jeudi 31 mai 2012

MUSIQUE MAESTRO !


Un esthète, sensible au cadre qui l'entourait, ne pouvant composer ou même simplement vivre que dans un décor artistiquement choisi et disposé selon ses goûts, tel était le Debussy que nous décrit en 1910 un journaliste du New York Times venu l'interviewer. "Une maison délicieuse, une atmosphère de paix et de travail, pleine de céramiques antiques et d'objets orientaux. Les murs aux boiseries légères sont peints de blanc, dans le plus simple style colonial. Dans son studio, monsieur Debussy a peu d'images mais de nombreux livres. Le piano est dans un angle ..." Vallery-Rabot, quant à lui, précise de sont côté "la table de travail sur laquelle se trouvait, à côté de grandes feuilles de papier à musique, un énorme crapaud chinois en bois ... une sorte de fétiche qui ne le quittait jamais". Pas plus que ne l'a jamais quitté la valse que lui offrit Camille Claudel, un exemplaire en plâtre ciré qui trônait sur son piano. "Aux murs, des livres, des instruments de musique d'Extrême Orient, des reproductions en couleurs de tableaux de Whistler et de Turner, des estampas japonaises dont l'une, La Vague, fut représentée sur la couverture de la partition de La Mer. Il y avait encore un panneau de laque chinois qui inspira Poissons d'or..."
Les familiers du musicien sont bien sûr des confrères, Satie, Stravinsky et Chausson, avec lequel il se brouilla quelque peu. Mais aussi des peintres (Vuillard, Degas, Whistler ...) des écrivains (Maeterlink, Toulet...) et tant d'autres artistes. Il fréquentait les salons, autant celui bon enfant et presque familial d'Henry Lerolle que les plus snobs jeudis de Mallarmé. Il s'éprit nous dit-on de Camille Claudel, sans qu'on puisse pour autant savoir s'ils eurent ou non une liaison. En un mot il était pétri d'amour du beau et cette exposition organisée ( et qui se terminera malheureusement bientôt : le 11 juin) par l'Orangerie sur le thème "Debussy, la musique et les Arts" est le parfait reflet de sa culture plurielle : curieux, ouvert, prêt à se passionner pour toutes les nouveautés, n'hésitant pas à braver les modes pour s'affirmer novateur, prêt à susciter des scandales pour imposer sa vision moderniste et audacieuse.


J'avais soigneusement lu, avant de partir, le charmant livre de Dominique Bona, "Deux Soeurs", qui m'avait ouvert les clés de ce petit monde vibrionnant et en perpétuelle invention, au sein duquel Debussy aimait à vivre. Le livre a le mérite de vous mettre "en condition", et, visitant l'exposition vous croisez des noms connus, des "amis" lointains que vous avez vu vivre à l'orée du XIXème siècle et à l'aube du suivant.

Deux délicates scènes d'intérieur de Lerolle, où l'on admire, aux murs, les nombreuses oeuvres dont cet esthète aimait à s'entourer et, au fond, son épouse en train de jouer du piano.

On admire ainsi quelques jolies compositions d'Henry Lerolle, le papa des deux jeunes filles qui sont le prétexte du roman. Christine et Yvonne, que Debussy aima beaucoup et qu'on découvre au passage, en photo ou peintes par Renoir, Vuillard ou Denis.

Le triple portrait d'Yvonne Lerolle, celle qui figure aussi sur le tableau des deux soeurs au piano peint par Renoir, par Maurice Denis. Debussy dédia à la jeune fille ses "images oubliées" pour piano, en 1894. Le tableau de Denis est un hommage au charme ensorceleur de cette jeune femme qu'il admirait beaucoup. Yvonne, présentée dans trois positions hiératiques, devient une véritable icône de la féminité, une allégorie de LA femme que Debussy appelait "la petite soeur de Mélisande"

On visite un intérieur reconstitué, parsemé des objets chers à Debussy, Gallé somptueux, estampes japonaises rares, lampes, vases, panneaux de laque.


On assiste à la mise en image de pages célèbres, comme le Prélude à l'Après-midi d'un faune, Pelléas et Mélisande ou le Martyre de Saint Sébatien. Plus loin, on salue Manet, Mallarmé ou Verlaine, peints respectivement par Degas, Manet et Carrière. On découvre même l'assez peu convaincant portrait de Wagner par Renoir dont il fut question à propos de Caltagirone.

 Winslow Homer Nuit d'été 1890 Orsay


La promenade s'achève par une suite de toiles ayant pris, comme le fit le musicien, la nature comme source d'inspiration Homer, Turner, Degas, Manet bien sûr, Klimt, Henri-Edmond Cross et pour finir un fort beau Kandinsky.


Une sonate en fa majeur sur le thème de la lumière, celle qui vibre au ras d'une clairière, un beau matin d'été : ça tremble, ça frémit doucement, c'est tout une symphonie légère de clarté et d'ombre, comme une émotion qui va durer l'espace d'un instant. Vu de près, les taches sont posées presque sans soin, avec de grands aplats de toile qui émaillent la surface. A quelques pas, c'est d'une précision photographique : et pourtant ce n'est pas du pointillisme, c'est l'impression précise reconstituée par nos sens alertés.

10 commentaires:

  1. J'ai l'intention d'y aller, tu me fais peur, l'exposition n'est pas terminée, elle se termine le 11 juin ?
    Je suis en train de lire les deux soeurs que m'a dédicacé Dominique Bona à Caen ! J'irai voir aussi celle de Berthe Morisot et celle de Degas... Que de beauté en perspective !

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    1. Oui j'ai vérifié elle se termine bien le 11... pas de doute ce sera nettement plus passionnant pour toi en ayant lu les Bona ! Pas eu le courage d'affronter Orsay pour Degas, mais Aloïs dit que l'expo est superbe ! Bonnes visites à toi Enitram

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    2. Pardon Enitram, j'ai fait une erreur dans le texte et l'ai corrigée ! nous ne sommes pas encore le 11 juin, et l'expo n'est pas terminée ...

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  2. J'aime votre manière de retranscrire avec beaucoup de finesse et d'émotion juste cette exposition.
    On sent que cet univers vous a touchée.
    Merci donc pour cette évocation.

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    1. Cest marrant Miss : il s'agit d'un univers à la fois proche, dans le temps, et lointain : un milieu d'artistes qui se connaissaient, se fréquentaient, s'aimeient, se détestaient et d'avoir lu Bona donne plus de relief à la visite

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  3. Je suis tout à fait d'accord avec Miss Lemon...

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Quel beau reportage! ainsi, même sans y aller, c'est un peu comme si ces expositions étaient familières

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  6. je me demande comment serait perçue Camille CLAUDEL si elle vivait à notre époque...qui n'est absolument pas moderne mais biobio et snobinarde....enfin...pour l'instant

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    1. Biobio ?? ma foi connaissais pas mais oui ! Voyons, la notion d'artiste maudit n'existe plus trop, et puis Camille n'était pas vraiment maudite, mais farouchement femme, farouchement sculpteur et elle s'est beaucoup battue. Elle aurait sans doute, à l'heure actuelle, d'autres batailles !

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