatante
qui aurait dû souligner cet air dramatique.
Les 6 finalistes : en commençant par le haut à gauche : Yulia Lezhnava, Marina Bucciarelli, Ida Falk-Windland, Roman Burdenko, Marie Adeline Henry, et, au centre, le vainqueur, Kihwan Sim
Par contre, nous avions pressenti que le vainqueur serait un
homme, et, de fait, les deux finalistes avaient tout pour plaire : puissance,
élégance, prononciation parfaite, présence sur scène, aisance sur tout leur
registre de voix, bref deux vrais chanteurs dont le nom est à retenir. Pour le
prix du public, (finalement attribué à la suédoise dont la voix ne m’a pas parue
« jolie » qui mais qui a conquis le public en terminant par ), Alter
avait voté pour l’un et moi pour l’autre ! Ils ont dû se retrouver dans un
mouchoir, et c’est la basse coréenne Kihwan Sim qui a remporté le premier prix, le second
revenant au baryton russe Roman Burdenko, qui a dû en être fort marri. Objectivement, chacun
méritait amplement de gagner et je crois n’avoir choisi au final Kihwan Sim que parce
qu’il m’a paru plus … simple ! Ce qui n’est sans doute pas une
qualité primordiale pour une carrière musicale ! Et qui était d’autant
plus injuste de ma part que Burdenko m’a fort gentiment signé un autographe le
premier jour, alors qu’il déjeunait près de nous !
Les 4 étoiles de notre première écoute, qui ne se sont pas démenties par la suite ... et la gentille petite dédicace de Roman Burdenko dont l'agent a dit en riant quand je l'ai abordé "ah !!! ça commence"...
Au total une
manifestation fort intéressante que ce concours Crespin qui, à mon avis, est
promis à un brillant avenir et fera rêver des générations de chanteurs
débutants. Pourtant, nous lui préférons décidemment les quatuors à cordes, plus
complets musicalement et où l’esprit d’équipe joue un rôle palpable et rend les
épreuves plus prenantes. On prend, de ce fait, beaucoup plus fait et cause pour ses favoris, le chant étant terriblement individualiste et les chanteurs nettement plus "divas".
Quelle surprise alors!!! Il y a toujours une part de déception de ne pas voir le jury entériner ses propres choix. Mais on est bien consolé après lorsqu'on arrive ensuite à échanger quelques mots avec son chouchou et lui dire tout le bien qu'on a pensé de sa prestation. En tout cas il est beau joueur ce Roman et voilà une jolie dédicace! (en même temps quand je vois son répertoire, j'ai le poil qui s'hérisse!!!)
RépondreSupprimerAh Ah GF, je suis morte de rire car j'imagine très volontiers l'effet que te font tous ces airs, rien que de les imaginer !! En fait j'ai vu Roman le premier jour, ce n'était pas encore "une" vedette mais un concurrent parmi d'autres !! Et j'ai aussi une petite griffe de la charmante Yulia Lezhneva qui aurait, je le pense, un peu plus de chance avec toi !!! Même si elle est "très" Minkowski...
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